Le XV de France version Lièvremont, qui a enfin remporté un troisième succès consécutif, vendredi au pays de Galles, peut nourrir de grandes ambitions quant à l'issue du Tournoi des six nations, mais ne pourra pas éluder les paradoxes d'une victoire acquise dans la souffrance.

Ce succès (26-20) du Millennium Stadium vaut à ses 23 protagonistes d'être reconduits pour la réception de l'Italie, le 14 mars au Stade de France, prélude à la confrontation finale contre l'Angleterre le 20 mars.

Ces joueurs se sont séparés dès samedi et devront disputer la 21e journée du championnat de France programmée le week-end prochain avec leurs clubs respectifs.

«Il y a deux journées de Top 14 à disputer, une le week-end prochain et une pendant France-Italie» à une semaine de France-Angleterre, a rappelé, prudent, l'entraîneur français Marc Lièvremont.

«On est parti sur ce statu quo sachant que comme souvent, ce sont peut-être les blessures qui vont décider pour nous», a-t-il poursuivi, rompu aux charmes des blessures à répétitions -treize depuis le début du Tournoi.

Pour l'heure, ce succès permet aux Français de franchir un cap. Jamais, depuis la prise de fonctions de Lièvremont en 2008, son équipe n'avait remporté trois victoires d'affilée. Et jamais, sur la même période, elle ne s'était hissée dans la peau d'un vainqueur potentiel du Tournoi, et à plus forte raison d'un neuvième Grand Chelem tricolore.

Mais cette victoire fut acquise «dans la douleur», selon les propres termes de l'entraîneur qui a salué «l'exceptionnelle première mi-temps» de ses troupes et a reconnu que leur obstination à tenir bon sous la grêle galloise après la reprise relevait du «miracle.»

L'extrême solidité des Français et l'entrée décisive d'un Michalak bon gestionnaire après l'exclusion temporaire de Morgan Parra ne masqueront pas quelques incroyables erreurs galloises et surtout un fil directeur complètement égaré dans le camp des Français, après un premier acte proche de la perfection.

Groupe homogène

Les enseignements de ce succès du Millennium se limiteront donc à deux aspects: une défense de plus en plus hermétique, qui a produit deux essais sur interceptions pour un cinglant 20 à 0 à la pause, et un mental à toute épreuve, déjà entrevu contre l'Irlande mais confirmé avec éclat dans l'enfer du Millennium.

«On voulait vraiment changer la culture française, garder ce qui fait notre force, ce côté créatif et un peu entreprenant, mais y mettre du réalisme et de la rigueur. Hier on était plus dans la rigueur que dans la créativité», a reconnu l'entraîneur en charge des avants, Didier Retière.

Faute d'avoir pu maîtriser de bout en bout le scénario du match, Marc Lièvremont a d'abord retenu la maturité grandissante de ses joueurs. «On les sent beaucoup plus costaud dans la confiance, dans la gestion des temps faibles. On avait été parfaitement efficaces lors des deux premiers matches. Hier, ça a tenu du miracle. Mais on ne s'est pas désuni et c'est une progression», a-t-il déclaré.

La victoire cachée de l'encadrement français réside surtout dans la grande homogénéité de son groupe, dont les performances sont restées constantes malgré les nombreuses blessures (Barcella, Millo-Chluski, Traille, Clerc...). Aussi, malgré la reconduction du groupe, quelques changements sont-ils à prévoir dans le XV de départ qui affrontera l'Italie, «le match piège par excellence.»