De l'avis général, le cyclisme canadien masculin sur route n'a jamais été aussi en santé. Les prochaines années s'annoncent particulièrement excitantes... à condition que les dollars de la commandite privée soient au rendez-vous. Tour d'horizon à l'aube du Grand Prix cycliste de Québec, dont le volet compétitif sera lancé jeudi après-midi avec le Challenge sprint pro.

Gord Fraser ne se peut plus ces jours-ci. À titre d'analyste pour la télévision, l'ancienne gloire du sprint aura un siège de choix pour assister aux Grands Prix cyclistes de Québec (demain) et de Montréal (dimanche).

À titre de nouveau sélectionneur de l'équipe canadienne, il se basera en partie sur le déroulement de ces deux courses pour arrêter son choix sur les quatre coureurs qui porteront l'unifolié aux Championnats du monde de Valkenbourg, aux Pays-Bas, dans deux semaines.

Une liste provisoire de 12 noms a été établie avant la sélection finale qui sera officialisée le 12 septembre. Selon Fraser, cette liste aurait facilement pu être élargie à 15 ou 16 coureurs, du jamais vu.

«Dans le passé, tu aurais été chanceux d'avoir trois coureurs en mesure d'y aller!» lance le sélectionneur, mi-blagueur.

Même Ryder Hesjedal n'est pas assuré de sa place, jure Fraser. «Je n'ai pas de problème à le dire: s'il n'est pas prêt, sa place n'est pas assurée dans l'équipe seulement parce qu'il a gagné le Giro. Mais s'il revient, ne serait-ce qu'à la normale, ce sera suffisant, n'est-ce pas?»

Absent de la compétition depuis les Jeux olympiques de Londres, fin juillet, Hesjedal ne donne pas l'impression d'un coureur sur le point de prendre des vacances.

En conférence de presse, hier après-midi, il a exprimé sa grande motivation pour cette fin de saison, surtout que les Mondiaux seront disputés en partie sur les routes de l'Amstel Gold Race, où il a connu du succès (2e en 2010). L'athlète de Victoria s'est entraîné chez lui tout le mois d'août et affirme «bien [se] sentir sur [son] vélo». «J'espère encore bien faire ici», a dit Hesjedal, qui s'était classé quatrième et troisième sur ses terres il y a deux ans.

Interrogé à ce sujet, Hesjedal a répété que le cyclisme masculin canadien n'a «jamais été aussi fort», notamment en Europe. «Les quatre gars qualifiés pour les Mondiaux, je ne crois pas qu'on n'ait jamais réussi cela. C'est une preuve juste là.»

D'autant qu'aux yeux de Fraser, les quatre hommes choisis auront le potentiel de se retrouver dans le groupe final et en mesure d'aider un leader désigné. «On ne va pas aux Mondiaux juste pour brandir le drapeau et être à la queue du peloton, a fait valoir Fraser. C'est vraiment excitant pour moi.»

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L'ancien maillot jaune Steve Bauer a largement contribué à cette effervescence. Son équipe SpiderTech-C10, qui détient une licence pro continentale (deuxième division), permet à de nombreux jeunes coureurs canadiens de se frotter aux meilleurs en Europe.

Une telle occasion n'existait pas à l'époque de Fraser, dans les années 90 et au début de 2000. «Il fallait courir pour une équipe américaine ou bien tenter sa chance en Europe, rappelle l'Ontarien d'origine. Il fallait tout compte fait déloger un coureur européen dans sa cour et dans son sport...»

Fraser émet cependant une mise en garde au sujet du projet de SpiderTech: «C'est précaire. Ça pourrait disparaître en une minute.»

Bauer le sait trop bien. Depuis plus d'un an, il cherche un partenaire privé d'envergure qui se joindrait à SpiderTech pour faire passer l'équipe au niveau supérieur, le Pro Tour. L'ancien maillot jaune estime qu'un budget annuel de 15 à 20 millions de dollars serait nécessaire pour gérer une équipe compétitive.

«J'y crois, on doit y croire, c'est une question de temps», dit Bauer, tout en admettant du même souffle que le monde des affaires est très difficile. «Quand? Qui sait. Ce pourrait être demain, comme ce pourrait être dans six mois.»

Bauer dispose de moins d'un an pour trouver un partenaire de rêve afin de réaliser son objectif d'atteindre le Pro Tour en 2014.

«On peut faire les grandes ligues, insiste-t-il. Avec les performances récentes de David Veilleux, Ryan Roth, François Parisien, Svein Tuft, on est capables. Il s'agit d'aligner nos forces et que le milieu des affaires canadien partage notre vision.»

Un excellent résultat à Québec et à Montréal ne ferait pas de tort non plus.

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Une année glorieuse pour le cyclisme canadien

15 avril: Ryan Roth, de SpiderTech-C10, surprend certains des meilleurs coureurs français en remportant le Tro Bro Léon, course d'un jour disputée en partie sur des routes de gravier en Bretagne. Son coéquipier Guillaume Boivin l'accompagne sur la troisième marche du podium.

14 et 15 mai: David Boily porte le maillot de meilleur grimpeur pendant deux jours au Tour de Californie.

27 mai: Ryder Hesjedal gagne le Giro d'Italie, devenant le premier cycliste canadien à s'imposer dans l'un des trois grands Tours. Il surpasse ainsi l'exploit de Steve Bauer, qui a porté le maillot jaune au Tour de France durant 14 jours en 1988 et 1990. Fait exceptionnel, trois autres Canadiens ont pris part au Giro: Dominique Rollin, Svein Tuft et Christian Meier, ce qui représente une première.

17 juin: Le vétéran Bruno Langlois enlève la dernière étape du Tour de Beauce. Hugo Houle, 21 ans, prend le deuxième rang classement général final.

11 août: Svein Tuft remporte le contre-la-montre pour prendre la tête du Eneco Tour, une course par étapes aux Pays-Bas et en Belgique qu'il terminera au septième rang.

18 août: David Veilleux s'impose en solitaire aux Trois Vallées Varésines, une prestigieuse classique italienne créée en 1919. Il résiste au retour du champion italien Giovanni Visconti dans le circuit final très accidenté. Au palmarès, le coureur de Cap-Rouge succède à de grands noms tels Davide Rebellin, Stefano Garzelli, Danilo Di Luca et Claudio Chiappucci. À noter la quatrième place de François Parisien, qui a raté la première moitié de saison en raison d'une blessure à un genou.

1er septembre: Boivin se classe septième de la World Ports Classic, un nouveau diptyque belgo-néerlandais regroupant plusieurs des meilleurs sprinters de la planète. En février, il a fini deuxième de la deuxième étape du Tour méditerranéen.

Mai et août-septembre: Rollin participe successivement au Giro et à la Vuelta, les deux plus grandes courses par étapes de trois semaines après le Tourde France.

Photo: Le Soleil

Bruno Langlois et David Boily