Keven Lacombe se remet bien de sa terrible chute subie au critérium des championnats canadiens, fin juin. Remonté en selle moins de deux mois après une opération majeure, il se surprend même à bien se sentir sur le vélo. Sa saison 2011 est néanmoins terminée. Et l'accident a provoqué chez lui une sérieuse remise en question.

Keven Lacombe s'était déjà cassé un fémur lors d'une chute en course. Mais jamais n'a-t-il autant souffert qu'à la suite de l'opération pour réparer une quadruple fracture à la mâchoire et au menton qu'il s'est infligée à Burlington, en Ontario, le 26 juin.

Pendant deux semaines, le cycliste de l'équipe SpiderTech propulsée par C10 a eu la tête comme une «boule de quilles». Les comprimés antidouleur parvenaient difficilement à le soulager et il devait dormir assis pour soustraire sa mâchoire aux effets de la gravité. Dormir étant un bien grand mot.

«Comparé au fémur, c'était vraiment extrême. Le plus dur, mentalement, c'est de ne pas savoir quand la douleur va s'arrêter», a expliqué Lacombe devant un expresso, hier matin, à Montréal.

Son visage porte encore les marques de sa chute, survenue en début de course, dans un virage, sans qu'il sache trop pourquoi. L'inflammation ne s'est pas complètement résorbée, surtout du côté gauche, où la plaie s'est infectée. Il est encore incapable de mouvoir les sourcils, ce qui lui donne un curieux regard atone. Plus évident est le trou laissé par les deux palettes abandonnées sur le bitume au moment de l'impact, comparable à un puissant uppercut sous le menton.

Ironiquement, la perte de ses dents lui a permis d'éviter un régime strictement liquide lors des cinq semaines et demie où il a eu la mâchoire brochée. Lacombe pointe l'étagère où traîne un lot entamé de bouteilles d'Ensure. «J'en ai bu trois et c'est tout, raconte-t-il. Ce n'était pas si mal. J'étais capable de manger du yogourt, des crêpes coupées en petits morceaux.»

Le cycliste de 26 ans ne se pèse jamais, mais il estime avoir repris la moitié de la vingtaine de livres qu'il a perdues. Considérant la complexité des fractures, sa récupération paraît remarquable. «Présentement, je suis revenu à ma vie normale. Mon corps est pareil à ce qu'il était, sauf la mâchoire. J'ai roulé un peu. Ça ressemble un peu à ma forme de début de saison.»

Il a profité de sa convalescence pour renouer avec les siens dans son Amos natal et s'adonner à son autre passion, la chasse et la pêche. Après l'entrevue, il partait d'ailleurs réparer son bateau à Châteauguay en prévision de l'ouverture de la chasse aux canards.

Lacombe ne s'en cache pas, cet inhabituel repos forcé en plein milieu de l'été lui a également donné le temps de réfléchir à son avenir. Le sprinter s'est entre autres demandé si sa tolérance aux risques en course ne se trouverait pas émoussée.

«Je me suis quand même remis en question, dit-il. Je fais du sport, mais c'est dur physiquement. Le corps vit des extrêmes, la machine s'use, même si on ne tombe pas. On est beaucoup plus hypothéqué qu'une personne qui travaille dans un bureau et qui roule trois fois par semaine pour le plaisir. Quand on se casse la mâchoire, qu'on a la face croche, ça va loin. On réfléchit si on veut continuer ou pas.»

Il y a aussi sa blonde, ses études en comptabilité aux HEC, sa future carrière professionnelle. Chose certaine, Lacombe ne s'éternisera pas sur un vélo. Il lui reste à décider s'il s'engagera pour une autre saison. Il a connu un bon printemps en Europe, ce qui a suscité l'intérêt de quelques équipes, dont une du ProTour. Pour l'heure, son coeur penche vers SpiderTech, seule formation canadienne de niveau pro continental (division 2), dirigée par Steve Bauer et Josée Larocque.

«J'ai de bonnes relations avec eux depuis trois ans et je suis bien dans cette équipe, souligne Lacombe. Je crois en leur projet de mener une équipe canadienne au plus haut niveau. Si je m'aligne pour une autre année, il y a toutes les chances que je le fasse avec SpiderTech.»