Cette planète sera-t-elle assez vaste pour Mathieu Blanchard ?

Un peu d’exagération ici. N’empêche que de la montagne européenne au désert africain en passant par le Grand Nord québécois, l’ultramarathonien et aventurier en aura exploré d’imposantes et fascinantes étendues.

Le nord du Québec, il en revient tout juste. Au cellulaire, la semaine dernière, Mathieu Blanchard se dit « à plat et un peu malade, contrecoup de l’aventure », mais rien n’y paraît dans la voix.

Le 22 février, accompagné de son ami Loury Lag, le coureur d’origine française a quitté son pied-à-terre de Montréal pour prendre la direction de ce qui est surnommé « l’œil du Québec », l’un des plus grands cratères de météorite du monde, situé au lac Manicouagan.

La germination de ce projet a pourtant eu lieu dans des conditions fort différentes. À 80, voire 90 °C de plus, dans le désert saharien, pendant le Marathon des Sables, auquel Blanchard et Lag prenaient part, en octobre dernier.

« On avait très chaud, on était sous notre tente berbère après une journée, en fin d’étape », raconte le Québécois d’adoption.

Loury Lag l’avait contacté plus tôt dans l’année pour parfaire ses aptitudes en course en sentier, le métier de Mathieu Blanchard, jadis ingénieur.

Ils se sont donc vus quelques fois à cette fin en Europe, puis sous cette tente piquée dans le désert, Blanchard annonce à Lag qu’il passe l’hiver au Québec, qu’il est attiré par l’univers polaire et qu’il aimerait collaborer avec lui à cette occasion. Les expéditions extrêmes, c’est la spécialité de Loury Lag.

La rencontre entre les deux hommes deviendra donc, pour emprunter la réplique célèbre de personnages oscarisés il y a 30 ans, un échange de bons procédés.

Chez les Innus de Pessamit

Après avoir jeté leur dévolu sur « l’œil du Québec », Mathieu Blanchard et Loury Lag apprennent que le territoire est parcouru depuis longtemps par les Innus.

« Donc, avant de se rendre sur place, on avait vraiment à cœur de s’arrêter chez les Innus pour en savoir un peu plus sur la symbolique de ce territoire, ce qu’ils y faisaient dans le passé, ce qu’ils y font aujourd’hui, quelles sont leurs techniques de survie en hiver, explique Blanchard. C’est devenu un projet à plus grande échelle d’un point de vue humain. »

Ils en auront retenu, notamment, que les Innus ne partiraient jamais en forêt sans une hache. Pour faire de petits coups sur les troncs afin de repérer leur chemin, pour le feu, évidemment, pour couper des branches et en faire un sapinage dans le but de s’asseoir sans être en contact direct avec le sol gelé. Des apprentissages qui auraient servi de plans B aux explorateurs à skis en cas de bris ou de perte d’équipement.

Avec Loury Lag à ses côtés, Mathieu Blanchard comptait toutefois sur un expert de longue date en gestion du risque, un terme qu’il considère comme plus exact que « survie ». Il a pris le chemin du Nord québécois sans connaissance aucune sur le monde polaire et l’aventure dans ce milieu hostile. Aujourd’hui, il se sentirait totalement autonome, « prêt à partir tout seul en Antarctique ou ailleurs, sans aide ». Mais le coureur n’a pas trouvé le périple facile pour autant.

« On rentre dans un congélateur où il fait -30, -40 °C, illustre Blanchard. Ma difficulté, c’était de combattre ce discours interne permanent de “j’ai froid, j’ai froid, j’ai froid”. »

Et puis, il y a la fatigue mentale associée à cet environnement, bien plus importante que la fatigue physique, selon Mathieu Blanchard.

« Tu vois un cap ou une île au loin que tu veux rejoindre et c’est tellement immense, ce territoire polaire, un peu comme le désert, que tu as l’impression que le décor n’avance pas. Tu avances une heure et tu as l’impression que ton cap ne s’est pas rapproché, voire pire, qu’il a reculé avec l’illusion d’optique. Il faut être solide », raconte-t-il.

Concurrent, notamment, de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), Blanchard a l’habitude de la douleur physique liée à l’effort extrême. Il a cette fois-ci connu des défis d’un autre ordre.

Uapapunan

De cette expédition polaire naîtra un film, Uapapunan, qui signifie « dans le blanc de l’œil » en langue innue.

Le duo était accompagné d’une petite équipe, dont le cinéaste Jérôme Binette, qui avait aussi réalisé le documentaire Confiné, la précédente production mettant en vedette Mathieu Blanchard.

Ce dernier promet un film « d’une grande qualité visuelle », malgré la complexité d’un tournage par grand froid. Le tour complet de « l’œil » à skis en sera « le fil conducteur ».

La grande aventure annuelle étant chose du passé, Mathieu Blanchard a quitté le Québec pour l’Europe dimanche dernier, où il renouera avec ses chaussures de course.

Lieu de sa première compétition en 2022, en avril : l’île portugaise de Madère.

LISEZ « Mathieu Blanchard, l’extraterrestre » LISEZ un reportage récent de Radio-Canada sur « L’œil du Québec »
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  • 240 km
    Distance approximative de l’expédition, dont la station Uapishka était le point de départ
    SOURCE : Bonjour Québec et l’Alliance de l’industrie touristique du Québec