À un mois des Mondiaux d'athlétisme de Pékin, du 22 au 30 août, performances et suspicions de dopage font bon ménage dans un nombre impressionnant de disciplines, jetant déjà un voile sur le grand rendez-vous athlétique de l'année.

D'un été chinois à un autre: en 1993, l'armée d'athlètes de Ma Junren avait déferlé sur l'athlétisme sans demi-mesure, à coup de médailles d'or mondiales et de records du monde du demi-fond au fond, aidée par des décoctions à base de sang de tortues.

L'histoire, tristement, risque de se reproduire à Pékin. Jamais, depuis plus de 20 ans, autant de disciplines - sprint, fond, lancers, sauts - n'ont été proches d'aboutir à de nouveaux records du monde que l'on croyait pourtant inaccessibles.

Dernière interrogation en date? Le record du monde du 1500 m réalisé vendredi à Monaco par l'Éthiopienne Genzebe Dibaba.

L'athlète de 24 ans a été la première à faire tomber un de ces records douteux, 22 ans après.

«Concernant l'histoire du record et le passé des Chinoises, je ne sais pas, je ne connais pas ce sujet. Je souhaite vivre ma propre histoire», a-t-elle lancé vendredi.

Problème: des histoires, l'athlétisme en a connu beaucoup ces dernières années.

À commencer par le sprint, rendez-vous médiatique absolu à Pékin, qui promet un duel entre le Jamaïcain Usain Bolt, la légende, et l'Américain Justin Gatlin, le revenant.

Pour le moment, le bilan mondial est effarant sur la distance-reine, le 100 m.

Suspendu en tout cinq ans durant sa carrière, en particulier entre 2006 et 2010, années supposées les plus belles de sa vie sportive, Gatlin se présente comme l'immense favori.

À 33 ans, il n'a jamais couru aussi vite - quatre fois en 9 sec 7/10e! - et établi un record personnel (9.74) plus rapide que ses 9 sec 77/100e de l'époque où il se dopait... Quel signal enverrait-il en cas de doublé en or sur 100 et 200 m?

L'armée du doute

«Ma suspension a été un cadeau et une malédiction», argumente Gatlin, qui estime que les années passées loin du sprint lui ont permis de garder la fraîcheur de ses 20 ans. On n'est pas obligé de le croire.

Derrière lui aux bilans mondiaux, Asafa Powell et Tyson Gay ont également été rattrapés par la patrouille ces dernières années.

Symboliquement, les trois hommes seront persona non grata à Londres le week-end prochain, pour la 11e étape de la Ligue de diamant. Les organisateurs refusent d'engager des athlètes qui ont trahi leur rôle de modèle auprès des jeunes.

Les Mondiaux, sur sélections nationales, ne feront pas ce tri.

Dans les courses de fond, l'athlétisme a été secoué par les doutes entourant les méthodes de l'entraîneur Alberto Salazar. Celui qui a fait du Britannique Mo Farah un double champion olympique et du monde des 5000 et 10 000 m est pris dans la tornade d'une double enquête de l'Agence américaine antidopage et de la Fédération britannique.

«Je me dois de croire en lui», répète Farah, qui sera lui aussi une des figures des Mondiaux.

Vendredi, également, à Monaco, le 800 m messieurs a découvert à la surprise générale un nouveau visage: celui du Bosnien Amel Tuka.

En juillet, ce dernier a retranché 3 secondes 61 centièmes à son record personnel pour le faire passer de 1 min 46 s 12/100e à 1 min 42 s 51/100e.

«Je n'ai rien à dire sur lui», ont laconiquement égrené ses adversaires.

Pour la marche, la Russie envisage de n'envoyer aucun de ses représentants, de peur de se retrouver «dans l'embarras» en raison de passeports biologiques anormaux.

Les sauts et les lancers enfin peuvent également être scrutés avec attention alors que la hauteur, le triple saut, le javelot et le poids, plutôt chez les messieurs, tendent vers des performances exceptionnelles.

En août prochain à Pékin, 22 ans après l'armée de Ma, une autre armée, celle du doute et de l'ombre, tenace et résistante, s'emparera forcément des résultats. Propres ou tricheurs, les médaillés devront faire avec.