Montréal est-elle encore une grande ville de sport ? L’équipe des sports de La Presse s’est penchée sur la question et vous propose une série de reportages publiés aujourd’hui et demain.

Pour des raisons hélas évidentes, la pandémie de COVID-19 a eu l’effet d’un couteau en plein cœur pour l’industrie touristique.

Le secteur, on le sait, s’est relancé depuis. Les voyageurs ont envahi les aéroports et les grands évènements ont repris vie. Un volet spécifique, toutefois, a été le grand catalyseur de la reprise.

« Une chance qu’on a eu le marché sportif », lance, sans aucune hésitation, Mylène Gagnon, vice-présidente ventes, affaires et marché sportif à Tourisme Montréal. Selon elle, ce marché a carrément « sauvé la mise en 2022 ».

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Finale de l’Omnium Banque Nationale, en 2022, remportée par Pablo Carreno Busta contre Hubert Hurkacz

Cette année-là a en effet été celle du retour à la vie. En avril, au Championnat du monde de patinage de vitesse courte piste, des milliers de spectateurs ont assisté à la dernière course de la carrière de Charles Hamelin. En juin, après deux annulations successives, le Grand Prix du Canada a été présenté. Les Championnats du monde de triathlon ont eu lieu dans la province pour la première fois depuis plus de deux décennies. En août, après une présentation annulée et une autre réservée à un public limité, l’Omnium Banque Nationale a dépassé son nombre de spectateurs d’avant la pandémie. En septembre, après deux annulations consécutives, le Marathon a retrouvé ses fidèles. Et la liste se poursuit…

En 2022, avec la fin des mesures sanitaires, on voyait enfin la lumière au bout du tunnel, et l’effet a été presque immédiat sur le plan sportif.

Mylène Gagnon, vice-présidente ventes, affaires et marché sportif à Tourisme Montréal

Selon elle, cela a eu pour effet de « redynamiser » la ville, alors que d’autres volets touristiques, comme les congrès, continuent de reprendre « pas à pas ».

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Les Championnats du monde de triathlon de Montréal, en 2022

La ville, dit-elle, a pris son « envol » sur le plan sportif « depuis six ou sept ans », résultat d’une volonté des acteurs locaux de développer ce créneau et d’un appétit évident du public. C’est, en quelque sorte, ce qui s’est produit de nouveau au sortir de la pandémie.

Retombées

À peu près chaque fois que la perspective d’implanter de nouvelles franchises de sport professionnel dans la métropole est évoquée, la même remarque est entendue : Montréal est d’abord une ville d’évènements. On ne débattra pas ici de l’exclusion mutuelle des deux idées. Mais sur le fond, il y a une vérité certaine.

En 2019, le sport a généré 7,4 milliards au pays et 611 millions à Montréal seulement, a calculé l’organisme Tourisme sportif Canada grâce à des données de Statistique Canada.

Le calcul des retombées économiques liées à des évènements soulève souvent des questions. Celles liées au Grand Prix, par exemple, ont longtemps été surestimées.

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Max Verstappen a remporté le Grand Prix du Canada en 2022.

Lorsqu’elle a vu ces chiffres, Mylène Gagnon a « demandé qu’on les révise ». « Ça me semblait beaucoup », confie-t-elle. « On est retournés faire nos calculs, nos devoirs. »

Apparemment, le constat est resté le même. Le plus important, rappelle la gestionnaire, c’est « que la moitié [de ces retombées] vient des visiteurs internationaux ».

« L’argent qui tourne à Montréal, c’est correct, mais c’est des fonds neufs qu’on veut ! »

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L’Éthiopien Gadisa Shumie a remporté le Marathon de Montréal, en septembre 2022.

C’est justement là le nerf de la guerre chez Tourisme Montréal au moment d’attirer des évènements sportifs d’envergure et de leur fournir du financement : quelles retombées et quel rayonnement la ville peut-elle en tirer ? Mais aussi : à quel prix ?

Décisions difficiles

Car tous les projets, même emballants, ne sont pas de bons projets. Au tennis, la Coupe Laver, « ça nous a beaucoup intéressés », confirme Mme Gagnon. Montréal n’a toutefois pas donné suite au processus de candidature.

Quand on voit à quel point certaines organisations ont besoin d’un soutien financier astronomique, je ne pense pas que ce soit une bonne décision de choisir cette avenue.

Mylène Gagnon, vice-présidente ventes, affaires et marché sportif à Tourisme Montréal

C’est finalement Vancouver qui accueillera ce rendez-vous en 2023.

Dans la même veine, si la décision du gouvernement du Québec de retirer ses billes pour la Coupe du monde de soccer 2026 a « ébranlé » Tourisme Montréal, « je me dis, avec le recul, que c’est probablement une bonne décision », constate Mme Gagnon. Elle note, à ce sujet, les importantes « concessions » que feront les villes hôtesses pour accueillir une poignée de matchs.

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Lionel Messi et l’Argentine ont soulevé le trophée de la Coupe du monde de soccer, au Qatar, en décembre 2022

La présentation de seulement trois rencontres à Montréal aurait en effet coûté plus de 300 millions en fonds publics, dont le tiers aurait dû être épongé par la Ville, et ce, sans compter les sommes nécessaires pour rénover le Stade olympique. La FIFA exigeait en outre un « vacuum événementiel », et ce, en pleine saison des festivals.

Lisez « Dans les coulisses de la candidature de Montréal »

En 2026, toutefois, Montréal accueillera les Championnats du monde UCI de cyclisme sur route, un évènement qui aurait probablement été incompatible avec la présence de la FIFA dans la métropole.

La VP de Tourisme Montréal s’emballe également en évoquant la présentation de la Coupe des présidents à l’automne 2024. Un bon coup « qui fait beaucoup de jaloux ».

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Le club de golf Royal Montréal, qui avait accueilli la Coupe des présidents en 2007 (sur notre photo, le golfeur canadien Mike Weir), présentera à nouveau l’évènement en 2024.

La présence d’autant d’évènements internationaux tient beaucoup à la « réputation » de Montréal, insiste-t-elle, parlant d’une « ville qui crée des émotions » et qui suscite « des réactions excessivement positives » à sa seule évocation partout sur la planète. Les promoteurs, dit-elle, découvrent « une machine très bien huilée » qui « facilite » leur vie en les mettant en relation avec les ordres de gouvernement et les fédérations sportives, notamment.

L’« envol » du marché sportif montréalais, en somme, ne semble pas près de s’essouffler. Avec ou sans de nouveaux Expos.