Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Et vous, quel est votre avis? Écrivez-nous pour nous faire part de vos suggestions.

Richard Labbé

C’est assez facile de répondre à cette question, à mon humble avis. Le but (pas bon) d’Alain Côté, le patin de Brett Hull, Steve Bartman et les Cubs, tout cela est de la très petite bière par rapport à l’attrapé refusé à Dez Bryant. Contexte : 11 janvier 2015, Lambeau Field de Green Bay, finale de division dans la Conférence nationale. Les Packers ont une avance de cinq points, mais avec 4 min 43 s à faire au quatrième quart, et avec le ballon au 32 des Packers, les Cowboys de Dallas tentent de convertir un quatrième essai et deux verges à faire. C’est alors que Tony Romo, le plus grand quart avec pas de bague de tous les temps, lance une passe parfaite le long de la ligne de touche au receveur Bryant, qui réussit le catch du siècle à la ligne de un, un catch qui mènera peut-être à la victoire. Mais après avoir vu la reprise vidéo, les arbitres décident de se couvrir de ridicule et de renverser leur décision, à la grande surprise de toute personne qui possède des yeux. Les Cowboys ne s’en remettront jamais et perdront le match. À ce jour, « Dez Caught It » (« Dez l’a attrapé ») demeure une phrase populaire sur les réseaux sociaux. Trois ans plus tard (!), la NFL finira par admettre que l’attrapé était bon. Merci là.

Mathias Brunet

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Gottfried von Cramm durant un match à Roland-Garros, en France, le 3 juin 1936

En 1936, Gottfried Von Cramm représente aux yeux du régime nazi l’incarnation idéale du demi-dieu aryen propre à faire rêver la jeunesse allemande. Blond aux yeux bleus, élégant, deux fois champion à Roland-Garros, il est sollicité avec insistance par le régime à des fins de propagande. Mais cet aristocrate, aussi surnommé le baron Von Cramm en raison de sa grâce sur les courts, refuse systématiquement leurs avances. En 1937, Hitler refuse de l’inscrire à Roland-Garros pour défendre son titre. L’année suivante, les nazis l’arrêtent en plein souper familial pour l’accuser d’homosexualité et d’aide financière aux Juifs. On le condamne à un an de prison, avant de l’envoyer sur le front russe comme simple soldat. Il sera blessé, mais survivra à l’horreur de la guerre. Malgré son opposition à Hitler, il sera, comme tous les Allemands, proscrit de toutes les compétitions internationales de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1950. Il effectue un retour à Wimbledon en 1951 après une pause de 14 ans, mais perd au premier tour… à 42 ans.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Francis Bouillon en décembre 2008

Bon, ce n’est peut-être pas la plus grande injustice de toute l’histoire du sport, mais c’en est certainement une qui mérite une mention. La saison 2008-2009 du Canadien, celle du centenaire du club, a été une véritable catastrophe. La formation réunie par le directeur général Bob Gainey pendant l’été était prometteuse, mais une pléthore de mésaventures et de blessures a gâché ce qui devait être une campagne de célébration. Entré en séries éliminatoires de justesse, le CH a été balayé sans pitié et sans amour par les Bruins de Boston. L’injustice, la voici : à la surprise générale, lors du deuxième match, Gainey, entraîneur-chef par intérim à la suite du congédiement de Guy Carbonneau, a envoyé Francis Bouillon dans la mêlée. Le défenseur québécois, qui soignait des blessures à l’aine et à la paroi abdominale, n’avait pas joué depuis deux mois. Il n’avait pris part à aucun entraînement complet, se contentant d’une séance de patinage le matin du match. Le soir venu, l’expérience n’a pas été longue : après seulement 1 min 46 s de jeu, il a dû déclarer forfait. Quelques semaines plus tard, Gainey faisait table rase et laissait partir 10 joueurs autonomes sans compensation, dont Bouillon, qui n’a même pas reçu d’offre. En définitive, le faire jouer alors qu’il n’était pas pleinement rétabli était déjà hautement discutable, mais le jeter ensuite comme un vieux mouchoir, c’était, le mot est faible, injuste. Et probablement plein d’autres qualificatifs que nous garderons pour nous.

Nicholas Richard

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Chantal Petitclerc de retour des Jeux paralympiques de Pékin en septembre 2008

Le Fonds d’excellence des athlètes du Comité olympique canadien accorde une prime à ses médaillés olympiques. Un athlète qui remporte l’or reçoit 20 000 $, l’argent, 15 000 $, et le bronze, 10 000 $. En contrepartie, les médaillés paralympiques canadiens ne reçoivent aucune récompense financière. Zéro. Niet. Nada. Cette récompense est offerte seulement aux athlètes olympiques. Un non-sens absolu, une absurdité sans nom… une injustice de première. Imaginons un peu à côté de quoi sont passés les Chantal Petitclerc, Benoit Huot et Aurélie Rivard, qui ont respectivement gagné 21, 20 et 10 médailles paralympiques. Avant les Jeux de Tokyo l’été dernier, les États-Unis et l’Australie avaient annoncé que les primes de performance allaient être les mêmes pour les médaillés olympiques et paralympiques. Au Canada, « on croise les doigts pour Paris 2024 », m’a confié un médaillé paralympique…

Guillaume Lefrançois

PHOTO MIKE MCCARN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Colin Kaepernick (à droite) et Eric Reid, des 49ers' de San Francisco, posent un genou au sol pendant l’hymne national américain en septembre 2016.

