Un total de 289 points marqués, 0 point accordé. Tel est le rendement de l’équipe féminine de rugby du Rouge et Or de l’Université Laval après ses quatre premiers matchs de la saison. Elles sont rapides, puissantes et combatives, mais c’est surtout la force du collectif qui explique le succès de cette équipe qui prend des allures de famille.

Selon un vieil adage, seul on avance plus vite, mais ensemble on va plus loin. Un dicton qui s’applique à merveille au rugby. Sans équipement ou presque, les athlètes entrent en collision au péril de leur santé pour avancer ensemble. Elles se sacrifient pour les joueuses qui portent le même uniforme qu’elles.

À Québec, les joueuses du Rouge et Or y accordent une importance capitale, et c’est ce qui est à l’origine de leur succès. L’esprit d’équipe et la notion du collectif ont été au cœur des échanges lorsque La Presse a discuté avec certaines des joueuses qui sont au centre de ce phénomène.

Une surdose de talent

L’identité de cette formation s’est bâtie petit à petit. À force de rigueur et de discipline. Aujourd’hui, elle impose ses propres standards. « On est une équipe qui s’attarde aux détails sur le terrain et à l’extérieur. C’est pour ça qu’on se démarque », affirme Marie-Pier Fauteux, joueuse de troisième ligne.

Ultimement, toutes les formations font de leur mieux à la salle d’entraînement ou dans l’élaboration de leur stratégie. Or, c’est l'abondance de talent qui distingue l’Université Laval de ses rivales. D’ailleurs, il existe une saine compétition à l’intérieur même de l’équipe, ce qui force les joueuses à se dépasser à l’entraînement pour être en uniforme.

PHOTO FOURNIE PAR LE ROUGE ET OR

Alice Théberge (au centre)

Ta place n’est pas garantie. À chaque entraînement, on se bat pour notre place et on veut se prouver. C’est avec ton attitude et tes habiletés que tu mérites ta place.

Alice Théberge, recrue du Rouge et Or

D’ailleurs, le groupe est tellement uni et compétitif qu’Audrey Champagne note qu’après quelque temps, la différence entre les recrues et les vétéranes n’existe plus. « Tout le monde a tellement de potentiel. On considère tout le monde comme égal, alors tu veux te forcer à gagner ta place contre n’importe qui. »

Ensemble pour faire mieux

Si une lutte existe au quotidien sur le terrain, il n’en est rien une fois que les crampons sont rangés. Il est rare de sentir une telle chimie. C’est pourquoi il est rare d’être témoin d’une telle domination. « Ce ne sont pas juste les 15 filles sur le terrain qui peuvent faire une différence, c’est toutes les autres sur le banc ou qui sont dans les gradins », précise l’arrière Adèle Samson.

Tout le monde a son mot à dire. C’est ce qui réjouit autant la capitaine Laurence Chabot. L’athlète de 23 ans se targue de faire partie d’un groupe de leaders qui contribue à l’épanouissement du collectif.

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La capitaine Laurence Chabot

C’est comme une famille. Tu mets ton corps en jeu pour tes coéquipières. Il faut que tu l’aimes, la fille à côté de toi, sinon tu n’aurais pas le goût de te faire malmener. Alors c’est sûr que la cohésion d’équipe et la chimie jouent un gros rôle.

Laurence Chabot, capitaine de l’équipe

Du point de vue de l’entraîneur, il était important de souligner que la marque des grandes équipes était la capacité de chaque joueuse à y mettre du sien. Si le succès devait reposer sur le brio d’une seule joueuse, précise François Vachon-Marceau, les choses seraient drôlement différentes. « On n’a pas une fille nécessairement qui fait tout sur le terrain. Notre style de jeu est basé sur le collectif. À chaque partie, on ne sait pas qui va être l’étoile du match. »

Comme des sœurs

Si le Rouge et Or peut se vanter de connaître autant de succès, c’est grâce à ses joueuses qui jouent pour plus que leur satisfaction personnelle.

Comme dans une grande famille, elles veulent grandir et s’élever ensemble à travers la victoire. Ces étudiantes-athlètes sont à même de constater qu’il y a quelque chose de spécial avec cette édition 2022. Quelque chose comme une grande équipe.

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Marie-Pier Fauteux (au centre)

« Avoir les mêmes valeurs et le même but nous aide à travailler ensemble et nécessairement, on connecte plus facilement. C’est plus facile d’avoir un noyau qui est serré », lance Marie-Pier Fauteux.

Sur le terrain, dans les soupers d’équipe, au gymnase ou en classe, chaque joueuse sait qu’elle peut compter sur toutes ses coéquipières. D’autant plus que celles-ci jouent toutes ensemble l’été, dans un club civil. Elles se côtoient donc 12 mois sur 12, et évoluer au sein d’un tel groupe n’est pas seulement une chance, « c’est un honneur », renchérissent Audrey Champagne et Adèle Samson.

« C’est une équipe, une famille. Ce ne sont pas seulement les victoires qui rendent cette équipe aussi bonne, c’est justement notre esprit d’équipe et le fait qu’on s’entende tellement bien, ça nous permet d’avoir du succès », selon Champagne.

La proximité entre les joueuses ne fait pas nécessairement des passes mieux réussies ou des bottés plus précis, mais elle contribue certainement au sentiment d’appartenance qui les nourrit. Une victoire à la fois, elles prouvent qu’il n’y a rien de plus puissant que la force du collectif.

À défaut de dominer

Avec une fiche comme celle du Rouge et Or et les résultats écrasants que les joueuses imposent à leur adversaire chaque semaine, plusieurs diront qu’il est un peu triste de voir un tel écart entre les différents programmes. À en croire certains, les joueuses devraient produire moins de points pour rester respectueuses devant leur opposition.

