À la même heure hier, Mike Golding (Ecover) et Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) se battaient pour la position de chef d'orchestre du Vendée Globe 2008. Ce matin, Mike Golding a démâté. Jean-Pierre Dick a frappé un OFNI (objet flottant non identifié) causant des dommages à son safran (gouvernail) tribord. Et Michel Desjoyeaux a pris la tête de la course...tandis que le Canadien Derek Hatfield est maintenant à 17ème place.

Les meneurs du Vendée 2008 ont subi, hier, le premier de trois gros coups de vent prévus cette semaine et deux gros joueurs à l'avant du peloton en ont été victimes. L'Anglais Mike Golding, à son troisième Vendée Globe, a vu ses espoirs de victoire s'envoler en un court instant alors que, dans des vents moyens de 40 noeuds et une mer très formée, le mât de son Ecover a décidé que c'était la fin du voyage pour cette année.Le marin, qui était toilé limite dans de forts vents, s'est soudainement retrouvé en plein milieu d'un grain avec des vents de 55 noeuds (100 km/h). Le changement a été tellement soudain que Golding n'a jamais eu le temps d'ajuster ses voiles et c'est dans un immense craquement que l'ensemble du gréement s'est retrouvé dans l'Océan indien.

Ancien pompier de profession, Golding est reconnu pour être toujours très « limite » avec ses bateaux et d'avoir le pied pesant peu importe la course et les conditions.

L'Anglais, qui a terminé 7e de l'épreuve en 2001 et 3e en 2005, est toujours détenteur du record pour la traversée cap de Bonne-Espérance - cap Horn la plus rapide de l'histoire du Vendée Globe avec 30 jours de navigation.

Spécialiste du Tour du monde à l'envers, qu'il a gagné tant en solitaire qu'en équipage, le très talentueux anglais termine malheureusement son Vendée Globe à l'image de bien d'autres épreuves auxquelles il a participé : Très vite sur l'eau, et trop souvent très vite hors course...

Jean Pierre Dick (Virbac Paprec), qui était meneur de la course avec plus de 70 milles nautique d'avance sur Golding hier matin, se retrouve dorénavant en 3e position ayant été obligé de lever le pied dans l'attente d'une accalmie afin de tenter une réparation sur son safran tribord. Dick a été victime d'un des incidents de course les plus imprévisibles et désagréables pour un régatier.

Le bateau de Dick a fait la rencontre d'un OFNI à pleine vitesse.

Normalement, le système de sécurité des safrans sur les Open 60 fait en sorte qu'au moindre contact ceux-ci se relèvent automatiquement afin d'empêcher les bris. Visiblement le système n'a pas levé suffisamment rapidement. Avec la vitesse et la mer, tout le système à été endommagé assez gravement et plus particulièrement la partie haute du gouvernail.

Dick commence une longue réparation au bois et la fibre de carbone afin pratiquement de refaire l'ensemble du gouvernail de droite. Pour l'instant, il refuse toute possibilité d'abandon.

Un autre marin est contraint à l'abandon ce matin. Jean-Baptiste Dejeantly (Maisonneuve), qui était en queue de peloton, a annoncé ce matin qu'il se déroutait vers l'Afrique du sud. Il est impossible pour lui de continuer dans des conditions de sécurité minimales. Outre les pannes et dysfonctionnements de ses pilotes automatiques, le skipper déplore une usure prématurée de ses drisses, dans le mât.

"Persister à courir serait déraisonnable au niveau de la sécurité et au regard des mers qu'il reste à parcourir", a expliqué le skipper de Maisonneuve.

Il se dirige à vitesse réduite vers Port Elizabeth (Afrique du sud), qu'il espère rallier d'ici 8 à 10 jours.

Comme c'est souvent le cas, le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Michel Desjoyeaux (Foncia), qui est le maître d'oeuvre de la plus belle remontée en tête de cette édition, prend donc la première position à Dick et se tient à 5 milles devant Roland Jourdain (Veolia) et 23 milles devant Jean-Pierre Dick.

On se souviendra que le vainqueur de l'édition 2000-2001 avait quitté Les Sables-d'Olonne quarante heures après l'ensemble de la flotte dû à des ennuis avec son système de ballast. Le marin qui accusait un retard de 640 milles nautiques sur la tête de course a remonté les positions une à une grâce à un routage digne du fin renard qu'il est et le voilà maintenant en tête de course avec Roland Jourdain derrière, donc temporairement, le calque parfait de l'édition 2000-2001 au même endroit.

L'ensemble des 19 bateaux restants est maintenant regroupé de manière distincte en quatre groupes.

