On se serait cru à la belle époque de Nathalie Lambert et de la «méchante» Américaine Cathy Turner. Cette fois, la «victime» avait pour nom Charles Hamelin, et son «bourreau», Jeff Simon, un Américain évidemment.

Auteur d'un dépassement audacieux dans le dernier virage, Simon a gagné le 1500 mètres de la Coupe du monde de patinage de vitesse courte piste, samedi après-midi, à l'aréna Maurice-Richard.

Pendant que Simon célébrait sa victoire avec son compatriote Simon Cho, médaillé d'argent, Hamelin l'a pointé d'un doigt rageur, soulevant des huées dans le public, très clairsemé. Le double champion olympique en avait contre le dépassement intérieur effectué par l'Américain à l'entrée du dernier virage. Après un contact, Hamelin a été projeté à l'extérieur, ce qui l'a fait glisser au quatrième rang. Son compatriote Guillaume Bastille en a profité pour cueillir le bronze.

Les officiels n'ont rien trouvé à redire, au grand déplaisir d'Hamelin, d'autant qu'il s'était fait faire le même «geste de désespoir» par le même rival lors des qualifications du 500 m la veille. «Je lui ai dit: deux en deux jours, tu ne trouves pas que c'est un peu exagéré? a lâché Hamelin, dépité, quelques minutes plus tard. Il avait l'air à ne pas comprendre.»

En fait, Simon comprenait très bien. Il a cependant senti qu'il avait la vitesse et l'espace nécessaires pour tenter un dépassement qui pouvait le mener à sa toute première victoire en Coupe du monde. «J'ai le sentiment que c'était propre, j'ai donc fait le dépassement. Il a vu les choses autrement, c'est son point de vue», a dit Simon un peu plus tard.

En fait, le litige est directement relié à la façon d'interpréter les nouveaux règlements mis en place par l'Union internationale de patinage. Celui qui dépasse n'a dorénavant plus la même responsabilité que dans le passé à partir du moment où il est parvenu à la hauteur de son rival. Cela favorise l'attaque, surtout en fin de course. Même s'il n'est pas nécessairement d'accord avec ce nouveau règlement, qu'il compare à ce qui prévaut en F1, Jeff Simon a décidé de s'engouffrer quand il a senti l'ouverture. Au risque de provoquer Charles Hamelin...

«Il est le médaillé d'or olympique, c'est l'homme, il est le roi, a rappelé Simon. Il n'y a aucun manque de respect. Je n'ai que de l'amour pour lui. Mais je suis ici pour attaquer et rendre cela excitant. C'est ce qu'on fait, right

Chose certaine, Hamelin ne sait plus trop comment réagir. La veille, il a laissé passer Simon, ce qui lui a valu d'être repoussé au troisième rang. Samedi, il lui a fermé la porte, provoquant un contact qui l'a exclu du podium.

«Je ne sais pas quoi faire, dans le fond, a dit le Québécois de 26 ans. Je ne sais pas quoi faire la prochaine fois pour réussir à gagner ou pour lui faire payer un peu ce qu'il m'a fait. C'est un peu décevant.»

Au moins, Bastille a pu récolter le bronze, concluant avec brio une longue journée de travail qui avait commencé par trois vagues de repêchage en matinée. «Personnellement, plus je cours, meilleur je deviens, a noté le natif de Saint-Modeste, un petit village situé près de Rivière-du-Loup. C'est sûr qu'au niveau de l'énergie, c'est un peu plus dur, mais de façon générale, ça n'a pas été mauvais.»

Seul représentant canadien en finale du 1000 m - François Hamelin n'a pas été en mesure de sortir du repêchage - Michael Gilday n'a pas déçu en décrochant la médaille d'argent. Il s'en voulait quand même un peu de s'être fait surprendre par le Français Thibaut Fauconnet, qualifié de patineur «modeste» le matin même dans La Presse (avec mes excuses). «J'ai raté ma stratégie un peu, a dit Gilday, rare athlète international de Yellowknife. Je savais que je pouvais gagner.»

L'argent pour St-Gelais, le bronze pour Maltais

Mise à part la controverse, les filles ont connu un après-midi semblable à celui de leurs collègues masculins avec deux médailles. Marianne St-Gelais et Valérie Maltais, les deux piliers de cette jeune équipe féminine, ont enlevé respectivement l'argent au 1000 m et le bronze au 1500 m.

St-Gelais, 20 ans, a exprimé son étonnement total en franchissant la ligne derrière l'Américaine Katherine Reutter. Jamais elle n'aurait cru que ses rivales chinoises ne pointeraient pas le bout de leur nez à l'avant en fin d'épreuve. «Je ne m'attendais pas à finir deuxième. Je suis juste extrêmement surprise», a expliqué la vice-championne olympique du 500 m.

Au sujet de cette toute première médaille au 1000 m, St-Gelais a été honnête et rappelé l'absence de l'équipe coréenne et de la Chinoise Meng Wang, championne olympique. L'athlète de Saint-Félicien a comparé le niveau de la course à une «demi-finale de championnats du monde». «C'est un bon 1000 mètres, mais ce n'est pas nécessairement représentatif de ce qui passera dans le reste de la saison. Mais je la prends et ça fait une médaille de plus dans mon coffre à la maison...»

Le bronze avait une autre saveur pour Maltais, seul membre de l'équipe canadienne de courte piste à ne pas être monté sur le podium à Vancouver (elle n'a pas fait les relais). Elle a effectué un superbe dépassement extérieur avec quatre tours à faire pour s'emparer de la tête. L'Américaine Lana Gehring et la Chinoise Yang Zhou l'ont reprise, mais Maltais s'est accroché à la troisième place pour remporter sa première individuelle en Coupe du monde.

«C'est quelque chose que j'attendais depuis longtemps et je suis vraiment contente de l'avoir obtenu aujourd'hui. Dans ma maison en plus!» a dit la jeune femme de 20 ans. «Ce n'est pas une consolation (par rapport aux JO). C'est un objectif atteint. C'est un moment de joie pour moi en ce moment.»

Marie-Ève Drolet a été arrêtée en quart de finale du 1000 m. La patineuse de 28 ans regrettait d'avoir trop attendu derrière une rivale japonaise, qu'elle a été incapable de dépasser quand le rythme a augmenté. La spécialiste du 1500 m a fini troisième. «Au 1000 mètres, il ne faut vraiment pas que tu sois paresseuse», a noté Drolet.

La compétition se termine demain avec le 500 mètres, un deuxième 1500 m et les relais.