Sauvé par la montagne, Jean-François Dupras s’est lancé le défi il y a quelques années de gravir les sept sommets (Seven Summits), soit le plus haut sommet de chaque continent. Sa motivation ? Sensibiliser les gens à la santé mentale. Et les encourager à suivre leurs rêves et leurs passions.

Reculons de trois décennies. Jean-François Dupras a 13 ans. Un matin, sa sœur de 10 ans tombe soudainement très malade. Elle passe plusieurs mois à l’hôpital, les médecins tentent de comprendre ce qui l’afflige. Pendant ce temps, le jeune Jean-François doit composer avec l’absence fréquente de ses parents et la crainte de perdre sa sœur. Il vit cette période difficilement.

En pleine adolescence, le jeune homme fait de « mauvais choix » de vie. À 15 ans, il est arrêté par la police et doit passer en cour, un processus qui dure environ un an. « Déjà, je vivais des émotions confuses avec ma sœur, mais là, je commençais vraiment à avoir un problème d’estime personnelle », raconte l’homme d’aujourd’hui 43 ans au bout du fil.

« La goutte qui fait déborder le vase » survient l’année suivante, quand ses parents décident de divorcer. Jean-François, qui avait déjà commencé à éprouver de la difficulté à l’école, perd le contrôle. Jusque-là très actif, il n’a plus envie de faire du sport. Il se met à faire la fête fréquemment. S’ensuivent « des problèmes de jeu, d’alcool, de drogues ». C’est là que la dépression fait son entrée dans sa vie.

C’est comme si je cherchais tous les moyens possibles pour m’en sortir et ça ne m’aidait pas vraiment.

Jean-François Dupras

À 20 ans, à bout de souffrir, Dupras fait « pratiquement » une tentative de suicide. Les années qui suivent sont remplies de hauts et de bas. La seule chose qui l’aide réellement ? La montagne, qu’il découvre pour la première fois lors d’une visite en Alberta. Graduellement, il commence à faire de l’escalade de roche, de glace et de l’alpinisme.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-FRANÇOIS DUPRAS

Jean-François Dupras

Jean-François vit néanmoins encore avec la culpabilité de ses problèmes de jeu, ne parle jamais de sa dépression. Il n’est pas lui-même. Pendant des années, il traîne derrière lui « ce boulet » qui l’empêche d’avancer…

Jusqu’à l’âge de 36 ans.

En entraînement pour un emploi en Alberta, le Québécois se blesse au dos. Une entorse lombaire l’empêche de travailler, ce qui le plonge dans une nouvelle dépression. Il passe un mois et demi sur son sofa « à déprimer, sans pouvoir bouger ».

« C’est là que j’ai décidé de gravir ma plus grande montagne et d’aller chercher de l’aide. J’ai appelé mon médecin et je suis allé consulter pour la première fois de ma vie. »

C’est à ce moment-là que Jean-François Dupras a commencé à faire la paix avec son passé. À s’accepter. À s’aimer. Et, pourquoi pas, à se servir de cette « expérience de vie pour aider à inspirer les gens ».

La santé mentale et la montagne

« Comment est-ce que je peux joindre mes deux passions : la santé mentale et la montagne ? », s’est donc demandé Jean-François Dupras. De là est née l’idée de se lancer le défi dont il rêvait depuis longtemps : gravir le plus haut sommet de chaque continent. Ainsi a vu le jour son projet Vaincre la maladie mentale, un sommet à la fois, qu’il a amorcé en 2018.

Dupras, qui réside maintenant à Canmore avec sa conjointe et ses deux enfants, s’est d’abord attaqué au mont Denali, en Alaska. Accompagné de deux partenaires, il a passé 18 jours sur la montagne. « On a été pris dans une tempête qui a duré six jours en plein mois de juin. Il faisait -50 ou -60 degrés. On a reçu six pieds de neige. Mais on a réussi du premier coup. »

Étape suivante : le Kilimandjaro, en Tanzanie, en décembre 2018. Trop en confiance après sa réussite en Alaska, il a gravi le mont en six jours plutôt qu’en sept, si bien qu’il a eu des nausées et des maux de tête une fois arrivé au dernier camp – des effets de la haute montagne.

« J’ai appris qu’il faut que je ralentisse, lance-t-il en riant. Mais ç’a été une super belle ascension. J’ai adoré le peuple tanzanien. »

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-FRANÇOIS DUPRAS

Au sommet du Kilimandjaro, en Tanzanie

En août 2019, Dupras s’est rendu en Russie pour gravir le mont Elbrouz, une réussite malgré des douleurs au dos. Quelques mois plus tard, il a monté l’Aconcagua, en Argentine, en solo.

Dans le cadre de ses quatre premières ascensions, Dupras a récolté 17 516 $ pour l’Association canadienne pour la santé mentale – région de Calgary ainsi que 2000 $ pour la Fondation Douglas.

L’Everest

Nous voici maintenant à la fin de l’année 2022. Jean-François Dupras s’entraîne en vue de gravir son cinquième mont, l’Everest, à l’automne 2023. Ce mont représente, à lui seul, un défi financier de 50 000 $. L’alpiniste est d’ailleurs en recherche active de commandites.

Ce n’est pas tout. Dupras retournera au pied du mont Everest en 2024, cette fois-ci en association avec l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS). Il sera alors accompagné de 10 personnes endeuillées du suicide – il est toujours à la recherche de 5 candidats –, avec qui il complétera le trek qui mène au camp de base de l’Everest. Le groupe s’engage d’ailleurs à amasser 29 030 $, soit l’équivalent de la hauteur du mont Everest en pieds, au profit de l’AQPS. Un documentaire sera également tourné.

Pour avoir moi-même voulu mettre fin à mes jours à quelques moments de ma vie, je pense qu’on doit en parler. On doit faire tomber les tabous. Plus on va parler de santé mentale, plus on va sauver des vies.

Jean-François Dupras

Jean-François Dupras est conférencier depuis quatre ans. En racontant ses expériences d’alpinisme, il souhaite sensibiliser les gens à la santé mentale, leur enseigner l’importance de demander de l’aide. Et les encourager à suivre leurs rêves.

« Je pense qu’on a tous et toutes une montagne à gravir dans la vie. Le but, c’est d’être heureux, de s’entraider. »

« Moi, c’est la montagne qui m’a sauvé et j’espère, à travers mes aventures, sauver des vies aussi. »

BESOIN D’AIDE ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Consultez le site de l'Association québécoise de prévention du suicide