À l'avant, cinq skippers sont dorénavant à l'intérieur de 100 milles et tout juste derrière, quatre marins sont à moins de 354 milles de la tête. Les 10 autres skippers encore en course sont positionnés entre 884 et 3100 milles nautiques de la tête de course.

Les communications avec les marins ce matin étaient empreintes de commentaires concernant la force des vents et les caprices de l'Océan indien.

Michel Desjoyeaux expliquait :

« Les conditions de mer croisée de l'Indien ne rendent pas les choses faciles. Les vents moyens à 45 noeuds sont combinés à une mer qui n'est pas dans le même sens. Ralentir dans ces conditions devient très difficile. Entre les vagues qui tapent sur le bateau dans tous les sens et les déferlantes qui nous suivent de près, le tout devient assez difficile à gérer. Je suis content d'être premier mais je trouve bien dommage que Mike ait démâté. »

Roland Jourdain (Veolia), deuxième, soulignait de son coté :

« Je suis déçu pour Mike. Il faut naviguer très prudemment dans cet océan. J'ai de très mauvais souvenirs personnels aux mêmes dates et aux mêmes endroits (dans les deux éditions précédentes, Jourdain a connu un ennui de rail de mât en 2000 et un démâtage en 2004). Je vous disais voilà maintenant deux semaines que nous en aurions marre rapidement. Bon, bien j'en ai maintenant marre de l'Indien », expliquait-il.

Jean-Pierre Dick, de son coté, avait la voix bien découragée ce matin et vraisemblablement les événements des dernières heures ont affecté son moral.

« Je suis en bonne forme physique, mais côté moral, c'est plus dur. Mon attache de safran s'est endommagée encore plus durant la nuit à cause des énormes vagues et de cette foutue mer toujours trop croisée ici. J'ai décidé de remonter vers le nord afin de retrouver des conditions de mer plus calme. Je n'ai pas le choix, il faut que je répare plus tôt que tard. Je viens d'apprendre la nouvelle pour Mike Golding et c'est bien triste. Le vent est fort, les skippers poussent sur leurs bateaux et ces incidents arrivent, mais c'est ça parfois la vie de marin. »

Lorsque joint, Jean Le Cam avait très peu de temps à accorder à la communication radio.

« Les conditions sont très musclées. La mer est très forte et il faut faire gaffe à l'équilibre du bateau. Je cravache fort. Avec l'abandon de Mike Golding, ça commence à ressembler à une course d'élimination. Il faut avant tout terminer pour gagner. »

Yann Éliés (Generali), neuvième, était extrêmement critique des derniers événements. De manière très ferme, il explique :

« Devant, ils font des conneries. Ça sert à quoi de pousser si fort si c'est pour casser? L'Indien, il n'y a pas de moyen de s'en sortir. C'est difficile et il faut faire attention au bateau avant tout. Il reste deux mois de course, il me semble que ce n'est pas difficile à comprendre. C'est dommage pour Jean-Pierre. La mer est pleine de déchets, nous avons tous frappé quelque chose depuis le début de la course.»

Un seul skipper était heureux des conditions actuelles : Samantha Davies (Roxy) qui, de son côté, continue de sourire à ce Vendée Globe de toute sa candeur :

« Journée fantastique hier ! Le vent soufflait régulièrement à 35/40 noeuds avec des rafales à 45 noeuds. Les vagues étaient grosses comme des montagnes, le bateau volait, à la limite de la sortie de route. Je voulais pousser la machine pour rester dans le système météo jusqu'à la porte australienne. Les vagues étaient si impressionnantes que j'essayais de ne pas les regarder. Mais dans ces grosses mers, mieux vaut conserver de la vitesse pour ne pas se faire rattraper par une déferlante. »

Avec 7 à 9 mètres de houle et un vent moyen de 35-40 noeuds pour au moins les huit prochaines heures, les marins vivront encore une journée ardue et notre fameux top 10 dont on parle depuis pratiquement le début de l'épreuve est maintenant chose du passé.

Dorénavant, il faudra parler du groupe des cinq. Pour autant qu'ils soient encore cinq demain...

Suivez la position des skippers

Les positions + retard sur le 1er (milles nautiques)

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia),

2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 5

3- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), 29

4- Sébastien Josse -FRA (BT) 34

5- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), 47

6- Vincent Riou-FRA (PRB), 256

7- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 275

8- Marc Guillemot-FRA (Safran), 317

9- Yann Eliès-FRA (Generali), 354

10- Samantha Davies-GB (Roxy), 884

11- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 993

12- Dee Caffari-GB (Aviva), 1309

13- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 1337

14- Steve White-GB (Toe in Water), 1846

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), 2153

16- Rich Wilson-USA (Great American), 2269

17- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), 2607

18- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 3096

19- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 3105

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), Abandon, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos), idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barre de flèche cassée

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage