À la manière d'un jeu de dominos, les appuis de Lance Armstrong tombent un à un depuis les révélations de l'Agence antidopage américaine. Le champion déchu a perdu coup sur coup ses deux plus importants alliés, mercredi.

L'équipementier américain Nike a d'abord annoncé la fin de sa longue et indéfectible association avec l'athlète. Armstrong a annoncé dans la foulée qu'il quittait la fondation qu'il a lui-même créée et qui lui a servi de caution morale au moment où les accusations de dopage se multipliaient au cours des derniers mois.

Mardi, Nike soutenait toujours publiquement le cycliste. Une poignée de manifestants s'est rendue devant les bureaux de l'entreprise, en Oregon, pour demander qu'elle cesse de commanditer «un tricheur». «Renvoyez Lance. Just Do It», pouvait-on lire sur l'une des pancartes. L'entreprise s'est alors empressée de réitérer son appui et de rappeler qu'elle croyait Armstrong lorsqu'il clamait son innocence.

Mais Nike a fait volte-face mercredi et a annoncé sur son site internet sa décision de lâcher Armstrong. «À cause des preuves apparemment indéniables voulant que Lance Armstrong se soit dopé et ait dupé Nike pendant plus d'une décennie, c'est avec tristesse que nous mettons fin à notre contrat avec lui, peut-on lire dans un communiqué non signé sur le site de l'entreprise. Nike n'approuve l'usage de substances dopantes illégales d'aucune manière que ce soit.»

Dans les heures qui ont suivi la sortie de Nike, Anheuser-Busch a aussi annoncé qu'elle n'entendait pas renouveler son association avec le Texan. Armstrong faisait en effet la promotion d'une bière produite par la multinationale.

Nike a toutefois assuré qu'elle continuerait de soutenir financièrement la fondation mise sur pied par Armstrong en 1997. Des médias parlent d'une aide de 8 millions par année. Était-ce une exigence de Nike? Toujours est-il qu'Armstrong a annoncé simultanément qu'il quittait son rôle à la tête de la fondation. L'Américain veut ainsi «épargner à la fondation les effets négatifs résultant de la controverse autour de [sa] carrière cycliste».

Armstrong, survivant du cancer, a mis sur pied Livestrong pour venir en aide aux gens atteints de cette maladie. La fondation soutient avoir amassé 500 millions à cette fin depuis sa création.

L'Agence antidopage américaine (USADA) a dévoilé la semaine dernière un rapport de 1000 pages contenant les témoignages de 26 personnes, dont 11 anciens coéquipiers d'Armstrong. On y détaille comment le Texan, sept fois vainqueur du Tour de France, aurait mis en place «le programme de dopage le plus sophistiqué, le plus professionnel et le plus efficace jamais vu».

Quelques heures après la publication du rapport, Lance Armstrong s'est contenté de publier un tweet dans lequel il se disait serein, passant du temps avec sa famille «et pensant à ça», suivi d'un lien vers sa fondation pour le cancer.

Lorsque l'USADA l'a suspendu à vie en août dernier, Armstrong a encore une fois rappelé sa lutte contre le cancer. Après avoir maintenu le silence radio pendant des jours, il a décidé de répondre à l'USADA lors d'un congrès sur le cancer à Montréal: «Je m'appelle Lance Armstrong. Je suis un survivant du cancer et, oui, j'ai gagné le Tour de France sept fois.»

L'annonce du départ d'Armstrong survient à un moment inopportun: Livestrong célèbre son 15e anniversaire le week-end prochain.

Nike flanche

La décision de Nike a en surpris plusieurs. L'entreprise a la réputation de maintenir coûte que coûte ses relations avec les athlètes éclaboussés par des scandales. Après l'affaire des combats de chiens, il n'avait par exemple attendu qu'un an et demi pour réactiver son association avec Michael Vick.

Nike a aussi toujours refusé de lâcher Tiger Woods lorsqu'il était au coeur d'une chicane domestique hautement médiatisée et lorsque ses infidélités ont fait les manchettes. Dans une entrevue en 2009 à Sports Business, le PDG de Nike, Phil Knight, se défendait ainsi: «Lorsque sa carrière sera terminée, on parlera de ces indiscrétions comme d'une peccadille, même si les médias en font leurs choux gras pour l'instant.»

Force est de constater que «l'affaire Armstrong» n'entrait plus dans la catégorie des peccadilles. «Nike essaie d'éviter qu'il y ait un transfert d'image négative de Lance Armstrong et ses scandales vers Nike. Ils ne souhaitent pas que Nike soit associée à la corruption, à la tricherie, au dopage», soutient André Richelieu, professeur titulaire de marketing du sport à l'Université Laval.

Le spécialiste note que les scandales à répétition qui touchent les athlètes - notamment la multiplication des cas de dopage - vont pousser certaines entreprises à y penser à deux fois avant de s'associer à l'un d'eux. «Commanditer un athlète est beaucoup plus dangereux que de commanditer une équipe. S'il y a un pépin, vous ne pouvez pas vous en sortir, parce que l'athlète est tout seul, il n'y a que lui», ajoute M. Richelieu.

La peur de l'athlète sera-t-elle une conséquence de l'affaire Armstrong? Toujours est-il que le principal concurrent de Nike, Adidas, a annoncé mercredi une nouvelle collaboration. La marque allemande s'est associée à... Justin Bieber. À priori, l'EPO ne devrait pas être un problème.

Photo: AFP