Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence.

Appel à tous

Et vous, quelle transaction de hockey vous a le plus marqué ?

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Alexandre Pratt

Lorsque les Nordiques de Québec ont échangé Eric Lindros non pas à une, mais à deux équipes – en une heure et demie ! Le litige s’est retrouvé devant un arbitre qui, après cinq jours d’audiences, a accordé Lindros aux Flyers de Philadelphie plutôt qu’aux Rangers de New York. Les Nordiques ont donc acquis Peter Forsberg, Ron Hextall, Steve Duchene, Mike Ricci, Chris Simon, Kerry Huffman, deux choix de premier tour et 15 millions. L’offre des Rangers n’était pas mal non plus. Elle incluait notamment Alexei Kovalev, Tony Amonte, un gardien parmi Mike Richter et John Vanbiesbrouck et encore plus de millions !

Katherine Harvey-Pinard

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Jaroslav Halak (à gauche)

Juin 2010, j’avais 15 ans. Dans un coin de ma chambre reposait un panneau d’arrêt sur lequel était écrit le nom d’un gardien de but : Halak. Absolument éblouie – comme plusieurs – par les surprenantes prouesses du Slovaque en séries éliminatoires, j’étais devenue une fan. Vous vous en doutez, j’ai été très déçue d’apprendre son échange en retour de deux espoirs dont les noms, Lars Eller et Ian Schultz, ne me disaient rien. En envoyant Jaroslav Halak à St. Louis, Pierre Gauthier choisissait Carey Price comme son gardien d’avenir. Avec le recul, j’ai évidemment compris qu’il s’agissait d’une bonne transaction, considérant ce qu’est devenu Price et ce que chaque joueur échangé a amené à sa nouvelle équipe. Mais pour la Katherine de 2010, et probablement pour bien des partisans, ça faisait mal. Je ne pourrais cependant pas vous dire ce qui est advenu du panneau d’arrêt à ce jour…

Nicholas Richard

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

P.K. Subban

Je n’ai pas choisi de parler de la transaction qui a le mieux réussi sur le plan hockey. J’y suis plutôt allé avec le souvenir, l’effet et l’impact que l’échange a eus au moment où c’est arrivé. Pour les gens de ma génération, la transaction la plus marquante est sans l’ombre d’un doute celle impliquant P.K. Subban et Shea Weber. Tout le monde se souvient où il était et ce qu’il faisait lorsque l’échange a été annoncé le 29 juin 2016, en fin d’après-midi. C’est probablement la meilleure manière de mesurer l’importance d’un évènement marquant. Même si, en rétrospective, cet échange aura eu des répercussions moins importantes que prévu sur la patinoire, il faut se rappeler le contexte dans lequel il s’inscrivait. Subban était la grande vedette du Canadien, le joueur le plus apprécié des partisans, l’une des personnalités les plus impliquées dans sa communauté à l’échelle de la LNH, il avait gagné le trophée Norris et paraphé le plus important contrat de l’histoire de l’équipe. En contrepartie, Weber était avec les Predators depuis toujours, il était le capitaine, il était l’un des cinq meilleurs défenseurs de la ligue, l’un des joueurs les plus respectés et il avait remporté deux médailles olympiques. Ultimement, les deux joueurs auront chacun atteint une finale de la Coupe Stanley avec leur nouvelle équipe, mais ils ont été en constante régression depuis l’échange. Il n’en demeure pas moins que cette transaction a marqué les esprits.

Richard Labbé

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Mike Cammalleri

Janvier 2012, par un soir d’hiver à l’aréna des Bruins à Boston. Le Canadien est affreux, le match ne veut rien dire, mais à un certain moment, en début de troisième, on remarque que Mike Cammalleri n’est plus au banc. Au bout de quelques minutes, on apprend que le Canadien l’a échangé aux Flames de Calgary… entre la deuxième et la troisième période ! Cette transaction loufoque digne de Slap Shot est l’œuvre du DG Pierre Gauthier, un monsieur qui aimait faire différent. Ça, eh bien, c’était vraiment différent. Après le match, j’ai passé de longues minutes devant la porte de la chambre du bon Mike au Ritz de Boston, en compagnie des amis Jonathan Bernier du Journal de Montréal et Jérémie Rainville, alors avec TVA Sports, à essayer d’obtenir un commentaire ou deux, sans succès, alors qu’en bas, dans le hall, Pierre Gauthier célébrait comme s’il n’y avait pas de lendemain en sirotant une Beck’s sans alcool. Le lendemain matin, par un pur hasard, je suis monté dans le taxi d’un chauffeur qui a passé la course à m’expliquer qu’il venait de laisser un joueur du Canadien à l’aéroport, et que le joueur en question (oui, Mike Cammalleri) avait passé son temps à lui dire à quel point il était heureux de changer d’équipe ! Après toutes ces années, je me pose encore la question : le Canadien n’aurait pas pu échanger Cammalleri avant le début du match ?

