Les sportifs peuvent être désormais scrutés par les globules avec le passeport biologique, dernier outil dans la panoplie antidopage qui a servi à épingler, pour la première fois en 2009, plusieurs coureurs cyclistes et une patineuse de vitesse pour manipulation sanguine.

Si l'idée de convaincre un sportif de dopage en mettant en évidence les effets constatés sur son organisme remonte aux années 90, c'est seulement cette année qu'elle s'est concrétisée, marquant une étape clé dans la lutte antidopage qui, depuis 40 ans, consistait essentiellement à détecter des substances interdites dans l'urine ou le sang.

Le passeport, qui se base sur le suivi de l'évolution de paramètres propres à chaque individu (tel l'hématocrite, le taux d'hémoglobine, etc), ne remplace pas les contrôles antidopage. Il vient plutôt les renforcer.

Cinq cyclistes, dont le champion du monde 2003, l'Espagnol Igor Astarloza, ont été les tout premiers à en faire les frais. Mis sur la touche par l'Union cycliste internationale (UCI) le 17 juin, ils attendent depuis que leurs fédérations nationales prononcent les sanctions.

«Arme de dissuasion»

Dans la foulée, plus d'une dizaine de coureurs ont été épinglés indirectement à partir de leur passeport. Leur profil montrant des variations suspectes, ils ont été ciblés par un contrôle classique qui s'est avéré positif.

«Pour redonner de la crédibilité au cyclisme, il fallait prendre de grosses mesures et nous pensons que nous l'avons fait avec le passeport», estime Pat McQuaid, le patron de l'UCI.

«Pour nous, c'est un bon complément dans l'arsenal antidopage. Ce n'est pas la panacée, cela ne résout pas tous les problèmes de dopage, mais d'après ce que nous pouvons voir, c'est une excellente arme de dissuasion», fait-il valoir.

Alors que le cyclisme a été le premier sport à tester officiellement le passeport, le patinage, qui a développé son propre programme, a été le premier à tester sa solidité juridique.

La Fédération internationale de patinage (ISU), qui a infligé début juillet deux ans de suspension à l'Allemande Claudia Pechstein, superstar du patinage de vitesse, a vu sa décision confirmée par le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Outil de luxe

Dans une décision faisant jurisprudence, la cour suprême du sport a jugé que la quintuple championne olympique n'avait pas réussi à justifier les variations anormales de son taux de réticulocytes (jeunes globules rouges) observées lors d'une série de tests l'hiver précédent, et que ces variations «devaient par conséquent dériver de la manipulation illicite par l'athlète de son propre sang».

D'autres sports vérolés par le dopage ont aussi un pied dans le passeport, à l'image du ski (FIS), de l'athlétisme (IAAF) ou du biathlon (IBU).

Ces fédérations, qui se servent déjà de profils pour mieux cibler leurs contrôles, peuvent s'appuyer désormais sur le mode d'emploi publié le 2 décembre par l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui fixe les protocoles à respecter pour mettre en place un passeport solide d'un point de vue juridique et scientifique.

«Le passeport est basé au final sur la décision de trois experts, qui devront être unanimes. A ces experts, nous essayons de leur donner le maximum d'informations pour qu'ils puissent prendre la meilleure décision possible», explique Olivier Niggli, directeur juridique de l'AMA.

Toutes les fédérations ne pourront cependant pas s'offrir cet outil de luxe. L'UCI a déboursé cinq millions par an pour lancer le projet. Aux autres de juger s'il en vaut l'investissement.