Il faut croire que la ville de Québec et le cyclisme étaient dus pour se rencontrer. Même l'actualité politique de la capitale trouve écho dans le monde du vélo. Hier matin, Lance Armstrong partageait sa tristesse après la mort du ministre Claude Béchard. «Quarante et un ans, c'est vraiment trop jeune. Qu'il repose en paix», écrivait-il sur sa messagerie Twitter.

Non, Lance Armstrong n'est pas à Québec. Mais ses meilleurs coéquipiers s'y trouvent avec une bonne partie de l'élite internationale pour le Grand Prix cycliste ProTour, nouvelle course de niveau inédit en Amérique dont le départ sera donné demain sur la Grande-Allée. Petit résumé de la première journée:

8h30: coureurs en lycra, touristes japonais et clients bien fringués se croisent dans les portes tournantes du Château Frontenac. Arrivés la veille par vol nolisé de Paris, les cyclistes projettent pour la plupart une remise en jambes de deux-trois heures. Après s'être dépêtrés dans les sens uniques des rues étroites du Vieux-Québec, ils reviendront sous la pluie battante, trempés. Au plus fort du déluge, des coureurs de Milram sont aperçus se protégeant sous le pont de Québec.

La météo maussade a d'ailleurs occupé une bonne partie des conversations. «Moi, j'espère juste qu'il va pleuvoir et qu'il va faire froid!» lâche Keven Lacombe, de l'équipe canadienne. L'Abitibien espère secrètement que de mauvaises conditions casseront le moral d'un peloton épuisé par une longue saison. Des propos repris plus tard par le champion français Thomas Voeckler, vétéran de la jeune équipe Bbox Bouygues Telecom: «Il y a plusieurs coureurs chez nous qui sont un peu des têtes brûlées, qui n'ont pas peur.» L'ancien maillot jaune ne s'inclut pas dans le lot.

10h30: conférence de presse d'ouverture au ton joyeux. L'organisateur Serge Arsenault est aux côtés du maire Régis Labeaume, du ministre fédéral Denis Lebel, et, surtout, de Pat McQuaid, président de l'Union cycliste internationale. M. McQuaid rappelle que l'UCI veut «s'internationaliser» et sortir du carcan européen. Le Tour Down Under, en Australie, en janvier, et les courses de Québec et Montréal (dimanche) sont les premiers jalons.

Dans la foulée, M. Arsenault ne cache pas sa volonté d'attirer les championnats du monde à Québec en 2015. Il en a déjà parlé au maire Labeaume, qui a trouvé cela un peu prématuré. «On s'est dit soyons plus sages, on en reparlera... dès dimanche quand la première édition aura eu lieu», lance le maire. Hilarité dans la salle. «Mais c'est certain que nous avons cet objectif en tête», poursuit plus sérieusement M. Labeaume.

Chose sûre, M. McQuaid pousse en ce sens et prévoit en discuter avec ses 175 fédérations membres lors du congrès en marge des championnats du monde de Melbourne, le mois prochain. Officieusement, les Mondiaux se tiennent à l'extérieur de l'Europe tous les sept ans. M. McQuaid veut d'abord convaincre ses membres de ramener cette période à cinq ans. L'attribution pourrait suivre dès 2011, dit-il. À suivre, mais le vent est clairement favorable pour Québec.

13h30: les journalistes sont conviés à une reconnaissance du parcours par l'Office de tourisme de Québec. Une bonne trentaine d'entre eux se pointent. Parmi le groupe, quelques accompagnateurs de luxe, dont Steve Bauer, Pierre Harvey et Louis Garneau, réunis pour la première fois sur un vélo depuis la médaille d'argent de Bauer aux Jeux olympiques de Los Angeles. Seul absent, Alain Masson. «Déjà 26 ans», s'étonne Pierre Harvey qui, fallait-il en douter, tient toujours la grande forme.

Dans les voitures suiveuses, d'autres grosses pointures débarquées de la France et amis de la première heure de Serge Arsenault: Yves Hézard, Bernard Vallet, Charly Mottet, Laurent Jalabert. Arrêt au Séminaire de Québec, où ces anciens champions offrent leurs impressions sur le parcours. Journalistes en cuissard, coureurs en jeans, c'est le monde à l'envers. Comme plusieurs, Jalabert voit le Slovaque Peter Sagan comme grand favori.

15h30: retour au Château, où Ivan Basso, Samuel Sanchez, Levi Leipheimer et Voeckler, les vrais coureurs, pas des imposteurs, tiennent un point de presse. Tous vantent la qualité de l'accueil, et ça ne semble pas du pipeau.

Leur niveau de motivation? Variable. Après le doublé Giro-Tour de France, Basso est fatigué et est ici pour appuyer ses coéquipiers Sagan et Daniel Oss. Quatrième au Tour, Sanchez, champion olympique, veut vérifier s'il a la forme pour les Mondiaux. Avec leur exclusion insultante de la Vuelta, les RadioShack du vétéran Leipheimer sont particulièrement nantis avec Zubeldia, Brajkovic et Paulinho. Voeckler, lui, dit de surveiller son jeune coéquipier Cyril Gautier.

Alors, Québec, planète vélo? Comme quoi il n'y a pas que les Nordiques par ici.