Le report des JO de Tokyo a été l’occasion d’une remise en question pour la plongeuse Caeli McKay. L’Albertaine de 21 ans fait part de ses réflexions à la veille de la Coupe du monde qui s’ouvre samedi dans la capitale japonaise.

À l’ombre de la tour, Caeli McKay priait les juges en attendant le dévoilement du classement. « Dites deuxième, dites deuxième », se répétait la plongeuse comme un mantra. 

Le duo qu’elle formait avec Meaghan Benfeito a plutôt hérité du troisième rang au 10 m synchro des Championnats du monde de Gwangju, en juillet 2019. Avec la paire chinoise encore à venir, le podium devenait inaccessible, tout comme le ticket olympique garanti qui l’accompagnait.

McKay et Benfeito ont terminé quatrièmes, à moins d’un point des Américaines. Une note de 7 au lieu de 7,5 de la part d’un seul juge aurait changé la donne.

McKay s’est mise à pleurer. Très fort. Elle ne s’est pas arrêtée avant le lendemain matin. « J’en fais encore des cauchemars », a dit l’Albertaine la semaine dernière.

« J’avais l’impression que tout était de ma faute. Je ne pensais qu’à ce que j’avais raté, ce qui n’était pas une grosse erreur. J’avais un peu manqué un de mes plongeons et Meg avait un peu manqué un de ses plongeons. Avec le recul, j’ai compris qu’on formait une équipe. Si l’une manque son coup, on manque notre coup toutes les deux. Ce n’est la faute de personne et ça arrive. Mais c’était vraiment dur, crève-cœur. Je n’avais jamais vécu un tel sentiment de toute ma vie. »

Théoriquement, McKay et Benfeito auraient dû pouvoir se reprendre à la Coupe du monde de Tokyo en avril 2020. Avec la pandémie, l’attente s’est prolongée d’un an. Après un report et la menace d’une annulation pure et simple dans le contexte d’un nouvel état d’urgence dans la capitale japonaise, l’évènement aura finalement lieu à partir de samedi (vendredi soir, heure de Montréal).

Disputée sans spectateurs, cette compétition servira d’épreuve-test pour les JO et de dernière qualification pour les pays. Vu la situation sanitaire, l’équipe australienne a déclaré forfait. Anabelle Smith et Maddison Keeney, médaillées de bronze à Rio en 2016, ont exprimé leur consternation sur leurs réseaux, reprochant à la Fédération internationale de natation son manque de « fair-play » en décidant d’aller de l’avant avec la Coupe du monde dans ces conditions.

Les Canadiennes viseront l’une des quatre places olympiques encore libres sur huit au 10 m synchro (préliminaires samedi 21 h, finales dimanche 3 h). Elles s’élanceront également à la plateforme individuelle. En terminant respectivement sixième et septième à Gwangju, Benfeito et McKay ont garanti au Canada le maximum de deux partantes aux JO.

Pour McKay (prononcez Mec-kaï), ce résultat a représenté une véritable prise de conscience de son potentiel après sa déconvenue en synchro.

J’ai eu une perspective d’où je me situais dans le monde et à quel point je pouvais être compétitive. En demi-finale, je me suis classée troisième. “Wow, je peux faire ça ! Je ne suis pas que première ou deuxième au Canada, je peux rivaliser avec les Chinoises.” Ç’a été un énorme tournant sur le plan de la confiance.

Caeli McKay

McKay a poursuivi sur sa lancée avec une médaille d’or (synchro) et d’argent (10 m individuel) aux Jeux panaméricains de Lima.

Un nouveau plongeon

Comme pour tous les athlètes, l’incertitude de la dernière année a été pénible pour la native de Calgary. Remonter sur une plateforme de 10 m après trois mois d’arrêt n’a rien d’évident, et pas seulement pour le corps. « Même si on a l’air tous naturels à faire ça, ça demande beaucoup de travail mental. Et ça fait peur en maudit ! »

L’équipe canadienne a dû stopper ses activités deux semaines à deux autres reprises en raison d’un résultat positif ou de sa présomption dans son entourage à l’Institut national du sport du Québec à Montréal.

Malgré tout, McKay estime être « dans une bien meilleure position » en tant que plongeuse qu’en mars 2020. Elle a profité de la dernière année pour ajouter un nouveau plongeon à sa liste, le trois et demi renversé, qu’elle avait baptisé en compétition à l’étape des Séries mondiales de Montréal, en février 2020. Son coefficient de difficulté, qui sert de multiplicateur, est de 3,4 plutôt que 2,8 pour le deux et demi renversé.

« C’est un plongeon qu’aucune autre fille ne fait au Canada. Il n’y a qu’Émilie Heymans qui l’a fait. Je crois qu’on est seulement deux à l’exécuter dans le monde à l’heure actuelle. J’ai eu beaucoup plus de temps pour le répéter que j’en aurais eu normalement. »

« Rien ne peut nous enlever ce qu’on a réussi »

Au-delà de la technique, Caeli McKay s’est servie de cette pause forcée pour revoir son rapport au sport et aux Jeux olympiques.

J’étais le genre d’athlète qui mettait ses succès de côté, peu importe lesquels. Je ne les appréciais ou ne les savourais jamais vraiment. Les Jeux panaméricains, les Championnats du monde, je ne les appréciais pas. Ce n’était qu’un pas de plus vers les Jeux olympiques.

Caeli McKay

Le retrait du Canada et le report subséquent des JO de Tokyo, en mars 2020, l’ont donc mise « en colère ». « À mes yeux, c’est ce qui me donnait de la valeur. Et tout ce que je faisais chaque jour, c’était pour les Jeux olympiques. »

Ce n’est plus le cas, assure McKay.

« Si les Jeux n’arrivent pas et si je n’y vais pas avec Meg, ça n’enlève pas de mérite ou de valeur à notre carrière. Rien ne peut nous enlever ce qu’on a réussi au cours des quatre dernières années. On est une très bonne équipe. Ce n’est pas parce qu’on ne va pas aux Jeux olympiques qu’on a perdu notre temps. »

Au moment où l’incertitude entourant les JO continue d’alimenter les fils de presse, sa réflexion est plus d’actualité que jamais.

Caeli McKay en bref

Âge : 21 ans

Ville d’origine : Calgary

Ville de résidence : Montréal

Entraîneuse : Yihua Li

Championnats du monde 2019 : 4e au 10 m synchro ; 7e au 10 m ind.

Jeux panaméricains 2019 : Or au 10 m synchro (avec Meaghan Benfeito) ; argent au 10 m ind.

Championne canadienne au 10 m ind.

Jeux du Commonwealth 2018 : argent au 10 m synchro (avec Benfeito)

Coupe du monde 2018 : bronze au 10 m synchro (avec Benfeito)