D’aussi loin qu’il se souvienne, Justin Dubé-Fahmy a toujours adoré partir en expédition. « Randonnée, canot, alpinisme… Tout ce qui est long et qui m’amène en terrain inconnu m’attire », dit-il.

Le Montréalais de 47 ans entreprendra cette semaine sa plus grande expédition en carrière : tenter l’ascension du K2, au Pakistan, le deuxième sommet du monde.

Justin Dubé-Fahmy y rejoindra une équipe internationale de six grimpeurs qui prendront part à l’expédition. « Nous ne nous sommes jamais rencontrés, nous nous parlons par Zoom et j’ai bien hâte d’être sur place avec eux. »

À 8611 m d’altitude, le K2 est moins élevé que le mont Everest de quelques centaines de mètres.

Photo fournie par Justin Dubé-Fahmy

Sommet du K2

Or, la montagne est considérée comme beaucoup plus difficile à gravir, en raison notamment de sa météo qui peut être aussi extrême qu’imprévisible, de ses avalanches et de la verticalité de l’ascension.

Dubé-Fahmy est déjà allé au K2. C’était en 2003, lorsqu’il a pris part à une expédition hivernale organisée par Jacques Olek, l’un des pionniers au Québec des grandes expéditions en Himalaya et ancien propriétaire des boutiques Blacks Camping International, où Justin a travaillé au début de sa vingtaine.

Au K2, Dubé-Fahmy assurait la logistique de réapprovisionnement jusqu’au camp de base avancé. « J’ai été frappé par la démesure, et par le froid, qui était constant, entre -5 et -30 degrés, dit-il. La seule source de chaleur, ce sont les gens autour de toi dans la tente. Je n’étais pas là pour aller au sommet, mais la montagne était tellement impressionnante que je me disais que j’aimerais y revenir un jour. »

Photo archives Agence France-Presse

Des alpinistes réalisent la première ascension hivernale du K2, en janvier 2021

La première ascension hivernale du K2 n’a finalement été réalisée qu’en janvier 2021 par un groupe d’alpinistes népalais.

Au fil des ans, Dubé-Fahmy a fait de l’alpinisme en haute altitude au Pérou, en plus de réaliser l’ascension du Gasherbrum II, 13e parmi les plus hautes montagnes du monde, situé au Pakistan. « C’est là que j’ai vu que mon corps réagissait bien en haute altitude », dit-il.

Plus de 12 heures d’entraînement par semaine

Justin Dubé-Fahmy a grandi dans le secteur Sainte-Dorothée, à Laval, à l’époque où la forêt et les champs recouvraient une bonne partie du territoire. La famille a ensuite déménagé à Winnipeg, au Manitoba, d’où Justin est revenu à 19 ans pour faire des études en génie mécanique et en design à Montréal.

Photo David Boily, LA PRESSE

Justin Dubé-Fahmy

Père de famille et président fondateur de Rümker, une entreprise de design d’environnements commerciaux et d’exposition, Justin Dubé-Fahmy n’a pu quitter Montréal pour réaliser son entraînement, qui l’occupe quotidiennement depuis septembre dernier.

Il passe entre 12 et 15 heures par semaine à s’entraîner, surtout à faire de la course, mais aussi de la musculation.

Je m’entraîne aussi dans la cage d’escalier de la tour de condos de ma mère. Je monte les marches deux à deux avec deux cordes de 70 m et un poids de 20 lb sur le dos. Puis je descends en ascenseur. Je fais ça pendant deux heures.

Justin Dubé-Fahmy

M. Dubé-Fahmy finance lui-même son expédition, effectuée sans commanditaires.

En 2018, le Montréalais Serge Dessureault est mort lors de l’ascension du K2. M. Dessureault, 53 ans, a fait une chute près du camp 2, à 6700 m d’altitude.

M. Dubé-Fahmy est conscient des risques que cette montagne mythique fait vivre à ceux qui la grimpent.

Durant l’expédition, plusieurs variables sont incontrôlables, comme une météo plus mauvaise que prévu, ou encore un éboulement de roches, analyse-t-il.

« Toutefois, il y a des variables qui sont sous ton contrôle. La logistique, le rythme de l’ascension, c’est là-dessus que je me concentre et que je mets mon énergie. »

Il signale aussi qu’il ne tient pas à tenter le sommet à tout prix.

« Le sommet, ce serait un peu comme le cadeau surprise que tu n’attendais pas le soir de Noël. Le plus important, c’est de vivre une aventure en groupe, de partager de la beauté, de partager les difficultés, les souffrances, les joies. C’est ça qui m’attire. »

Justin Dubé-Fahmy a quitté Montréal pour Islamabad jeudi, et a prévu deux mois pour réaliser son expédition.

Chez ses proches, son aventure provoque de l’inquiétude, mais aussi une vague de soutien. « Tout le monde m’appuie à 100 % et comprend que c’est quelque chose qui fait partie de moi. Les gens autour de moi savent que je vais repousser mes limites, mais surtout, ils me font confiance. »