Avant de s’engager sur la route principale menant à Saint-Ferréol-les-Neiges, il y a le mont Sainte-Anne. Juste là, sur la gauche, après la courbe. Cet immense phare qui sort du paysage et qui est devenu avec le temps un incontournable pour les sportifs de la région. Au bas de la pente, des chalets, des lumières, de la neige. Sauf qu'un nuage gris s’est installé au-dessus des pentes. Celui de Resorts of the Canadian Rockies (RCR).

Le mont Sainte-Anne n’est pas situé géographiquement et officiellement à Saint-Ferréol. Il est à Beaupré, la municipalité voisine, située à moins de dix minutes en voiture. Il n’en demeure pas moins que par leur immensité et leur accessibilité, la montagne et son complexe environnant touchent aussi aux Saint-Ferréolais. L’activité économique du village tourne en très grande partie autour du mont.

Beaucoup d’employés y habitent et de nombreux vacanciers viennent s’y déposer. Aussi, selon l’endroit où on habite au village, le mont est accessible sans même avoir besoin de la voiture.

Et encore, il s’agit ici seulement de la montagne. Les pistes de ski de fond et de vélo de montagne, qui font partie du complexe, sont quant à elles directement à Saint-Ferréol.

Or, la Ville et ses habitants sont au cœur d’un litige et de négociations depuis des années avec le groupe albertain propriétaire de toute la station, Resorts of the Canadian Rockies, et le gouvernement du Québec.

Selon ce qu’a expliqué la mairesse de Saint-Ferréol-les-Neiges, Mélanie Royer-Couture, RCR a signé un contrat extrêmement solide avec le gouvernement en 1994, rendant les investisseurs propriétaires de ce gigantesque terrain appartenant, à l’origine, à la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ).

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L’inconvénient majeur, c’est que malheureusement, ces propriétaires n’ont pas nécessairement l’intérêt ou l’envie d’investir dans les infrastructures du mont Sainte-Anne.

Le complexe en a d’ailleurs subi les contrecoups dernièrement : problème de fonctionnement des télécabines, lacunes sur le plan de l’enneigement, remonte-pentes défectueux, chalets mal entretenus et négligence du traçage des pistes de ski de fond et de vélos à pneus surdimensionnés, notamment.

Dans les 30 dernières années, il n’y a pas eu de développement. Les gens commencent à revendiquer, parce que la montagne qui attire le tourisme n’est plus à jour du tout.

Mélanie Royer-Couture, mairesse de Saint-Ferréol-les-Neiges

La mairesse espère pouvoir s’attaquer au problème avec efficacité les plus tôt possible.

Parmi ces gens qui revendiquent, il y a Yvon Charest, président de l’organisme à but non lucratif Les Amis du mont Sainte-Anne, qui souhaite entre autres faire réagir les membres du gouvernement.

Le contrat lié au complexe est scindé en deux parties. La première, qui inclut la montagne, est intouchable jusqu’en 2093. Pour le côté est, regroupant les pistes de ski de fond, de vélo de montagne et le terrain de camping, le gouvernement doit décider en 2024 s’il reconduit ou non son bail avec la SEPAQ. Sinon, il reprend les clés en 2029.

Selon la mairesse, « ce que les citoyens souhaitent, c’est que ce ne soit pas redonné en contrat à un privé, mais plutôt que ce soit géré par la communauté ».

Les citoyens s’occupent déjà d’entretenir les pistes bénévolement 12 mois sur 12. À leur avis, ce serait logique que ces parcelles de terrain leur reviennent, car c’est eux qui s’en occupent déjà en grande partie de toute façon. Sinon, personne ne le ferait.

Partenaires malgré tout

Même si la gestion du groupe RCR ne plaît pas nécessairement aux gens de Saint-Ferréol, ils ne peuvent pas vraiment faire autrement que de travailler avec lui. Jusqu’à nouvel ordre, rien ne leur appartient officiellement.

Ce que souhaite la mairesse et les membres du conseil, c’est que tout le monde puisse trouver un terrain d’entente pour que les résidants et les touristes soient capables de profiter au maximum du superbe environnement qui les entoure.

L’investissement des propriétaires n’est peut-être pas à la hauteur des espérances des résidants, certes. Néanmoins, Mme Royer-Couture se voit mal interférer directement avec le travail d’un partenaire d’affaires aussi important pour la Ville : « On a besoin de leur service, on a besoin d’eux. »

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Le camp de jour municipal utilise le terrain du camping. Les résidants ont des ententes de journées de ski gratuites et d’accès à la montagne. « Donc je me vois mal, en tant que municipalité, être contre mon partenaire. Ça implique beaucoup de pourparlers et on est là-dedans actuellement », a-t-elle ajouté.

La mairesse et ses homologues des autres municipalités aimeraient que le projet d’entretien et d’investissement du complexe du mont Sainte-Anne soit porté et soutenu par la MRC de la Côte-de-Beaupré. Celle-ci inclut les municipalités de Saint-Ferréol-les-Neiges, Beaupré, Boischatel, Château-Richer, L’Ange-Gardien, Sainte-Anne-de-Beaupré, Saint-Tite-des-Caps, Saint-Joachim et Saint-Louis-de-Gonzague-du-Cap-Tourmente. Réunies, dans un monde idéal, ces administrations pourraient faire pression sur le gouvernement. Elles veulent que leur cause soit prise au sérieux.

En contrepartie, Mme Royer-Couture comprend que même si les résidants veulent que le mont Sainte-Anne soit à la hauteur de sa réputation et de son histoire, il ne faut pas non plus dénaturer le paysage et perdre l’essence de ce qui plaît aux gens, c’est-à-dire la nature et les grands espaces.

« Oui, on veut du développement, mais pas à n’importe quel prix, parce que c’est ce que veulent les gens de notre communauté. Ils veulent un développement durable, écologique et le conseil actuel essaie de se coller le plus possible aux désirs de la population », a-t-elle conclu.