Or, même si l’entraîneur-chef François Vachon-Marceau trouve dommage qu’il y ait une telle disparité entre certaines équipes, il précise que dans un sport comme le rugby, il est impossible de demander à ses joueuses d’accumuler moins d’essais ou de convertis et d’en accorder plus. « Ça reste qu’on pratique un sport de contact et on ne peut pas plaquer à moitié. Le but n’est pas d’écraser les autres équipes, mais de faire du mieux qu’on peut. On ne peut pas juste faire écouler le cadran comme au hockey ou faire plus de courses comme au football. »

Laurence Chabot abonde dans le même sens. En se mettant dans la peau de ses rivales, elle avance qu’il serait encore plus humiliant d’abaisser leur niveau de jeu. « On ne peut pas jouer à 50 % et personnellement, être l’autre équipe, je trouverais ça plus irrespectueux qu’on arrête de jouer, qu’on abaisse notre niveau de jeu et qu’on la prenne un peu par pitié. L’équipe en face de nous s’attend à ce qu’on joue à notre 100 %, comme nous, on s’attend à ce qu’elle joue à 100 %. Après, c’est un sport de contact, un sport de stratégie, et tu ne peux pas exécuter ta stratégie à 50 %. »

Québec, capitale du rugby

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Audrey Champagne

Il n’y a pas de doute, la capitale nationale est le berceau du rugby au Québec. L’Université Laval est devenue une usine à produire du talent et son succès est le résultat d’un encadrement digne des meilleures équipes au monde.

Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent expliquer pourquoi le Rouge et Or est devenu sans aucun doute la meilleure équipe féminine de rugby au Québec et peut-être au Canada. Championnes canadiennes en 2019, championnes provinciales en 2021 et fortes de quatre blanchissages en autant de parties depuis le début de la présente campagne, les joueuses de l’Université Laval sont conscientes qu’elles évoluent dans un milieu propice à l’excellence.

On a une très bonne qualité d’entraîneurs, une très belle salle d’entraînement, un accès à des physiothérapeutes et du matériel à la fine pointe de la technologie. C’est sûr que parfois, ça pèse dans la balance pour savoir à quelle université les joueuses vont aller.

Adèle Samson, arrière du Rouge et Or

Tout comme Samson, Audrey Champagne a grandi à Québec. Elle savait donc que l’Université Laval était l’endroit parfait pour assurer son développement. Maintenant qu’elle évolue pour l’équipe de son enfance depuis trois saisons, elle se rend compte de la chance que ses coéquipières et elle ont. « Notre succès vient également de toute notre équipe qui est exceptionnelle, autant les entraîneurs que les physios et le conseil d’administration, qui met énormément de temps et d’effort pour assurer notre réussite. C’est leur dévouement qui garde un niveau élevé et qui donne envie de mettre les efforts pour atteindre les objectifs. »

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Les joueuses de rugby de l’Université Laval sont conscientes qu’elles évoluent dans un milieu propice à l’excellence.

La capacité du programme à élever ses standards est d’autant plus impressionnante, pense Laurence Chabot, qu’à son arrivée il y a cinq ans, l’équipe n’était pas dominante comme elle l’est aujourd’hui. « Le programme était vraiment en émergence et ç’a commencé à prendre plus d’importance au niveau provincial et canadien », ajoute la capitaine.

Un intérêt palpable

C’est à la suite de la victoire de l’équipe au Championnat canadien en 2019 que le vent a tourné, toujours selon Chabot. « J’ai senti qu’il y avait plus d’intérêt. » Que ce soit dans son entourage, parmi les autres équipes du Rouge et Or ou les étudiants qui fréquentent l’université. « C’est comme si les gens se demandaient on était qui et on faisait quoi. » Elle confirme que ce n’était pas autant le cas à son arrivée avec l’équipe en 2018.

Champagne croit aussi que le titre d’il y a trois ans a changé la donne. Dans le regard des autres, cette équipe avait désormais une plus-value. Depuis, l’intérêt non seulement pour l’équipe, mais aussi pour le rugby, n’a fait qu’augmenter. « Et là cette année, avec toutes les victoires qu’on enchaîne avec de gros pointages, ça amène encore plus de visibilité pour nous. »

La force d’une ville

Avec les années, la ville de Québec s’est imposée comme étant la Mecque du rugby dans la province. Non seulement le bassin de joueuses est impressionnant, mais les infrastructures en plus font en sorte qu’elles se développent avec brio.

Parmi les joueuses de l’équipe canadienne qui se rendra en Nouvelle-Zélande pour disputer la Coupe du monde en octobre, cinq sont passées par le Rouge et Or. La très grande majorité des joueuses de la formation actuelle du Rouge et Or sont originaires de Québec et des alentours.

« Le développement dans notre région fonctionne bien. Les filles sont habituées de jouer ensemble, donc ça aussi, ça développe le collectif et on a une formule qui fonctionne bien », estime l’entraîneur-chef François Vachon-Marceau.

Alice Théberge confirme également que « le développement à Québec a une bonne avance sur les autres villes ». Elle croit que c’est parce que la communauté rugby y est riche que tous ceux et celles qui en font partie se tirent vers le haut. « Ici, à Québec, c’est une très grosse famille. Il y a de plus en plus d’encadrement dès un jeune âge et ç’a beaucoup d’effets. C’est lorsque c’est bien encadré que tu y prends goût. »

Le rugby occupe une place de choix dans la région et selon les joueuses, c’est possiblement grâce à des résultats comme ceux qu’affiche le Rouge et Or cette saison que la roue continuera de tourner toujours plus vite.