La sprinteuse Kimberly Hyacinthe a récemment pris la direction de Toronto pour tenter de relancer sa carrière. Et elle n'est pas la seule. Les trois Québécois membres de l'équipe canadienne d'athlétisme à Londres s'entraînent à l'extérieur de la province. Une tendance qui soulève des questions.

Après une année décevante où elle n'a pas réussi à se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres, la sprinteuse montréalaise Kimberly Hyacinthe prend les grands moyens: elle part s'entraîner à Toronto avec l'intention de remettre sa carrière sur les rails.

Après huit ans sous la direction de Daniel St-Hilaire, la vice-championne canadienne du 200 mètres prend une nouvelle direction et rejoint les entraîneurs Anthony McCleary et Desai Williams, qui connaissent un franc succès avec leur groupe de sprinters au centre national de l'Université York.

«Ma motivation était éteinte un peu. Il fallait que je fasse le changement, sinon je pense que j'aurais arrêté de courir», a expliqué la sprinteuse de 24 ans, il y a quelques semaines.

Hyacinthe n'est pas la seule à avoir quitté le Québec pour passer à l'échelon supérieur. À Londres, les 3 Québécois membres de l'équipe canadienne d'athlétisme, qui en comptait 45, s'entraînaient à l'extérieur de la province. La lanceuse de poids Julie Labonté est à l'Université de l'Arizona, le spécialiste du 3000 m steeple Alex Genest est installé à Guelph, tandis que la perchiste Mélanie Blouin profite des conseils d'un entraîneur spécialisé à Toronto.

Pour Hyacinthe, neuvième des Mondiaux juniors de 2008, cela relève de l'évidence: «On dirait que j'ai manqué mon coup.»

Ralentie par des blessures aux genoux, la sprinteuse n'a pas progressé depuis son record personnel de 23,15 réalisé aux Jeux de la Francophonie en 2009. La dernière année d'entraînement a été difficile. Sa relation avec St-Hilaire s'est détériorée au point que les deux ne communiquaient plus, dit-elle. La période menant aux sélections olympiques de Calgary, où elle a pris le deuxième rang dans la douleur, à la fin du mois de juin, a été particulièrement pénible. «C'était le chaos pour moi», a-t-elle résumé.

À Montréal, elle ne se sentait plus à sa place dans un groupe majoritairement composé de jeunes de 14 à 17 ans, constate St-Hilaire. «Elle préférait ne pas s'entraîner en même temps que les jeunes, relève l'entraîneur de 58 ans. Elle était un peu frustrée parce qu'elle était blessée. J'ai tenté de la remettre sur le piton, mais je n'ai pas été capable. J'ai été obligé de couper des entraînements, la pousser à 30-40% de ce que ça lui aurait pris pour aller aux Jeux olympiques.»

St-Hilaire déplore aussi le manque de moyens dont il disposait. L'an dernier, faute de résultats probants, Athlétisme Canada a décidé de couper les vivres au centre national de développement de sprint qu'il dirigeait au centre Claude-Robillard depuis 2009.

«Notre évaluation démontrait que ça n'allait pas dans la direction qu'on voulait», explique Martin Goulet, chef de la direction technique nationale à la fédération. «Il n'y avait plus de progression sur le plan des performances, du nombre d'athlètes. Même que ça régressait. L'année olympique arrivait, il fallait essayer de canaliser l'argent sur les priorités.»

St-Hilaire se défend en disant qu'il dirige une nouvelle génération d'athlètes prometteurs, qui figurent avantageusement dans les bilans mondiaux de leur catégorie: «Selon la littérature et le plan de développement à long terme de l'athlète, ça prend de 8 à 12 ans avant de former un athlète qui figurera parmi les meilleurs du monde.» En gros, il demande du temps.

Si ça continue, St-Hilaire indique qu'il ne pourra faire autrement que d'encourager ses athlètes à s'expatrier, entre autres aux États-Unis, quand ils auront atteint le début de la vingtaine.

En ce qui concerne Hyacinthe, St-Hilaire reconnaît qu'elle sera mieux servie à Toronto, surtout pour le suivi thérapeutique et médical, qu'il disait ne pouvoir lui fournir.

Lancé en même temps que celui de Montréal, le centre national de Toronto a produit quantité d'olympiens. Hyacinthe retrouvera les champions canadiens Justyn Warner (100 m), Keri-Ann Mitchell (100 m) et Crystal Emmanuel (200 m), les spécialistes de haies Phylicia George et Nikkita Holder, de même que l'ex-numéro un mondiale du 100 m haies, Priscilla Lopes-Schliep.

La Montréalaise a appris à connaître ses futurs partenaires d'entraînement lors de stages avec l'équipe nationale et aux derniers Mondiaux de Daegu. «Ce sont des athlètes qui font à peu près les mêmes temps que moi ou mieux, souligne-t-elle. Ce sera un peu plus motivant.»

Hyacinthe vise les Mondiaux et les Universiades de l'an prochain, avec un oeil sur les JO de Rio de Janeiro, en 2016. «Avec les blessures et tout, c'est comme si je repartais à zéro.»

Photo: Reuters

Mélanie Blouin