Frédérick Duchesneau

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Steve Penney

Patrick Roy ? Wayne Gretzky ? Bien sûr, puisqu’ils sont des idoles d’enfance, dans cet ordre. Mais la première transaction qui m’ait marqué, c’est plutôt celle de Steve Penney, probablement celui qui m’a donné le goût d’enfiler les « grosses » jambières. La belle époque des gardiens à peine équipés pour le cosom, si minuscules devant le filet. Bref, en 1983-1984, après seulement quatre matchs – autant de défaites – en saison avec le Tricolore, Penney avait été sensationnel contre les Bruins et les Nordiques, nettement plus forts que le CH. Puis, la balloune s’est dégonflée contre les puissants Islanders, sans surprise. Le printemps suivant, les Nordiques allaient se venger, en prolongation au septième match du deuxième tour. Ce qui allait pas mal sonner le glas du bon Steve. Au camp d’entraînement subséquent, l’émergence du jeune Roy. En mai 1986 est survenu ce dont tous se souviennent. Et, le 15 août, ce que tous ont oublié : Steve Penney envoyé à Winnipeg contre l’excellent Brian Hayward. Aussi transféré au Manitoba dans le pacte, Jan Ingman. Qui ? Oui, oui… Un autre grand choix de premier tour du Canadien.

Simon Drouin

PHOTO ELISE AMENDOLA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Cam Neely

Si je suis devenu partisan des Bruins de Boston au début des années 1980, c’est grâce à Raymond Bourque et à Barry Pederson. À l’été 1986, Pederson, encore jeune mais ralenti par une tumeur et des blessures, a été échangé aux Canucks de Vancouver pour un certain Cam Neely et un choix de premier tour qui deviendra l’excellent défenseur Glen Wesley (lui-même échangé plus tard contre trois choix de premier tour !). Avec son style rugueux, ses trois saisons de 50 buts et sa capacité à battre Patrick Roy, Neely a été l’une de mes idoles absolues dont j’ai encore l’affiche dans mon bureau. Retraité à 30 ans à cause de ce salaud d’Ulf Samuelsson, Neely est aujourd’hui le président tout-puissant des Bruins, dont l’intensité légendaire sur la galerie de presse fait le délice des caméras. Pederson, lui, fait un très bon analyste sur NESN, le réseau local des Bruins. Faire d’une pierre deux coups, et quel échange de Harry Sinden !

Simon-Olivier Lorange

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Richard Zednik et Jan Bulis

J’ai déjà évoqué plusieurs fois à quel point la période 1998-2001 avait été traumatique dans ma vie de jeune inconditionnel du CH. Des saisons pénibles au cours desquelles le Canadien perdait ses meilleurs joueurs et qui finissaient systématiquement en queue de poisson. Je me rappelle donc avec exactitude la transaction qui a marqué une cassure nette dans la morosité ambiante du nouveau millénaire : celle, orchestrée par le directeur général André Savard, qui a envoyé Trevor Linden, Dainius Zubrus et un choix de deuxième tour aux Capitals de Washington en retour de Richard Zednik, de Jan Bulis et d’un choix de premier tour (devenu Alexander Perezhogin). Un coup de maître qui a permis au Canadien de se rajeunir instantanément et de s’améliorer à moyen terme. Fait rare à cette époque pour un joueur qui passait par Montréal, Zednik y a connu les meilleures années de sa carrière. Et Bulis, lorsqu’on a pu lui donner un rôle plus secondaire avec l’arrivée de joueurs de qualité, a lui aussi rendu de fiers services. Notamment celui d’avoir redonné un peu d’espoir à des partisans qui en avaient bien besoin.

