La plupart des marathoniens ont besoin de 35 000 pas pour rejoindre le fil d'arrivée. Le Canadien John Young en franchit plutôt 80 000.

Celui qui enseigne les mathématiques au secondaire appartient à une catégorie d'athlètes rares et déterminés : ceux qui ont surmonté les défis du nanisme pour conquérir la distance de 42,2 kilomètres.

Plusieurs affrontent non seulement les rigueurs de leur entraînement, mais aussi les commentaires déplacés des autres coureurs - « T'as vu le nain ? » - pendant qu'ils brûlent les kilomètres.

Mais M. Young est devenu une inspiration pour les autres nains et ses succès lui ont valu respect et admiration à travers le monde.

« Plusieurs gens dans ma vie, surtout quand j'étais plus jeune, me disaient, "Tu ne peux pas faire ça - tu es trop petit. [...] Tu pourrais te blesser", a dit l'homme de 52 ans depuis sa résidence de Salem, au Massachusetts. J'entendais ça souvent et j'écoutais. Maintenant je n'écoute plus. »

M. Young fait partie de l'élite : on connaît seulement quatre athlètes atteints de nanisme qui ont complété un marathon, et il est celui qui en a couru le plus grand nombre - 10 - dont quatre à Boston et trois à New York. Il a aussi complété 50 triathlons, dont l'Ironman du Maryland, et son plus récent objectif est de compléter 12 marathons en 12 mois, en commençant par celui de Boston, lundi.

M. Young mesure peut-être seulement 1,32 m, mais le directeur du marathon de Boston, David McGillivray, ne connaît personne de plus courageux.

« C'est un bel exemple d'un individu qui a surmonté ses propres défis physiques et qui a inspiré des milliers de personnes à pourchasser leur rêve, a-t-il dit. Il s'entraîne et il compétitionne comme n'importe quel autre athlète. Il dit, "Je suis qui je suis. Je vais réussir à mon niveau et je vais être fier de moi". »

Cela n'a pas toujours été le cas pour M. Young.

Né à Toronto atteint d'achondroplasie, la forme la plus courante de nanisme, il a grandi en foyer d'accueil. « Les gens me demandaient, "Est-ce que tu vas rejoindre le cirque ? Est-ce que tu vas être un lutteur nain ? Est-ce que tu vas être un artiste ?" Et je me disais, "Non, j'aime l'école. J'aime les mathématiques. Je veux aller à l'université". »

Choisi pour prononcer le discours d'adieu de sa promotion, M. Young nageait et jouait au hockey dans la rue, mais les médecins lui interdisaient de courir pour ne pas risquer de se blesser au dos.

« Ils me disaient constamment, "Ne cours pas, ne cours pas, ce n'est pas une bonne idée, reste loin de ça" », a-t-il raconté.

Au fil des ans, le poids de M. Young a atteint 90 kilos - dangereusement obèse pour quelqu'un de sa taille - et il a commencé à souffrir d'apnée du sommeil. Il a recommencé à nager et commencé à pédaler pour maigrir. Il s'est inscrit à un triathlon, mais a omis la portion « course » pour éviter de se blesser.

Il a éventuellement cédé à la tentation et un tout nouveau monde s'est ouvert à lui.

« J'ai découvert que plus je courais, moins j'avais mal au dos », a dit M. Young, dont le style de course lui permet de récupérer très rapidement.

Ses collègues ont remarqué les bienfaits que ça avait pour lui.

« Quand j'ai rencontré John, il s'endormait sur son bureau, raconte son collègue Eric Olson. Aujourd'hui c'est un type tellement productif. Il oxygène son cerveau. C'est vraiment un athlète d'élite - il prend ce qu'il fait très au sérieux. »

Malgré tout, M. Young est encore agacé par les commentaires des autres, surtout s'ils visent sa femme Sue et leur fils de 15 ans Owen, qui sont eux aussi atteints de nanisme. Le pire, dit-il, est quand des étrangers le dépassent pendant une course et disent, « Merci d'être là ».

« Je me dis, "Merci à toi aussi", a-t-il expliqué. Je comprends ce qu'ils veulent dire. Mais je ne suis pas là pour eux. Si une portion de mon histoire vous motive, tant mieux. Mais si tout ce que vous voyez est l'aspect physique du nain qui court, alors vous ne comprenez rien. »

M. Young n'est pas le plus rapide. Il fait en moyenne huit minutes par kilomètre et, lors d'un marathon, il marche habituellement pendant une minute, puis court pendant neuf. Son meilleur temps est de 5 heures et 50 minutes.

Mais c'est amplement assez rapide pour être une source d'inspiration.

Son fils court maintenant sur piste et en cross-country, fracassant même le temps de son père sur cinq kilomètres. L'organisation sans but lucratif Little People of America voit en lui un héros. Et M. Young reçoit des courriels de parents de nains qui le remercient d'avoir inspiré leur enfant.

« C'est le bout que j'adore, a-t-il dit. Je ne sais pas pendant combien de temps je vais pouvoir continuer, et je n'ai pas d'échéancier en tête. Je vais continuer à courir aussi longtemps que possible. »