«Gagner, gagner, gagner»: comme tous les sprinteurs, Tyler Farrar a un leitmotiv qui le guide à l'approche d'un sprint et qui va crescendo, dans une montée d'adrénaline qui culmine quand on franchit, en tête de préférence, la limite tant convoitée.

À partir de lundi à l'arrivée de la 3e étape à Redon, le Tour de France offrira la part belle à la caste particulière des sprinteurs pendant plusieurs étapes avant les premières difficultés du Massif Central. Les Cavendish, Farrar, Petacchi ou Greipel notamment laisseront parler leur instinct.

Tous le disent, dans les 500 derniers mètres, c'est certes la puissance de leurs jambes qui parle mais surtout l'instinct, leurs sensations qui les mènent.

«La plupart des vrais sprinteurs ont cet instinct en eux. Mais il faut savoir l'amener à la perfection, bien gérer le stress et l'adrénaline qui montent», explique Erik Zabel, ancien maître de l'exercice, six fois maillot vert du Tour de France et aujourd'hui dans l'encadrement de l'équipe HTC de Mark Cavendish.

Un sprint commence en réalité bien avant la confrontation directe des spécialistes.

Le «train», l'ensemble des membres d'une équipe roulant à tour de rôle pour bien placer leur champion et le protéger des adversaires, se met en place dans les vingt derniers kilomètres. Les formations rivales se livrent à un jeu de frottement pour imposer leur cadence et leur place.

«Avec une bonne équipe, ça allège les décisions, on peut faire confiance, explique Farrar. Ensuite, il faut anticiper, essayer de se placer pour être au bon endroit au bon moment».

Irrationnel

«Il y a des automatismes, une +checklist+ qu'on passe dans la tête: est-ce que je suis bien placé? Où sont mes concurrents? Mes partenaires?», raconte Zabel. «Tous les 500 mètres, la situation change et on refait cette liste pour tirer le maximum de la situation», poursuit-il.

«On ne reconnaît rien à part une zone de quelques mètres autour de soi. On essaie de se repérer: +on a passé tel pont, il reste trois ronds-points+ et on compte 1, 2, 3... Je faisais ça dans les cinq derniers kilomètres mais au Tour de France, c'est plus tôt, dans les 15 derniers kilomètres», précise l'Allemand.

Pendant que le sprinteur les suit presque aveuglément, ses partenaires s'écartent tour à tour. Le rythme de la course augmente, la tension aussi.

Puis dans les 500 derniers mètres, les sprinteurs sont lâchés. «Là, il ne faut pas penser, ni avoir peur. On roule à l'instinct», explique Farrar.

Les nerfs prennent parfois le dessus: sur le Tour 1997, Tom Steels avait jeté son bidon en direction de Frédéric Moncassin, Cavendish avait adressé un bras d'honneur après une victoire dans le Tour de Suisse 2009, parfois aussi les coups de tête s'échangent comme l'an dernier sur le Tour entre Mark Renshaw et Julian Dean, les «lanceurs» de Cavendish et Farrar...

«Ce stress, cette adrénaline accumulés doivent sortir, c'est pour ça qu'il y a parfois des gestes étranges, explique Zabel. Pour la plupart des sprinteurs, c'est un peu comme une drogue, c'est un frisson qu'on ne connaît pas dans la vie normale».