Au bout du fil, l’athlète paralympique Cindy Ouellet vient de terminer ses exercices de mobilité et de méditation du jour. On ne peut s’empêcher de lui poser une première question toute simple, mais qui prend toute son importance dans son cas : « Comment vas-tu ? »

« Ça va mieux », répond Ouellet, 32 ans, en laissant échapper un petit rire. En mars 2020, elle se préparait avec l’équipe nationale de basketball paralympique, dont elle est la capitaine, à participer à ses quatrièmes Jeux paralympiques d’été à Tokyo quand la COVID-19 a frappé. Pendant les semaines suivantes, l’athlète a continué de s’entraîner dans le gymnase de sa maison de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Mais au fil des semaines, la motivation s’est effritée. Les Jeux ont été reportés. Et peu à peu, Cindy Ouellet a sombré…

La jeune femme a toujours tenté de ne pas avoir « que le sport » dans sa vie. Elle donnait des conférences dans des écoles et des entreprises. Elle jouait du piano. Travaillait pour l’entreprise familiale de ses parents, Evo concept, qui fabrique des équipements de sport adapté, dont beaucoup de luges de ski de fond et de patin. « Mais tout a arrêté en même temps avec la pandémie. Pas juste le sport… », raconte Ouellet.

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Tomber…

Pour elle, le choc a été difficile à absorber. À la fin de l’été, rien n’allait plus. « Je suis tombée dans l’automutilation comme quand j’étais jeune », témoigne-t-elle. Qu’est-ce qui a déclenché tout ça ? « Une accumulation. Et ça ressemblait beaucoup à ce qui m’était arrivé plus jeune, avec mon cancer… »

À 12 ans, après qu’elle s’était blessée dans un camp d’entraînement de football, des médecins avaient découvert une tumeur dans son bassin. C’était un cancer. Elle a dû mettre une croix sur sa passion, le ski alpin, pour se soumettre à de nombreux et intenses traitements et interventions qui l’ont laissée avec une jambe gauche qui ne fonctionne plus comme avant. Les traitements et la réadaptation ont duré des années.

Prise dans ce tourbillon, Cindy Ouellet n’allait pas bien et a souffert de dépression. En plus d’être victime d’intimidation à son retour à l’école secondaire.

Avec les Jeux paralympiques de Tokyo annulés et sa vie mise sur pause à cause de la pandémie, Cindy Ouellet a retrouvé ce sentiment d’impuissance et de perte qu’elle avait si durement vécu à l’adolescence. La chute a été brutale.

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Je ne mangeais plus. J’ai perdu 10-15 lb. Je ne m’entraînais presque plus. […] À 15 ans, j’ai souffert de dépression. Je n’ai juste jamais réglé ça. Ça m’a vraiment remise là-dedans. Je pense que c’est plus ça, le déclencheur. Avec le report des Jeux, ça a fait déborder le vase.

Cindy Ouellet

Ses parents et son cercle d’amis proches s’en sont rendu compte. « J’ai des parents extraordinaires. Je suis enfant unique. Ils m’ont toujours soutenue. C’est eux qui m’ont dit : "Cin, on le sait que tu ne vas pas bien." »

Ses amis proches lui en ont aussi parlé. Et elle a décidé d’aller chercher de l’aide. « La différence, c’est que cette fois-ci, à 32 ans, j’ai voulu m’aider moi-même. »

… pour mieux se relever

Cindy Ouellet a obtenu de l’aide psychologique notamment grâce à ses équipes paralympiques. Elle se dit « chanceuse ». Mais « il y a toujours du monde qui est là pour toi, même si tu penses que tu es seul au monde à vivre ça », dit-elle.

L’athlète parle notamment de l’organisme Sport’Aide, dont elle est porte-parole. L’organisme travaille à offrir un milieu sportif sain pour les jeunes et offre notamment un service d’écoute et d’accompagnement.

En avril, Radio-Canada a publié un reportage dans lequel elle racontait son histoire. A-t-elle hésité à en parler publiquement ?

En octobre, je n’étais pas prête. C’était un reportage difficile à faire. Montrer tes vulnérabilités, ce n’est pas facile. Pas pour moi. J’ai tout le temps eu une carapace assez dure et je n’ai jamais montré mes émotions quand ça ne va pas bien.

Cindy Ouellet

Mais comme porte-parole et conférencière à Sport’Aide, elle parle souvent d’intimidation. De santé mentale. Pourquoi ne pas donner l’exemple ? « Le moule Sport’Aide m’a aidée moi-même en me montrant que d’aller chercher de l’aide, c’est correct. Je me suis dit : "Pourquoi je ne raconterais pas mon histoire ?" Je me sentais prête à parler de la situation actuelle vu qu’il y a plein de gens qui la vivent. Parler de ça dans cinq ans, ce sera encore bon. Mais là, c’est très actuel », dit-elle.

Depuis le reportage, Ouellet a reçu de nombreux témoignages la confortant dans sa décision. « C’est le fun de faire un impact dans une année aussi difficile. »

La suite

Depuis janvier, Cindy Ouellet va mieux. Elle a repris l’entraînement. Après notre entretien, la jeune femme a fait deux heures de basketball et une heure et demie d’entraînement cardiovasculaire. Elle a ajouté, depuis l’automne, de la méditation à son programme.

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Depuis janvier, Cindy Ouellet va mieux et a repris l’entraînement.

Son défi actuel : rester motivée. « Avec les Jeux, on ne sait pas ce qui va se passer. Mais il faut se préparer », dit celle qui évolue à la position de point guard.

L’équipe canadienne de basketball paralympique fait partie des six meilleures équipes du monde. « On a vraiment des chances de médaille. On a une équipe très complète. On est 12 leaders. C’est la première fois qu’on est 12 qui peuvent jouer n’importe quelle minute, contre n’importe quelle équipe. »

Dans deux semaines, l’équipe canadienne sera pour la première fois réunie en entier à Toronto. L’objectif est d’y rester tout l’été en prévision des Jeux. Après Tokyo, Ouellet compte aussi retenter sa chance de se qualifier pour les Jeux paralympiques d’hiver en ski paranordique. À PyeongChang, elle avait participé aux épreuves de 12 km, 5 km et 2,5 km, devenant la première athlète paralympique à évoluer dans des Jeux d’été et d’hiver. Et après ? Cindy Ouellet compte bien terminer son doctorat à l’Université Laval.

Mais avant, quelques heures après notre entretien, Cindy Ouellet se préparait à participer au gala Femmes d’influence de l’organisme Égale Action, comme présidente d’honneur.

Elle va mieux.

Besoin d’aide ?

Pour joindre Sport’Aide : 1 833 211-AIDE (2433)

https://sportaide.ca/besoin-daide/

Si vous avez besoin de soutien ou avez des idées suicidaires, vous pouvez appeler le numéro sans frais suivant pour parler à quelqu’un : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)