À sa deuxième saison dans le peloton européen, le cycliste Dominique Rollin est prêt à s'affirmer. Après s'être fait les dents à Paris-Nice et Milan-San Remo et avec quelque 9000 kilomètres au compteur en 2010, il s'attaque maintenant aux classiques flamandes, en Belgique, son principal objectif de début de saison. Bilan de sa préparation.

Dominique Rollin se souviendra longtemps de sa première participation à Milan-San Remo, la grande classique italienne, remportée pour la troisième fois par l'Espagnol Oscar Freire, samedi dernier. La veille, même s'il n'apprenait rien de neuf, le cycliste de Boucherville avoue que ses jambes ont ramolli en voyant sur une feuille la distance officielle de l'épreuve plus que centenaire: 298 kilomètres. Sept heures de course, à plus de 40 km/h de moyenne. Ce n'était pas le pire qui l'attendait.

 

Après la course, dans le communiqué officiel de son équipe, Cervélo TestTeam, Rollin a poliment parlé de «problèmes d'estomac», conséquence probable d'un mauvais choix d'aliment au déjeuner. À mi-parcours, il a dû s'arrêter net. Son maillot a volé pendant qu'il cherchait un minimum d'intimité dans un boisé, le cuissard aux genoux. Le visage ahuri de son coéquipier britannique Roger Hammond, qui a assisté à la scène, valait «un million de dollars», a écrit Rollin sur sa page Facebook.

Deux jours plus tard, Rollin raconte l'anecdote en souriant. Il accepte volontiers qu'on la rapporte. «Ça fait aussi partie de la réalité du sport, expliquait le Québécois lors d'une conversation téléphonique depuis la Belgique, en début de semaine. Quand tu passes plus de sept heures sur ton vélo et qu'un problème se présente, il n'y a parfois pas d'autre solution que de t'improviser une toilette.»

Rollin s'est accroché, a retrouvé la santé, mais a dû abandonner à 60 kilomètres du but après qu'une cassure dans le peloton eut sapé sa tentative de retour. Dommage, dit-il, car il avait le sentiment de gagner de la force au fil de l'épreuve, la plus longue du calendrier de compétition. Une semaine plus tôt, Rollin avait éprouvé le même sentiment à la conclusion de Paris-Nice, course par étapes où il a fini 91e, à près d'une heure d'Alberto Contador. Dure semaine au bout de laquelle il a eu l'impression de retrouver ses jambes. «Mille trois cents kilomètres, ça décoince», glisse-t-il.

 

Sélection

Après cette mise en bouche costaude, Rollin respirait la confiance à l'approche des classiques flamandes, des épreuves taillées sur mesure pour ce coureur au fort gabarit.

Mercredi, il a pris part à la semi-classique à travers la Flandre, couvrant les tentatives d'échappée jusqu'à la mi-course. Il a poursuivi son effort dans les montées pavées, avant d'être décroché à 40 km du but. Il s'est accroché à un petit groupe pour finir 93e, à 4:22 du gagnant. «La course s'est bien passée. Du moins, j'avais de bonnes sensations et j'ai accompli mon boulot», a-t-il écrit hier soir.

Ce matin, Rollin prendra le départ du Grand Prix E3, le «petit Tour des Flandres».

«Ce sont les courses qui me conviennent le plus, convenait le coureur de 27 ans, lundi. Il faut juste que l'équipe me donne la chance. Malheureusement, les troubles intestinaux de samedi, ça ne m'aide pas. Ça tombe plus du côté négatif. Ça donne l'impression que je ne suis pas capable de finir Milan-San Remo. J'espère qu'ils comprennent que c'est hors de mon contrôle, que ce n'est pas parce que la forme n'est pas là.»

Rollin n'est pas fâché. Il s'interroge simplement sur le processus de sélection au sein de Cervélo. Lundi soir, il attendait toujours la confirmation de sa participation à Gand-Wevelgem, présentée demain. La sélection finale ne sera annoncée qu'après le GP E3.

Manifestement, les dirigeants de Cervélo préfèrent garder leurs coureurs sur le qui-vive, avec l'option d'effectuer des remplacements en fonction de la forme du moment. «Ça stresse énormément les coureurs, estime Rollin, néanmoins confiant d'y être. Je ne comprends pas cette manière de fonctionner, mais je fais avec. Je beuglerai si quelque chose se passe.»

 

Confiance

L'an dernier, Rollin s'était illustré en Belgique, évitant la chute pour prendre le troisième rang au Grand Prix de l'Escaut. En février dernier, pendant que toute l'attention était tournée vers les Jeux olympiques de Vancouver, il a refait un beau coup. Par un temps de chien, il a fini cinquième de la semi-classique Kuurne-Bruxelles-Kuurne.

Même s'il a été ralenti par une mononucléose au printemps, Rollin a beaucoup appris de sa première saison en Europe. En septembre, il est devenu le deuxième Québécois de l'histoire à s'aligner au Tour d'Espagne, l'un des trois grands Tours. Il a complété presque deux semaines. Fiévreux, il a abandonné à la 13e étape.

Le mois suivant, il a fait le plein de confiance au Grand Prix Ouest-France, en Bretagne, contribuant à la victoire de son coéquipier Simon Gerrans. «C'est une course de 220 kilomètres, j'ai passé les deux derniers tours devant à faire le boulot pour un coéquipier et j'avais encore les jambes pour faire le sprint. Ça m'a un peu ouvert les yeux. J'ai compris que l'année avait payé.»

Jusque-là, il se percevait comme le coureur qui était venu pour apprendre. L'athlète de 27 ans s'est promis de s'imposer davantage cette saison.

Pour ce faire, il veut entre autres améliorer son positionnement dans le peloton. «L'an dernier, je ne prenais pas assez ma place. Là, je suis là pour courir, et arrivera ce qui arrivera. Je sais que je peux faire quelque chose pour l'équipe ou pour moi-même.»

En l'absence de l'Allemand Heinrich Haussler, blessé, Rollin sera au service du Norvégien Thor Hushovd pour les classiques belges. L'équipe prime, mais «si une ouverture se pointe, (il va) sauter dessus».

Installé en Belgique pour quatre semaines, Rollin retournera au Grand Prix de l'Escaut, le 7 avril, et enchaînera avec la Flèche Brabançonne, le 14 avril. Il est réserviste pour le prestigieux Tour des Flandres, le 4 avril, et se «croise les doigts» pour l'historique Paris-Roubaix, le 11 avril. Il s'accordera ensuite un mois de repos relatif avant de revenir en Amérique du Nord pour le Tour de Californie, où il avait signé la victoire la plus significative de sa jeune carrière, il y a deux ans.

 

Fiche

Nom: Dominique Rollin

Âge: 27 ans

Taille: 1m88

Poids: 83 kg

Principaux résultats:

Champion canadien sur route (2006)

3e Tour du Missouri (2007)

1er 5e étape Tour de Californie (2008)

3e Grand Prix de l'Escaut (Belgique, 2009)

5e Ronde van Drenthe (Pays-Bas, 2009)

5e Kuurne-Bruxelles-Kuurne (2010)