La Coupe de l'America, minée par les batailles d'egos et les conflits judiciaires, est plus que jamais plongée dans la confusion à l'approche de sa 33e édition prévue début février à Valence (est de l'Espagne).

Le défenseur suisse Alinghi et son challengeur américain Oracle ont prolongé cette semaine leur interminable litige qui a transformé la prestigieuse épreuve de voile en immense gâchis sportif depuis la victoire d'Alinghi dans la 32e «Cup» en juillet 2007.

Réunis à Singapour, ils ont une nouvelle fois échoué à trouver un accord sur les modalités du duel en multicoques imposé par la justice qui doit les opposer à partir du 8 février, s'accusant mutuellement d'avoir torpillé les discussions.

Et Oracle a lancé devant la Cour Suprême de l'Etat de New York sa 9e action en justice contre Alinghi, soupçonné d'utiliser des voiles illégales sur son maxi-catamaran qui doit régater contre le trimaran géant américain.

Le monde de la voile et Valence assistent avec consternation à ce conflit entre les deux syndicats et leurs patrons milliardaires aux egos surdimensionnés, le Suisse Ernesto Bertarelli et l'Américain Larry Ellison.

Résultat: au lieu d'une longue «Coupe» conventionnelle avec de multiples challengeurs répétant le succès de la 32e édition à Valence, l'épreuve s'est transformée en duel au meilleur des trois manches qui pourrait durer à peine 3 jours sous la pluie.

«Lamentable»

«C'est lamentable, sur le plan sportif ça n'a aucun intérêt, même si technologiquement c'est intéressant, et en plus, le vainqueur sur l'eau pourrait être déclassé ensuite par la justice», a estimé jeudi Bruno Troublé, ancien responsable de la «Vuitton», série éliminatoire de la Coupe.

«On gardait l'espoir que ça durerait plus longtemps et que ça se passerait plutôt au printemps», s'est lamentée la maire de Valence, Rita Barbera, déçue par l'absence d'accord à Singapour et dont la ville a lourdement investi pour la «Cup».

Autres conséquences du litige: des centaines de marins sont au chômage, les challengeurs et sponsors potentiels se tournent vers d'autres épreuves comme la Volvo Race autour du monde. Le plus ancien trophée sportif au monde, créé en 1851, voit sa réputation considérablement ternie.

La «Cup» est habituée aux conflits et un épisode similaire terminé par un duel avait opposé Américains et Néo-Zélandais en 1988. Mais elle avait vite rebondi, alors que la crise économique risque cette fois de prolonger le marasme.

Les spécialistes espèrent un sursaut qui retarderait à une période plus propice un duel allongé au meilleur des sept manches, alors que les multicoques suisse et américain vont commencer à s'entraîner ce week-end en baie de Valence.

Ils en doutent toutefois, sachant que MM. Ellison et Bertarelli, murés dans leur confrontation, ont dépensé depuis deux ans et demi des dizaines de millions d'euros en frais d'avocats et dans la construction de voiliers surpuissants à la pointe de la technologie.

Ils promettent des régates «spectaculaires», permettant notamment d'observer une voile rigide géante de plus de 50 m conçue pour le trimaran d'Oracle.

Mais pour Mme Barbera, entre ces adversaires «qui ne semblent pas très amis», un euphémisme, ce sera plutôt un duel comme au «Far West»: «au lieu de dégainer des pistolets, ils vont dégainer des mâts et des voiles». Dépression en vue.