Jean-François Tremblay

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Dwight King et Andreas Martinsen

Je ne crois pas avoir été aussi choqué par des transactions que par celles qui sont venues polluer le Canadien au début de l’année 2017. En premier, Marc Bergevin est allé chercher Nikita Nesterov, pour donner un solide avant-goût des choses à venir. Puis ç’a été Jordie Benn, à qui nous accorderons un peu de répit toutefois pour services rendus. Puis est arrivé Brandon Davidson, que l’on nous présentait comme habile pour la première passe, qualité que l’on attend toujours. Mais le meilleur était à venir. En ce fatidique 1er mars 2017, Bergevin est allé chercher Andreas Martinsen, Dwight King et Steve Ott dans ce qui restera certainement l’acquisition d’un trio de joueurs la plus inutile de l’histoire du hockey. À croire que personne chez les dépisteurs professionnels du CH n’avait accès au câble. L’arrivée de King aura au moins permis à Claude Julien de déclarer qu’il avait comme plus grande qualité de « savoir quand faire les changements de lignes ». Malgré une saison potable, et bien qu’il ait terminé premier de la division Atlantique, le Canadien a été renversé par les Rangers au premier tour des séries. Bien mérité.

Jean-François Téotonio

PHOTO FOURNIE PAR LES FOREURS DE VAL-D’OR

Patrice Bernier avec les Foreurs de Val-d’Or, dans la LHJMQ

Cette rubrique veut que l’on opère dans l’insolence, alors c’est ce que je vais faire. La transaction la plus marquante de l’histoire du hockey, c’est celle de Patrice Bernier qui, à l’âge de 18 ans, a troqué ses patins de hockey pour devenir joueur de soccer à temps plein. Il partageait son temps entre les deux sports à l’époque. Cette transaction, qui implique moins des salaires et des espoirs que de véritables choix de vie, a changé l’histoire du soccer – et potentiellement du sport – au Québec. Bernier a été défenseur pour les Foreurs de Val-d’Or dans la LHJMQ pendant une saison et demie avant d’être échangé aux Faucons de Sherbrooke lors de la saison 1997-1998. Cette transaction, presque aussi importante que celle qui suivra dans la vie du jeune Patrice, a sonné le glas de sa carrière de joueur de hockey. On lui dit alors qu’il n’a pas le profil recherché par les équipes de la LNH. Il enfile donc ses crampons pour ne plus les enlever. Ils le mèneront dans plusieurs pays d’Europe, dans les championnats internationaux de la CONCACAF avec le Canada, et à un retour avec l’Impact de Montréal en 2012. Pour plusieurs, il est encore le visage du soccer au Québec, même après sa retraite en 2017. Transaction marquante s’il en est une. À ce sujet, le livre Patrice Bernier, maître de son destin, biographie écrite par mon collègue Mathias Brunet, regorge d’informations intéressantes. Plogue qui ne se veut pas du tout subtile.

Miguel Bujold

PHOTO GEORGE WIDMAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Eric Lindros

J’ai commencé à prendre pour les Flyers de Philadelphie en 1985, quelques mois avant la mort tragique de Pelle Lindbergh. Pas parce qu’ils étaient robustes. J’appréciais l’intensité dans leur jeu, mais c’était aussi en raison de Lindbergh, l’un des bons gardiens de la LNH de l’époque. Après plusieurs belles saisons, dont deux qui se sont finies en finale contre Wayne Gretzky et les Oilers d’Edmonton, les Flyers avaient vieilli et ne s’en allaient nulle part au début des années 1990. C’est ce qui les a convaincus d’échanger la moitié de leur club aux Nordiques pour mettre la main sur Eric Lindros. Comme la plupart des Québécois, je ne portais pas trop Lindros dans mon cœur il y a une trentaine d’années. Quelques décennies plus tard, on a toutefois appris que c’était bel et bien parce qu’il ne voulait pas jouer pour Marcel Aubut que Lindros avait refusé de se joindre aux Nordiques, ça n’avait rien à voir avec le Québec. Lindros a même marié une Québécoise. À son apogée, Lindros était l’un des joueurs les plus dominants de l’histoire de la LNH. Mais Peter Forsberg, Mike Ricci, Ron Hextall, Steve Duchesne, Chris Simon, Kerry Huffman et deux choix de premier tour, c’était un peu trop cher payé…