En 2017, y avait-il vraiment 96 quarts supérieurs à Colin Kaepernick dans la NFL ? C’est ce dont les 32 équipes du circuit ont visiblement convenu, à l’unanimité en plus, parce que Kaepernick n’a jamais même signé de contrat depuis l’issue de la saison 2016. Cette année-là, Kaepernick avait présenté un coefficient d’efficacité de 90,7. C’était bon pour le 17e rang dans la NFL, devant des noms tels Blake Bortles, Brock Osweiler et Trevor Siemian. Est-ce à dire qu’il leur était tous supérieur ? Pas nécessairement, d’autant plus que Kaepernick montrait une fiche victoires-défaites de 1-11 en 2016, ce qui n’est pas optimal. Mais les 49ers formaient aussi la pire défense de la NFL, tant pour les verges que pour les points accordés. Le problème : Kaepernick est aussi celui qui a osé, le premier, poser un genou au sol pendant l’hymne national américain avant les matchs, afin de dénoncer les injustices raciales aux États-Unis. Kaepernick a déposé un grief contre la NFL pour collusion, et un arrangement à l’amiable a été conclu en février 2019.

Miguel Bujold

PHOTO WAYNE SCARBERRY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Doug Flutie, des Bills de Buffalo, en octobre 1999

Je pourrais vous parler d’Ali ou de Kaepernick, mais je vais garder ça léger. En 1998, les Bills croyaient avoir trouvé le successeur à Jim Kelly, le quart-arrière qui leur avait permis de connaître leurs plus belles années. Ils avaient envoyé le neuvième choix au total et leur choix de quatrième tour aux Jaguars en retour de Rob Johnson. Un ancien de USC, Johnson était le prototype du quart hollywoodien avec sa belle gueule et ses 6 pi 5 po. Mais en 1999, il a perdu trois de ses quatre premiers départs et s’est blessé à son cinquième. De retour dans la NFL après avoir dominé la LCF, Doug Flutie a pris la relève. Du haut de ses 5 pi 9 po, Flutie a gagné 8 de ses 11 matchs et a permis aux Bills de se qualifier pour les éliminatoires. Dans un dernier match qui ne voulait rien dire, les Bills ont fait jouer Johnson, ce qui n’avait rien d’anormal. Mais à la surprise générale, c’est à Johnson que les Bills ont donné le ballon pour leur match éliminatoire la semaine suivante. Flutie avait pourtant été éblouissant cette saison-là et méritait d’obtenir le départ. Résultat : défaite de 22-16 contre les Titans au Tennessee. Le fameux match du « Music City Miracle »… Pour leur incompréhensible et très injuste décision, les Bills ont eu ce qu’ils méritaient ! Le bon vieux Flutie, lui, n’a plus jamais retrouvé la magie de 1999. On ne le saura jamais, mais les Bills sont peut-être passés à côté d’un mois de janvier mémorable par leur faute.

Katherine Harvey-Pinard

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Lance Armstrong est venu courir sur le mont Royal en août 2012.

J’ai beaucoup de mal avec les tricheurs. Encore plus dans le sport. Encore plus quand ça implique du dopage. Encore plus quand… OK, on a compris. Je trouve l’histoire de Lance Armstrong épouvantable. Il a remporté sept Tours de France sur des substances interdites. Sept ! Je sais qu’on a beaucoup parlé de la culture du sport dans laquelle il a été entraîné, mais je n’ai pas pitié. On lui a retiré ses titres – heureusement –, mais il reste qu’il a pu vivre l’euphorie de la victoire chaque fois. Et, du même coup, priver des cyclistes non dopés (même s’ils se faisaient rares…) d’une telle euphorie. Et ça, je trouve ça injuste. Je m’arrête là.

Alexandre Pratt

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Roy Jones Jr en mars 2013 au Centre Bell

La défaite du boxeur Roy Jones Jr en finale olympique des Jeux de Séoul en 1988. Dans ce combat de trois rondes, Jones a atteint son adversaire sud-coréen 86 fois. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la boxe olympique, c’est énorme. Un coup réussi toutes les six secondes. Vraiment un duel à sens unique. Tout le monde a donné la victoire à Jones. Tout le monde… sauf trois des cinq juges. Énorme malaise. Les spectateurs ont hué la décision. « Je ne peux pas croire qu’ils te font ça », a lancé le boxeur sud-coréen à l’Américain. Il l’a même soulevé dans ses bras sur le ring. Les trois juges furent plus tard suspendus.

Jean-François Téotonio

PHOTO GARY HERSHORN, ARCHIVES REUTERS

Diego Maradona soulève le trophée de la Coupe du monde de 1986, au stade Azteca de Mexico, le 29 juin 1986.

Au soccer, une injustice qui transcende toutes les autres en est aussi une que la plupart des partisans affectionnent particulièrement. L’Argentine affrontait l’Angleterre en quart de finale de la Coupe du monde de 1986, au stade Azteca de Mexico. À la 51e minute, l’Argentin Diego Maradona effectue une de ses incomparables percées dans l’axe. Le ballon se rend jusqu’au défenseur anglais Steve Hodge, qui tente de le dégager en l’envoyant en lob vers son gardien. Maradona se propulse, saute pour rejoindre le ballon… et le frappe avec son poing, au-dessus de sa tête. 1-0, Argentine. Les Anglais sont furax. Maradona, au lieu de se faire offrir un carton jaune et de voir son but se faire refuser, célèbre. Cette espièglerie n’a d’égale que son éclair de génie, qui a frappé quatre minutes plus tard. Maradona faisait 2-0 à la 55e sur une course avec le ballon magistrale, cimentant du même coup sa légende. Gary Lineker allait répliquer de la tête à la 81e, pour une marque finale de 2-1. Quelle aurait été l’histoire de ce match si la main de Dieu, comme l’a si poétiquement décrit Maradona lui-même après la rencontre, n’avait pas sévi angéliquement ?