Champion olympique individuel de saut d'obstacles des Jeux de Pékin à Hong Kong, le Canadien Eric Lamaze, vedette des R.I.D.E de Deauville, croit plus aux chevaux qu'en Dieu mais c'est bien de rédemption et même de Grâce dont il est question dans son parcours.

Son histoire est digne d'un roman de Zola qui aurait été transposé au XXe siècle dans la banlieue de Montréal, avec un père trafiquant de drogue, forcément peu présent, et une mère souvent absente.Dans la vie de Lamaze, la réalité dépasse la fiction. Doué pour le tennis, il découvre les chevaux à 13 ans. «Je participais déjà à des tournois internationaux (de tennis) et j'avais des sponsors. Je suis reparti à zéro. J'ai vite développé ma passion. J'ai commencé comme palefrenier, je montais des chevaux que personne ne voulait monter», explique-t-il.

Une prometteuse carrière de cavalier s'ouvre à lui quand il écope d'une première suspension de deux ans pour usage de cocaïne, quelques semaines avant les Jeux d'Atlanta en 1996.

Un juge à l'écoute

C'est alors qu'une première main se tend, celle inattendu d'un juge canadien qui réduit la peine pour circonstances atténuantes.

Mais Lamaze retombe, contrôlé positif à l'éphrédine, une substance contenue dans un médicament contre le rhume, cette fois quelques jours avant les Jeux de Sydney. La Fédération canadienne applique à la lettre la règle de la récidive et suspend le cavalier à vie. Déprimé, Lamaze replonge dans la cocaïne.

Son avocat et toujours le juge ange gardien le sortent pour la seconde fois du pétrin.

Au lieu de se rétracter, les mains secourables se tendent. Des gens lui font confiance. Eric, qui possède des qualités de coeur que tous ceux qui l'ont approché lui reconnaissent, place l'amitié au-dessus de tout.

Pour lui, l'équitation n'est pas un sport individuel mais une oeuvre collective, principe qu'il applique dans sa structure de Torrey Pines Farm, près de Toronto. C'est la plus grande écurie de chevaux de sport d'Amérique du Nord avec 66 pensionnaires et une vingtaine d'employés, dont six cavaliers, et parmi eux la Française Marie Hécart, fille de Michel.

Marchand, cavalier, enseignant, coach, Lamaze avance sur tous les fronts.

Un cheval en or

Il y a cinq ans, il déniche en Belgique un jeune étalon bai de l'élevage néerlandais (KWPN), Hickstead, par Hamlet et Ekstein. Hamlet? Pour rester dans le domaine shakespearien, ce serait plutôt Richard III et mon royaume pour un cheval.

Lamaze a le cheval et désormais le royaume, celui réservé aux champions olympiques. «Hickstead est un cheval exceptionnel», ne se lasse pas de répéter le cavalier et propriétaire pour moitié.

Aux Jeux équestres mondiaux (JEM) d'Aix-la-Chapelle, en 2006, le couple avait déjà failli intégrer la finale tournante. Mais une blessure, après les deux premiers tours, avait tout remis en question.

À Hong Kong, pour enfin les premiers JO d'Eric, le petit (1,65 m) cheval de douze ans a rendu au centuple l'admiration de son cavalier. Il a escaladé le bon versant de l'Himalaya, avec six des sept parcours sans faute. Et trois sur trois, y compris le barrage, en finale.

Un or en barre, quelques jours après avoir décroché un argent inespéré par équipes.