Le ciel s'assombrit un peu plus sur les sprinteurs jamaïcains avec le contrôle positif d'Asafa Powell, le précurseur, trois semaines après celui de Veronica Campbell-Brown, qui avait déjà fait ressurgir les zones d'ombres entourant leur mainmise sur le sprint mondial depuis 2008.

Comme «VCB», championne du monde en titre et double championne olympique du 200 m, Asafa Powell est le chaînon manquant de l'athlétisme jamaïcain entre l'ère Merlene Ottey et l'ère Usain Bolt.

Powell, surnommé «Afasta» dans un jeu de mot avec «Fast» (rapide), se présente lui-même comme l'athlète ayant couru le plus de 100 m sous les 10 secondes. Et c'est effectivement la trace que laisse ce grand gaillard très très «cool», semblant toujours sortir de la sieste.

Car Afasta n'est pas un homme de championnat, mais un homme de chrono.

C'est lui qui brise l'hégémonie américaine en reprenant le record du monde du 100 m des jambes de Maurice Greene (9.77 en 2005), une première pour un Jamaïcain dans la discipline-reine.

Il l'égalera à deux reprises avant de le porter à 9.74 en 2007, puis de se faire voler la vedette par Bolt (9.72 en mai 2008).

Carton plein aux JO-2008

Veronica Cambell-Brown, suspendue depuis trois semaines, était, elle, devenue en 2004 la première Jamaïcaine championne olympique de l'histoire sur 200 m. Un avant-goût du carton plein des sprinteurs de l'île chez les hommes comme chez les femmes à Pékin quatre ans plus tard.

Dès lors, des questions se posent, d'autant que les affaires de dopage se multiplient à Kingston. En 2009, quatre athlètes pré-sélectionnés sont privés des Mondiaux de Berlin, dont Yohan Blake, futur champion du monde du 100 m en 2011. Ils avaient tous été contrôlés positifs à un stimulant lors des sélections et écoperont de trois mois de suspension après leurs aveux.

En 2010, la patrouille rattrape Shelly-Ann Fryser-Price, championne olympique du 100 m à Pékin (qui a conservé son titre à Londres l'an dernier). Elle écope de six mois de suspension en raison de circonstances atténuantes. Elle assure avoir utilisé un analgésique interdit pour soulager des douleurs dentaires.

Lewis égratigne Bolt

Mais globalement, avant le contrôle positif de Powell et de quatre autres Jamaïcains, dont sa partenaire d'entraînement Sherone Simpson, vice-championne olympique du 100 m en 2008, révélé dimanche, ce sont plutôt des +seconds couteaux+ qui sont tombés.  Si des doutes entourent les Jamaïcains, les ragots font un distingo entre les sprinteurs de l'île caribéenne et l'icône Usain Bolt, dont la progression est régulière depuis les jeunes.

Après les Mondiaux 2011, Victor Conte, l'ancien directeur du laboratoire américain Balco à l'origine du scandale de 2004, avait néanmoins affirmé dans la Gazetta dello sport que, selon un de ses informateurs, les Jamaïcains avaient utilisé son protocole avant les JO-2008, ceux du premier des deux triplés olympiques de Bolt. «Je n'ai pas de preuves mais (...) j'ai de fortes suspicions sur (Usain) Bolt et les autres», avait-il lancé. Mais dans le milieu de l'athlétisme, il n'y a guère que Carl Lewis pour oser égratigner «la Foudre». Aux JO-2012, l'ancienne légende avait estimé qu'il y avait de quoi «s'interroger sur des sprinteurs qui réalisent 10 sec 03 une année et 9 sec 69 la suivante». Directement visé, Bolt avait sèchement répondu: «Carl Lewis, j'ai perdu tout respect pour lui».

Mais l'icône jamaïcaine se retrouve désormais bien seule tout en haut des bilans.

Le 2e athlète le plus rapide de l'histoire non entaché par une affaire de dopage pointe désormais à 20 centièmes de lui sur 100 m. Il s'agit de son compatriote Nesta Carter (9.78), partenaire d'entraînement de Powell, et un temps signalé, par erreur, dimanche parmi les fautifs.