Le Tour de France souhaite ne pas réattribuer les sept victoires de Lance Armstrong, l'Américain sanctionné pour dopage par l'agence antidopage de son pays (USADA), et veut tourner la page d'une «époque à jamais entachée».

Deux jours après la publication du rapport de l'agence américaine qui stigmatise le septuple vainqueur de la Grande Boucle, Christian Prudhomme, directeur du Tour, s'est prononcé vendredi pour des lignes vierges au palmarès.

En s'exprimant pour la première fois sur le sujet, il a évoqué une «double mise en cause», à la fois «d'un système et d'une époque à jamais entachée».

Dans son rapport, l'USADA détaille pour chacune des sept victoires d'Armstrong un système de dopage organisé autour de lui, de 1999 à 2005. Une interminable période de domination pendant laquelle le Texan a imposé sa loi à des adversaires qui ont été eux aussi éclaboussés ou directement frappés à un moment ou un autre par des soupçons ou des preuves de dopage.

«Ce que nous souhaitons, c'est qu'il n'y ait pas de vainqueur», a déclaré Christian Prudhomme en parlant d'un «tableau accablant» dressé par l'USADA.

Champ de décombres

Mais les organisateurs ne sont pas maîtres d'oeuvre de leur palmarès, a-t-il rappelé aussi. Le Tour le vérifia à ses dépens après les aveux de dopage de Bjarne Riis, le vainqueur 1996. Sa victoire ne pouvant être remise en cause pour cause de prescription, le Danois, rayé dans un premier temps, a été réintégré en 2008 au palmarès.

Il revient maintenant à l'Union cycliste internationale (UCI) de valider ou non, avant le début du mois prochain, la décision de l'USADA qui a radié Armstrong à vie et annulé ses résultats durant la majeure partie de sa carrière. Ce n'est qu'à ce moment-là que les dauphins d'Armstrong (Alex Zülle, Jan Ullrich, Joseba Beloki, Andreas Klöden, Ivan Basso) sauront s'ils grimpent ou non d'un échelon au palmarès.

Devant le champ de décombres de cette époque, à lire les témoignages des équipiers d'Armstrong, Christian Prudhomme a eu recours à une citation de Victor Hugo («ceux qui vivent sont ceux qui luttent») pour évoquer la situation du cyclisme, mis à mal par l'affaire de dopage Festina en 1998 et plus encore par les années de plomb qui ont suivi.

Mais, a souligné le directeur du Tour, à son poste depuis 2006, «c'est sur ces difficultés que s'est construite la lutte antidopage actuelle».

Des blessures à vif

Depuis 2008, l'Union cycliste internationale (UCI), soupçonnée par l'USADA de complaisance à l'égard d'Armstrong, a adopté le passeport biologique, un outil essentiel dans la lutte antidopage dès lors qu'il permet de suivre dans le temps les profils des coureurs de l'élite et repérer les anomalies.

«Le passeport biologique, le nombre de contrôles et le ciblage de plus en plus efficace permettent que les tricheurs sont pris de plus en plus rapidement», a estimé Christian Prudhomme.

Comme bon nombre d'acteurs du cyclisme, le Tour préfère évoquer l'avenir. À l'exemple de son vainqueur 2011, le Britannique Bradley Wiggins: «Pour moi, il s'agit d'avancer et de ne plus se retourner vers ce qui s'est passé il y a dix ou quinze ans. Nous sommes l'un des sports qui parvient le mieux à attraper (les tricheurs).»

La mise en pleine lumière du système Armstrong a rouvert toutefois des blessures qui étaient loin d'être cicatrisées. Car, à l'inverse de ceux qui cherchent à se justifier («le dopage n'était pas une exception mais la norme», affirme l'Américain Levi Leipheimer), d'autres ont toutes les raisons de fulminer.

«On s'est fait voler des victoires, et de l'argent aussi», a réagi le coureur français Sébastien Hinault (38 ans) au journal Le Télégramme. Avant de dresser lui aussi un tableau plus réconfortant: «Aujourd'hui, en France, le cyclisme est l'un des sports les plus propres qu'on puisse trouver. Un ménage a été fait, contrairement à d'autres sports qui hésitent encore. Et s'il y a sûrement des coureurs qui continuent à d..., la grande majorité du peloton est à l'eau.»