Les fédérations nationales de sport ont obtenu une prolongation de leur rencontre privée en marge de la session du Comité olympique canadien (COC), qui se déroule de vendredi à dimanche à Montréal.

Pour cette première réunion en personne depuis le début de la pandémie, qui était prévue pour 15 h vendredi après-midi, les sujets chauds abonderont : crise du sport sécuritaire, pénurie de main-d’œuvre, gouvernance, relance post-pandémique, financement stagnant, etc.

« Présentement, on vit une tempête parfaite », a résumé Martin Goulet, directeur général de Water Polo Canada et coprésident du caucus des fédérations, plus tôt cette semaine.

Le problème du harcèlement

La mise en fonction d’un nouveau Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS), le 20 juin, est l’un des dossiers les plus sensibles.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE MARTIN GOULET

Martin Goulet, directeur général de Water Polo Canada et coprésident du caucus des fédérations nationales de sport

Des problèmes de sport sécuritaire, il y en a, on le sait très bien. Il y en a eu dans le passé, énormément. Il y en a encore et il faut s’en occuper. Moi, je suis de ceux qui pensent qu’il y en a beaucoup moins qu’avant. En fait, j’en suis absolument persuadé. [...] On a fait des progrès gigantesques.

Martin Goulet, directeur général de Water Polo Canada et coprésident du caucus des fédérations nationales de sport

Goulet applaudit la création du BCIS, un mécanisme indépendant qui accueillera les plaintes des athlètes d’équipes nationales se sentant victimes d’abus ou de harcèlement, entre autres. Il a pleine confiance en ses deux dirigeantes, la nouvelle commissaire Sarah-Ève Pelletier et Marie-Claude Asselin, chef de la direction du Centre de règlement des différends sportifs du Canada.

À l’instar des représentants des athlètes, dit le coprésident, les fédérations réclament la mise sur pied d’un tel organisme depuis une grande rencontre orchestrée par l’ex-ministre fédérale des Sports Kirsty Duncan, en mai 2019.

« Je peux le dire avec certitude : 100 % des dirigeants des fédérations nationales sont pour un mécanisme complètement indépendant qui s’occupe de ces questions. »

Les choses ont traîné jusqu’à ce que la nouvelle ministre Pascale St-Onge ordonne une accélération du processus dans la foulée de ce qu’elle a récemment qualifié de « crise » dans le sport canadien.

Le problème du financement

Là où « le bât blesse » aux yeux de Goulet, c’est sur la question du financement du BCIS, dont l’adhésion est pour l’instant volontaire. Dans des entrevues, la ministre a cependant laissé entendre que les fédérations pourraient devoir s’y soumettre.

Dans le budget fédéral, 16 millions de dollars sont prévus pour le BCIS pour les trois prochaines années. Le reste de l’argent doit provenir d’une cotisation des fédérations.

Or, dans l’état actuel des choses, Water Polo Canada, entre autres, n’a pas l’intention d’y adhérer. « En ce qui me concerne, il n’en est pas question, a prévenu Goulet. La facture devrait être payée par le gouvernement canadien. »

Il souhaite un modèle semblable à celui du programme antidopage diligenté par le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, universel et totalement financé par le fédéral. Il s’accompagne d’un volet formation et éducation qu’il juge indispensable.

L’ancien directeur haute performance d’Athlétisme Canada cite en exemple le Québec, seule province à avoir adopté un programme indépendant et entièrement financé par le gouvernement (Sport’Aide et la plateforme « Je porte plainte »).

« Le Québec l’a fait et bien fait. Bravo à [la ministre des Sports] Isabelle Charest. Ils ont créé un mécanisme complètement indépendant. Les fédérations n’ont rien à voir là-dedans. Elles sont délestées de ça. En même temps, les athlètes sont contents parce qu’ils ont la certitude qu’il n’y aura pas de conflits d’intérêts. »

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports

Le fédéral doit suivre cette voie, a plaidé Martin Goulet : « Mme Duncan n’est pas allée au bout de sa pensée. Mme St-Onge va un peu plus loin, mais elle n’est pas capable de mettre ses culottes pour l’imposer de A à Z et payer la facture au lieu de laisser cette merde-là entre les mains de Marie-Claude et de Sarah-Ève. »

Les petites et moyennes fédérations ont particulièrement souffert de la pandémie, a-t-il souligné.

On essaie de nous faire avaler une affaire, de nous faire signer une entente quand on ne sait pas quel est le deal financier. Chaque dollar que je mets là-dedans, c’est de l’argent qui ne va pas dans les programmes pour mes athlètes. [...] Je ne signerai pas un chèque en blanc pour ma fédération alors qu’on a toutes les misères du monde [à arriver].

Martin Goulet, directeur général de Water Polo Canada et coprésident du caucus des fédérations nationales de sport

Le financement de base de Sport Canada pour 62 fédérations de sport n’a pas bougé depuis 2003, a ajouté Martin Goulet. La récente accélération de l’inflation ne fait qu’augmenter la pression.

Pénurie de main-d’œuvre

Comme dans plusieurs secteurs de l’économie, la pénurie de main-d’œuvre est durement ressentie dans le système sportif canadien.

« On demande aux gestionnaires de sport de faire l’impossible. Le niveau de financement est le même qu’il y a presque 20 ans, mais le niveau de responsabilité est supérieur. On leur demande de faire des miracles. Il y a vraiment un problème de découragement présentement de beaucoup, beaucoup de gens dans le milieu sportif. C’est une chose dont on doit absolument s’occuper. »

Les dirigeants de fédération ne veulent plus être les « dindons de la farce », a asséné Goulet, qui se dit néanmoins résolument « optimiste ».

« Il y a une convergence, une occasion absolument extraordinaire qui s’offre à nous. Un peu comme quand on avait le gros problème Ben Johnson et de l’haltérophilie et la commission Dubin qui a suivi. On a des problèmes et on a une chance de les régler. Il faut simplement aller au bout de la logique. »