Les athlètes de pointe qui reviennent à la compétition après un accouchement sont de plus en plus nombreuses. Au cours des dernières années, la marathonienne Paula Radcliffe, la nageuse Dara Torres et la joueuse de tennis Kim Clijsters ont démontré qu'il était possible de retrouver son meilleur niveau.

Il faut toutefois un peu plus de temps pour changer les moeurs administratives. Quand l'heptathlonienne Jessica Zelinka est tombée enceinte, un mois après sa brillante cinquième place aux Jeux olympiques de Pékin, elle ne savait pas ce qui l'attendait sur le plan financier. Des commanditaires l'ont laissée tomber, mais elle a pu conserver sa subvention mensuelle de Sport Canada à titre d'athlète... blessée.

Contrairement à sa coéquipière Priscilla Lopes-Schliep (voir autre texte), Zelinka a eu le luxe d'avoir du temps pour préparer son retour en vue des Jeux olympiques de Londres. Pendant sa grossesse, elle s'est tenue loin de la piste et de ses souliers de course. Elle s'est contentée de séances de natation et d'exercices légers en gymnase. Elle a pris 20 kg.

Sa fille Anika est née le 29 mai 2009. Zelinka a repris l'entraînement sur piste six mois plus tard, graduellement, sans pousser, ce dont elle se félicite aujourd'hui. «C'est fou ce à travers quoi mon corps est passé durant l'accouchement! J'ai tellement de respect pour ce que le corps humain peut faire que j'ai décidé de prendre ça mollo», explique-t-elle au téléphone entre deux séances d'entraînement à Calgary.

Prompte aux blessures jusqu'en 2008, Zelinka est en parfaite santé depuis son retour. «C'est peut-être dû au repos mental et émotionnel», souligne-t-elle.

L'heptathlonienne peut compter sur l'appui d'un allié de taille, son mari, le Montréalais Nathaniel Miller, qui a lui aussi représenté le Canada à Pékin comme joueur étoile de l'équipe de water-polo. Il jouait pour un club professionnel à Barcelone quand il a appris qu'il allait devenir père. Il est rentré au pays avec Jessica et a repris sa place au centre d'entraînement de l'équipe canadienne à Calgary. Un an après la naissance d'Anika, il a dû prendre la décision déchirante de mettre sa carrière en veilleuse. «J'étais nouveau papa, je m'entraînais et j'avais deux jobs. Ça n'a pas marché!», dit Miller en riant.

L'incertitude financière, le peu de flexibilité du programme canadien de water-polo et sa volonté d'appuyer sa femme dans son retour à la compétition l'ont convaincu que la retraite était la seule option. «Je ne le regrette pas du tout. La priorité était la famille», dit celui qui caresse l'idée d'un retour après 2012.

Un an après son retour à l'entraînement, Zelinka a décroché la médaille d'argent aux Jeux du Commonwealth de New Delhi. Sa prestation et son pointage l'ont toutefois laissée sur son appétit. La dernière saison a été plus concluante: neuvième aux Mondiaux de Daegu, en août, elle a ensuite obtenu son deuxième score à vie lors de la réputée réunion Décastar, en France.

Tout récemment, l'athlète de 30 ans a réussi une meilleure marque personnelle sur 60 mètres. Un test a aussi révélé que ses quadriceps avaient retrouvé toute leur masse, ce qui représentait un défi après la grossesse.

«Le plus difficile est d'aller à l'entraînement, où ton coach te brise en deux et te fatigue, puis de revenir à la maison, où ta fille te brise en deux et te fatigue! dit Zelinka à la blague. La nature de ma carrière est d'être exténuée...»

Se décrivant elle-même comme unecontrol freak, elle a dû apprendre à laisser aller les choses. «Plus les Jeux approcheront, plus ce sera le cas, prévoit-elle. Il ne faut pas trop se prendre au sérieux.»

N'empêche que son cas a fait école. Sport Canada prévoit maintenant une clause pour la grossesse dans son programme d'aide aux athlètes.