Avec l'Irlande, les États-Unis et l'Australie, le Royaume-Uni compte parmi les nations qui se passionnent pour les courses de lévriers. Ultra populaire au cours du XXe siècle, le sport est toutefois sur le déclin.

C'est un drôle de sport. Une course de lévriers, c'est un peu comme un épisode de Roadrunner. Les lévriers ont beau s'époumoner comme le coyote derrière le grand géocoucou, ils n'arrivent jamais à rattraper l'appât mécanique qui court sur le bord de la piste circulaire. Même si les lévriers cavalent à plus de 65 km/h et franchissent 460 mètres en une trentaine de secondes, le «lièvre» mécanique est toujours le premier à franchir la ligne d'arrivée.

 

Immensément populaires entre les années 40 et 70, les courses de lévriers continuent d'attirer 3 millions de spectateurs par année et de faire l'objet de plus de 150 millions de dollars de paris en Grande-Bretagne. Mais ces statistiques font pâle figure par rapport aux années 50. À l'époque, quand les courses de lévriers comptaient parmi les activités favorites de la classe populaire, elles attiraient plus de 50 millions de spectateurs par année! Le pays été constellé d'un réseau de 77 pistes. Aujourd'hui, il en reste moins d'une trentaine et Londres n'en compte plus qu'une: celle du stade de Wimbledon, dans le sud-ouest de la capitale.

Avec ses tapis aux motifs géométriques tout droit sortis des années 70, le stade de Wimbledon témoigne du fait que les heures de gloire de ce sport sont quelque peu révolues. Il reste que trois fois par semaine - mardi, vendredi et samedi -, des milliers d'aficionados se donnent rendez-vous pour assister à une quarantaine de courses.

Tony Taylor fait partie des mordus. Il arpente les pistes de lévriers depuis 1971. «Je sortais de l'école et, à l'époque, c'était une industrie très glamour», se souvient-il. Entraîneur, il s'occupe aujourd'hui de 17 chiens. Comment entraîne-t-on un lévrier? «Il faut bien connaître les chiens. Certains aiment faire beaucoup d'exercice, d'autres pas du tout. L'important, c'est de bien les nourrir, de bien les entretenir», assure-t-il.

Incroyablement filiformes, les lévriers sont des chiens fragiles. Et les courses sont exigeantes. «Si un chien à une faiblesse, on peut être sûr qu'elle va apparaître dans un virage», précise Joyce Blackburn, propriétaire de chiens de course depuis 28 ans.

À toutes les 15 minutes, les chiens sont emmenés à la ligne de départ. La foule s'excite alors au moins autant que les lévriers. Quand l'appât mécanique entreprend sa course, les cris d'encouragement du public se font assourdissants. Trente petites secondes plus tard, les chanceux qui ont parié sur le bon chien poussent des cris de joie, tandis que les autres transforment leur ticket de pari en confettis.

La foule est extrêmement hétéroclite. Dans les gradins, on croise aussi bien des joueurs compulsifs que des mères de famille, des professionnels que des jeunes fêtards. «Je viens généralement avec des amis pour célébrer une occasion, comme un anniversaire», explique Jessica. Un peu «pompette», la jeune femme avoue ne rien connaître aux bêtes mais prend plaisir à parier quelques livres sur des chiens dont elle «aime le nom».

Kevin est un spectateur autrement plus sérieux. De toutes les courses ou presque, il ne cache pas parier des petites fortunes chaque semaine. Pourquoi parier sur des chiens plutôt que sur des chevaux? «Le retour est meilleur», assure-t-il en scrutant la liste des chiens du jour. La raison? «C'est beaucoup plus difficile de tricher avec les chiens. Il n'y a pas de jockey pour les arrêter», rigole-t-il en se dirigeant vers son bookmaker.

Des «retraités» encombrants

Trop vieux, trop lents: chaque année, plus de 10 000 lévriers doivent prendre leur retraite sportive au Royaume-Uni. Le sort de ces chiens, généralement âgés d'à peine 3 ou 4 ans, reste très controversé. Et pour cause: si une bonne partie d'entre eux sont adoptés et deviennent des animaux domestiques, bon nombre «disparaissent» sans laisser de trace après avoir fait les beaux jours des pistes de course.

Selon la Société protectrice des animaux (RSPCA), plus de 4500 lévriers disparaîtraient ainsi chaque année. «On présume qu'ils sont tués à l'âge de 3 ou 4 ans, quand leur carrière sur les pistes prend fin», précise le RSPCA. Denise Dubarbier, elle, oeuvre dans le chenil d'Hersham, situé non loin du stade de Wimbledon. Chaque année, son chenil accueille plusieurs dizaines de chiens retraités. «Les entraîneurs nous les confient une fois que leur carrière est terminée», explique-t-elle. Le grand public est ensuite invité à adopter les bolides sur quatre pattes.

«La plupart des entraîneurs aiment leurs chiens et en prennent soin, note-t-elle. Mais il y a des exceptions.» Bien que l'industrie ait amélioré ses pratiques, il lui reste du chemin à faire, continue-t-elle. En 2007, un Britannique a ainsi été condamné pour avoir abattu et enterré plusieurs milliers de lévriers dans une fosse commune. L'homme demandait une vingtaine de dollars par lévrier aux propriétaires qui souhaitaient se débarrasser de chiens devenus trop encombrants.