(Paris) Pour la première fois en un an, Novak Djokovic et Rafael Nadal sont tous deux inscrits au même tournoi majeur. Et pourtant, l’attention à Roland-Garros est focalisée sur Carlos Alcaraz, un adolescent sans titre du Grand Chelem à son palmarès.

Il y a de nombreuses raisons de garder un œil sur Djokovic et Nadal lorsque le jeu va se mettre en branle, dimanche. Ce sont évidemment deux grands du sport qui se sont affrontés plus souvent que tous les autres chez les hommes depuis les débuts de l’ère professionnelle, dont neuf fois à Roland-Garros.

À la suite du tirage au sort de jeudi, ils pourraient se rencontrer en quarts de finale cette année, voire pas du tout, avec un éventuel affrontement contre Alcaraz en demi-finale.

Nadal est 13 fois champion à Paris, détenteur d’un record masculin de 21 trophées du Grand Chelem et il n’est revenu que récemment d’une blessure aux côtes tout en faisant face à une douleur chronique au pied gauche qui l’a privé d’une présence à Wimbledon et aux Internationaux des États-Unis l’année dernière.

« Tout d’un coup, a commenté Alexander Zverev, troisième tête de série, après avoir vu Nadal s’entraîner sur place, son coup droit est 30 km/h plus rapide. Il se déplace plus facilement. Il y a quelque chose sur ce terrain qui le fait jouer 30 % mieux. »

Quant à Djokovic, il est no 1 mondial, le champion en titre sur la terre battue rouge de Roland-Garros, à égalité avec Roger Federer à 20 titres majeurs et il a, notamment, raté les Internationaux d’Australie en janvier (que Nadal a remporté) parce qu’il n’est pas vacciné contre la COVID-19. Les Internationaux de France et Wimbledon lui permettent d’y participer.

« Les amateurs de tennis et les plus grands tournois sportifs veulent toujours que les meilleurs joueurs du monde soient présents, a affirmé Djokovic. De ce point de vue, il y a une signification à cela. »

Le renouveau

Pourtant, Alcaraz — 28-3 avec un sommet de quatre titres en 2022, et déjà installé au sixième rang mondial — suscite beaucoup de fascination.

« Il est définitivement spécial, a poursuivi Djokovic. Jusqu’à présent, il est le meilleur joueur du monde, sans aucun doute, cette année… C’est un joueur vraiment complet. Il peut jouer aussi bien offensivement que défensivement. »

Cela se dessine depuis un moment déjà et a atteint un crescendo lorsqu’Alcaraz a battu Nadal, puis le favori Djokovic, et finalement Zverev pour remporter le Masters de Madrid début mai. Personne n’avait jamais éliminé Djokovic et Nadal lors du même tournoi sur terre battue.

Bien sûr, il y a d’autres histoires dignes d’intérêt ces deux prochaines semaines. Le retour de Naomi Osaka à Paris après sa sortie sur l’anxiété et la dépression et son retrait des terrains pour faire une pause mentale il y a un an ; la tentative d’un deuxième titre à Roland-Garros de la nouvelle no 1 Iga Swiatek alors qu’elle est sur une séquence de 28 victoires ; le nouveau partenariat de l’ancienne no 1 Simona Halep avec Patrick Mouratoglou, qui a entraîné Serena Williams (va-t-elle effectuer un jour un retour sur les courts ?)

Mais rien ne surpasse l’intérêt suscité par Alcaraz, le joueur aux sept victoires consécutives contre des adversaires du top-10, au puissant service et aux coups de fond fluides, au jeu de jambes du danseur, aux amortis servis tant du coup droit qu’en revers.

Comme Djokovic l’a dit : « Il est le sujet de conversation du sport. »

Cela tient en partie au fait qu’Alcaraz est la prochaine grande vedette, quelqu’un considéré comme talentueux, travailleur et suffisamment motivé pour atteindre le sommet du tennis. Cela tient aussi en partie au fait qu’il est si jeune, 19 ans au 5 mai ; personne depuis son compatriote espagnol Nadal en 2005 ne s’était hissé parmi le top-10 mondial aussi jeune.

« Toutes les nouvelles choses sont beaucoup plus intéressantes que les anciennes, sans aucun doute, a reconnu Nadal. Quand vous voyez une nouvelle voiture, elle est toujours plus belle. Quand vous voyez un nouveau téléphone, il est toujours plus beau que l’ancien. »

Changement de garde ?

Donc, la grande question qui est en suspens depuis un certain temps : qui prendra le relais du « Big Three » —Nadal (36 ans la semaine prochaine), Djokovic (35 ans, dimanche, premier jour du tableau principal à Roland-Garros) et Federer (41 ans en août, après une série d’opérations au genou droit et absent depuis Wimbledon l’an dernier) ?

« La donne est en train de changer. Nous vieillissons aussi, a dit Nadal. Les nouvelles générations arrivent en force. »

En vérité, pas si fort que ça.

Faisons le bilan : Djokovic et Nadal ont remporté 11 des 13 derniers titres du Grand Chelem chez les hommes.

Par contraste, la réalité est bien différente au tennis féminin : aucune joueuse n’a remporté plus d’un titre majeur au cours d’une même année depuis 2016. Et Paris offre un exemple de cette variété au sommet : les six dernières gagnantes à Roland-Garros y ont toutes remporté un premier titre du Grand Chelem.

Alcaraz espère obtenir sa place dans ce club sélect d’ici la fin du tournoi.

Jusqu’à présent, il ne compte qu’un quart de finale dans un tournoi majeur, aux Internationaux des États-Unis en septembre. Il n’a joué qu’une seule fois à Roland-Garros, atteignant le troisième tour l’an dernier.

Alcaraz, qui est entraîné par Juan Carlos Ferrero, vainqueur à Roland-Garros en 2003, confie qu’il essaie de transformer les attentes de tout le monde à son égard en motivation plutôt qu’en source de pression.

« J’ai vraiment hâte d’aller à Paris », a avoué Alcaraz, « (et) de me battre pour un Grand Chelem. »