Le 70,3, vous connaissez? Le chiffre représente la moitié de la distance du triathlon Ironman, exprimée en milles. Série à part entière depuis 2006, le «demi « a relancé la marque de commerce Ironman aux quatre coins de la planète. Plus accessible au grand public, il permet aussi aux professionnels de multiplier les courses. Cinq semaines après le célèbre Ironman d'Hawaï, place au championnat du monde de demi-Ironman, disputé aujourd'hui à Clearwater, en Floride. Troisième l'an dernier, la Québécoise Magali Tisseyre figure parmi les favorites. Portrait d'une athlète au parcours atypique.

Magali Tisseyre ne fait pas les choses à moitié. Le 14 juin 2009, elle a gagné par plus de huit minutes le demi-Ironman de Boise, en Idaho, retranchant 24 minutes à son chrono de l'année précédente.

Il y a des façons plus discrètes de faire sa marque dans le triathlon longue distance. Surtout quand on s'y consacre depuis à peine trois ans. «Tout est arrivé en même temps ce jour-là», se souvient Tisseyre, 29 ans, qui a grandi à Montréal et dans les Laurentides. «En vélo, j'étais à six minutes du champion du monde chez les hommes. C'était quelque chose de malade!»

Les commanditaires l'ont bien compris. Presque subitement, Magali Tisseyre n'a plus eu besoin de l'aide financière de sa mère, sa plus grande partisane, qui l'avait épaulée jusque-là. Quelques mois plus tard, la jeune femme a confirmé son fort potentiel en prenant le troisième rang au championnat du monde de Clearwater, en Floride. Cette fois, la course à pied l'a menée sur le podium. Après 1900 mètres de natation et 90 km de vélo, elle a complété le demi-marathon en 1h20.

À la fin de l'année, l'édition américaine de Triathlete Magazine, une référence, a sacré Magali Tisseyre athlète de l'année dans la discipline du demi-Ironman. «Ça va tellement plus vite que je pensais», dit-elle.

Les succès se sont poursuivis en 2010 avec des victoires au New Hampshire, au Texas, à Vancouver et aux Philippines. Pour son retour à Clearwater, elle vise la victoire, même si le parcours, tout plat, ne favorise pas ses aptitudes de grimpeuse.

Photo fournie par Magali Tisseyre

Magali Tisseyre est l'une des favorites au championnat du monde de demi-Ironman, disputé aujourd'hui à Clearwater, en Floride. Elle y a fini troisième l'an dernier.

Plusieurs cordes à son arc

Comment devient-on championne de triathlon longue distance? En jouant du violon quatre heures par jour. Magali Tisseyre s'est astreinte à ce régime de 7 à 16 ans. Le sport représentait le hobby et l'amusement. La fin de semaine, au chalet familial dans les Laurentides, le menu variait: ski alpin, planche à neige, planche à voile, ski nautique, un peu de motocross.

«J'ai appris à éprouver du plaisir dans les sports et je ne me suis pas écoeurée trop jeune. J'ai aussi développé ma force générale et ma coordination. Le violon m'a apporté la discipline et le fait de pouvoir me concentrer quatre heures par jour pour bâtir quelque chose.»

De rares expériences compétitives à l'adolescence lui ont fait comprendre qu'elle avait du talent. Chaque année, elle gagnait le cross de son école secondaire. Elle s'est aussi classée troisième d'une course de vélo de montagne au Mont-Garceau.

Au début de la vingtaine, elle croyait avoir trouvé sa voie quand elle a pris le départ d'une course de snowboard cross au Mont-Tremblant. L'expérience s'est mal terminée. En finale, elle s'est cassé le tibia et le péroné. Aujourd'hui, elle nage, roule et court avec une barre de métal dans la jambe. «Ça ne me dérange pas vraiment. C'est le souvenir de ma dernière course en snowboard cross!» dit-elle en riant.

Douée en course à pied et en vélo, elle croyait devoir faire un choix quand elle est entrée au baccalauréat en kinésiologie à l'Université Laval. L'idée du triathlon est apparue. «Je me suis dit: «il va falloir que j'apprenne à nager! «»

Elle connaissait déjà le Ironman, pour l'avoir vu à la télévision, mais le triathlon olympique (1500m natation, 40km vélo, 10km course), en vogue au Québec, s'est imposé de lui-même.

À sa grande surprise, elle a gagné le premier triathlon de sa vie, au Lac-Beauport, alors qu'elle était là pour «essayer». À l'arrivée, un journaliste du Soleil a voulu lui parler. «Voyons donc, je ne comprenais pas, là... Wow, ça se pourrait que j'arrive à être bonne là-dedans.»

Elle a gagné le championnat canadien universitaire l'année suivante. Puis, pour le plaisir, elle s'est inscrite aux championnats du monde de duathlon en Australie (course-vélo-course). Autre victoire dans sa catégorie.

Consciente de sa faiblesse dans l'eau, Tisseyre s'est consacrée exclusivement à la natation pendant un an club de Beauport. Elle a bûché comme une folle. «C'est l'une des athlètes les plus intenses que j'aie connus», dit son entraîneur de l'époque, Michel Tremblay.

Ce ne fut pas suffisant pour égaler le niveau des meilleures sur la distance olympique. Tisseyre a compris que son avenir serait plus prometteur sur les plus longues épreuves comme le Ironman, où l'importance relative de la natation est moindre. L'interdiction du drafting en vélo en est la principale raison. Il y avait aussi «le rêve derrière le mot Ironman».

L'appel de l'Ouest

En 2009, Tisseyre a vraiment atteint la vitesse supérieure en s'associant au réputé entraîneur Lance Watson, de Victoria. Ce dernier a mené la Canadienne Lisa Bentley à une troisième place à Hawaï en 2006.

Depuis janvier, Tisseyre vit à Victoria en permanence, où elle s'entraîne une trentaine d'heures par semaine. Elle suit ainsi la voie de Peter Reid et Samantha McGlone, deux champions québécois de triathlon longue distance qui ont choisi les cieux plus cléments de la Colombie-Britannique. Même en s'entraînant une trentaine d'heures par semaine, elle a trouvé le moyen de compléter sa maîtrise en biomécanique à McGill. Sujet de son mémoire: la course à pied.

Elle ne sait pas quand - peut-être l'an prochain si tout va bien - mais Tisseyre passera éventuellement à la distance Ironman. Avec l'intention, un jour, de gagner celui d'Hawaï: «J'ai de grandes ambitions parce que je sens que je peux m'améliorer beaucoup. Mon entraîneur dit que ça prend une dizaine d'années pour développer les capacités d'un athlète dans un sport. J'en suis à ma sixième. Et j'en vois 10 autres devant moi.»

Photo fournie par Magali Tisseyre

Le vélo et la course sont les forces de Magali Tisseyre. La nage, un peu moins... Ça n'empêche pas l'athlète de 29 ans d'être l'une des meilleures triathlètes dans la distance du demi-Ironman.