Tous les mardis jusqu'à la mi-août, La Presse vous propose des portraits de passionnés du vélo. Aujourd'hui : Valentin Fraix, Breton d'origine et fondateur d'un club de vélo-polo à Montréal.

«Un, deux, trois, polo!» Deux cyclistes armés de maillets s'élancent vers la balle orangée placée au centre du terrain. Dans chaque équipe, deux joueurs surveillent les buts. Valentin Fraix attrape la balle le premier et se faufile jusqu'au filet. Après avoir bousculé deux adversaires sur son vélo blanc à une vitesse, il lance... et compte!

Deux fois par semaine, dans le terrain de hockey du parc des Vétérans de la rue Papineau dans le quartier Centre-Sud, Valentin et une vingtaine de vélo-poloïstes se disputent la balle jusqu'à la tombée du jour.

L'homme de 27 ans originaire de Bretagne, en France, a fondé le club de vélo-polo à Montréal l'an dernier avec quelques amis. Pour en faire partie, il s'agit d'avoir une bicyclette et un maillet, conçu avec un bâton de ski et un petit tuyau de plastique noir fixé au bout.

Si l'équipement sportif semble artisanal, le jeu, lui, est sérieux. Le club a ses armoiries: deux maillets croisés, une fleur de lys, des cônes et une couronne.

«On intègre tous ceux qui veulent jouer, mais on a nos objectifs à atteindre, dit le jeune homme aux cheveux frisés noirs avec deux boucles d'oreilles de la même couleur. Si tu sais rouler et que tu as de l'équilibre, tu peux jouer avec nous. Comme dans tous les sports, c'est une question de pratique.»

Les joueurs ont un uniforme officiel et sont supportés maintenant par un commanditaire. L'équipe de Fraix, «les Smoked Meat», participait aux qualifications du championnat nord-américain à Toronto au début du mois de juillet. Elle a terminé en huitième de finale. Les Smoked Meat seront aussi à Rochester, dans l'État de New York, en août.

»Le boucher»

Le sport a été inventé en Irlande à la fin du 19e siècle. À l'époque, l'ancêtre du vélo-polo moderne se jouait sur gazon. Il faudra attendre les années 1990 pour que la discipline prenne de l'importance en Amérique du Nord et qu'elle soit adaptée sur le bitume. Les courriers à vélo de la côte Ouest lui ont redonné ses lettres de noblesse.

Les règles du jeu sont semblables à celle du hockey, mais les parties ne durent que 10 minutes et il n'y a pas de gardien de but. Une main sur le frein, l'autre qui tient le maillet, l'un des trois joueurs doit bloquer les tirs avec sa roue pleine lorsque la balle est trop près du filet.

Le vélo-polo s'éloigne considérablement de la royauté anglaise. Ici, pas question de prendre le thé en bordure du terrain. On partage plutôt une bière fraîche dans une canette en attendant de sauter dans l'arène. Si le sport est accessible à tous, gare aux petites natures! Les contacts sont acceptés et font même partie de la routine du jeu. «Il peut y avoir pas mal de casse, dit Fraix. Les joueurs ne doivent pas avoir peur d'esquinter leurs vélos. Ici, on m'appelle «le boucher». J'ai brisé bien des roues, des maillets et j'ai presque cassé le nez de l'un des joueurs.»

Vélo politique

Le jour, Valentin Fraix fait sa maîtrise en sociologie à l'UQAM et il travaille comme serveur dans un restaurant sur la rue Sainte-Catherine. Le jeune Français s'est installé à Montréal il y a cinq ans. «Ici, c'est normal de rouler à vélo, il y a une véritable culture. D'où je viens, dans mon village en Bretagne, les gens pensent que si tu roules à bicyclette, c'est que tu es pauvre.»

Pour ses déplacements, il roule exclusivement sur deux roues, beau temps, mauvais temps. «Pour moi, utiliser un vélo est un acte politique. Lorsque je me déplace et qu'il fait moins 30 oC, je montre aux gens dans leurs voitures qu'il y a d'autres moyens de locomotion.»

La ligue de vélo-polo ne fait pas relâche non plus durant l'hiver. Cette année, la bande de cyclistes squattait un entrepôt du Vieux-Port de Montréal. Ils jouaient aussi sous l'échangeur d'une autoroute dans l'ouest de la ville. Valentin Fraix milite d'ailleurs pour obtenir un terrain officiel, tel qu'on en trouve à Vancouver. «On nous prend pour des ovnis ici, dit-il. Je jouerais tous les soirs si je le pouvais. On arrive avec nos vélos, quelques bières et... polo!»

PHOTOS FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Bienvenue au vélo-polo. Les cyclistes, équipés d'un maillet, s'élancent vers la

balle orangée dans le terrain de hockey du parc des Vétérans, dans le quartier

Centre-Sud.