L'idée était de donner une autre preuve de la résilience de New York. Malgré un ouragan meurtrier et dévastateur survenu quelques jours plus tôt, le marathon de la Grosse Pomme devait se dérouler comme prévu, avaient insisté les organisateurs de l'épreuve et le maire de la ville, Michael Bloomberg. L'épreuve n'avait-elle pas eu lieu après les attentats du 11 septembre 2001?

Un an plus tard, la patronne du marathon de New York, Mary Wittenberg, a encore la larme à l'oeil en parlant du moment où, sous la pression des médias et du public, elle a fini par annuler la course, à 36 heures du coup de départ. Dans une ville où certains quartiers étaient toujours privés d'électricité, ensevelis sous les débris et endeuillés, la tenue du marathon semblait être moins une preuve de résilience que d'inconscience.

Mais il aura fallu que Wittenberg se rende à Staten Island, le dimanche où le marathon devait avoir lieu, pour réaliser que sa décision était la bonne. Point de départ de l'épreuve de 42 km, l'arrondissement situé dans la baie de New York avait été frappé de plein fouet par l'ouragan Sandy, qui y avait détruit des centaines de maisons et tué 23 personnes.

«C'est là où la douleur a frappé, quand on a vu la dévastation et le décalage [avec le reste de la ville]», a déclaré la présidente du New York Road Runners, émue, lors d'un déjeuner de presse cette semaine.

«Jusque-là, on se disait: «New York continue, il est résilient.» C'est la mentalité du coureur de fond, qui est aussi celle de notre organisation. Mais il y avait lieu de faire une pause. La leçon apprise est que la façon d'aider était de ne pas courir un marathon. J'aurais souhaité que nous l'eussions apprise plus tôt. Mais on ne peut pas revenir en arrière.»

L'épisode n'a pas seulement terni l'image de Mary Wittenberg, qui a été traitée de tous les noms dans les médias (la publication de son salaire annuel - 500 000 $ - n'a pas aidé sa cause). Il a aussi coûté cher à l'organisation du marathon. Le New York Runners Club a perdu environ 4 millions de dollars en raison de l'annulation de la course, une décision qui a notamment entraîné le remboursement des frais d'inscription de plus de 300 $ versés par des dizaines de milliers de coureurs.

Et puis est survenue la double explosion au fil d'arrivée du marathon de Boston, en avril. Cet attentat colorera demain le marathon de New York autant que l'ouragan Sandy. Certains coureurs épingleront des rubans jaune et bleu sur leur maillot pour rendre hommage aux victimes de Boston, alors que d'autres porteront des bracelets orange pour honorer celles de Sandy.

L'effet de l'attentat de Boston se répercutera évidemment sur la sécurité à New York. Tous les spectateurs qui se rendront à Central Park, lieu de l'arrivée du marathon de New York, seront fouillés. Quelque 12 000 barrières policières seront déployées le long du parcours, de même que des chiens renifleurs d'explosifs et des milliers d'agents de sécurité privés qui épauleront les policiers en uniforme et en civil.

«Ce sera strict, a déclaré le chef de police de New York, Raymond Kelly, en faisant allusion à la sécurité à Central Park. Ça l'est toujours, mais nous allons évidemment accorder une attention particulière à cette dimension cette année.»

Malgré tout le dispositif de sécurité, Mary Wittenberg s'attend à une atmosphère de fête à New York.

«On apprécie encore davantage quelque chose quand on le perd, a-t-elle dit. Après ce qui est arrivé l'an dernier, le temps est venu de célébrer.»

«Une façon d'exorciser Boston»

Celia Kujala venait de terminer le marathon de Boston et se trouvait près de la tente médicale de la course, non loin du fil d'arrivée, lorsqu'elle a entendu la première des 2 explosions qui allaient faire 3 morts et plus de 200 blessés, le 16 avril.

L'analyste de la Fed se souvient très bien de l'idée qui lui est passée par la tête en constatant que le marathon de Boston venait d'être la cible d'un attentat.

«Je me suis dit que je ne participerais plus jamais à un marathon dans une grande ville», a indiqué la New-Yorkaise de 29 ans, jeudi matin, après une séance de course à pied à Central Park.

De toute évidence, Celia Kujula a changé d'idée. Elle participera demain à son deuxième marathon de New York.

«Je veux faire ça et je veux retourner à Boston, a-t-elle déclaré sur un ton volontaire. Ce sera pour moi une sorte de retour, une façon d'exorciser ce qui s'est passé à Boston.»

Glen Weiner, avocat new-yorkais de 53 ans, sera également au nombre des coureurs qui s'attaqueront demain au marathon de New York après avoir participé à celui de Boston en avril.

«Ça me passera peut-être par la tête, a-t-il dit en parlant du risque d'un nouvel attentat. Mais que ce soit Boston ou New York, ce qui compte est la résilience des coureurs. Nous sommes habitués à endurer les douleurs et les difficultés, à persévérer jusqu'à la fin.

Je pense que tout le monde sera extrêmement enthousiaste dimanche [demain] après ce qui s'est passé à New York l'an dernier. Les gens vont aimer le fait d'être ici encore davantage. Je m'attends à une très belle journée», a-t-il ajouté avant de rentrer au bureau après avoir couru dans Central Park sous une pluie de feuilles soufflées par un vent chaud d'automne.

Une longue attente

Saskia Holterman et Marjan Kamphuis s'étiraient près des barrières temporaires entourant le fil d'arrivée du marathon de New York, à Central Park. Les deux amies néerlandaises semblaient avoir du mal à croire où elles se trouvaient.

«C'est surréaliste, a déclaré Saskia, 29 ans. L'an dernier, nous étions très excitées à l'idée de participer au marathon de New York, mais notre vol a été annulé à cause de Sandy. Cette année, nous nous disions: «Oh, j'espère que ça arrivera, j'espère que tout ira bien.» Après avoir atterri à New York hier et avoir vu le fil d'arrivée aujourd'hui, nous savons que c'est vrai, nous savons que ça arrivera.»

Les deux femmes font partie des quelque 17 000 coureurs qui s'étaient inscrits pour le marathon de New York l'an dernier et qui seront à la ligne de départ de l'épreuve demain matin. Elles en seront toutes les deux à leur première course de 42 km.

«Je suis un peu nerveuse, a dit Marjan, 37 ans. Nous n'avons jamais couru sur une distance supérieure à 33 km. Mais je pense que les encouragements des spectateurs nous aideront à finir la course.»

L'attentat de Boston les a-t-il fait hésiter à participer au marathon de New York?

«Bien sûr, nous y avons pensé, a répondu Saskia. J'espère que cela ne se produira pas de nouveau. Mais si un idiot veut faire quelque chose le long d'un parcours de 42 km, il n'y a rien que je puisse faire. Il faut lâcher prise.»

Le marathon de NY en chiffres

48 000 : Nombre de coureurs attendus

2 h 5 min 6 sec : Meilleur chrono réalisé en 2011 par le Kényan Geoffrey Mutai

2 millions : Nombre de spectateurs attendus

340 millions : Retombées économiques estimées

9ºC : Température maximale prévue demain à New York.

1970 : Année du premier marathon de New York