Coécrit par la journaliste Diane Sauvé, le livre Commotions cérébrales – Dix personnalités témoignent, des scientifiques expliquent paraît ce jeudi. Parmi la dizaine de participants se trouve la boxeuse Marie-Eve Dicaire. Extraits et entrevue.

En 10 pages à peine, le récit de la commotion de Marie-Eve Dicaire compte une multitude de passages frappants.

« Mais, cette fois-là, quelque chose ne tournait pas rond. Je vais courir et je ne sens pas mes jambes. »

« Le pire, c’est que les membres de mon équipe n’y croyaient pas. Ils me l’ont avoué beaucoup plus tard. Quand ils m’ont prise en charge, avec les traitements, leur objectif principal était de me redonner une qualité de vie. Boxer de nouveau ? Rien de moins sûr. »

Ou encore :

« Je ne vis pas au pays des licornes. Même si je dis que je suis revenue à la normale, ce n’est pas tout à fait vrai. Mon style de vie n’est pas sans conséquence et la commotion a laissé des traces. J’ai de la difficulté à me concentrer. Je suis incapable de supporter la musique. Elle me semble toujours trop forte. Moi qui aimais sortir dans les bars, c’est fini. Ce n’est plus possible. Et le soleil ? Je ne peux pas conduire sans mes verres fumés. Ça me fait trop mal aux yeux. »

N’empêche que ce qui subsiste de cette commotion subie à l’entraînement en octobre 2014, à six jours des championnats canadiens – coup d’envoi de la qualification olympique –, n’est rien en regard de ce qu’elle a traversé dans les mois qui ont suivi celle-ci.

J’étais complètement dépourvue. Je n’étais plus l’ombre de moi-même.

Marie-Eve Diciaire

Elle dormait beaucoup, ne pouvait plus s’occuper de l’école de karaté qu’elle possédait à l’époque.

Un médecin omnipraticien lui avait suggéré une approche générale – vague –, lui disant d’y aller progressivement, à son rythme, rapporte-t-elle dans l’ouvrage.

« Mais je suis le pire baromètre parce que dès que j’allais un peu mieux, j’allais courir, boxer et je reculais sans cesse. Je recrashais continuellement. »

Jusqu’au jour où elle a rencontré David Tinjust, docteur en neurosciences, qui lui a soumis un protocole précis et personnalisé.

Dès lors, elle a été suivie et conseillée adéquatement, affirme-t-elle. Le chapitre du livre qui lui est consacré s’intitule d’ailleurs « J’ai été chanceuse d’avoir mon équipe d’intervenants ».

Message d’espoir

Avant d’acquiescer à la demande de Diane Sauvé, Marie-Eve Dicaire n’avait jamais abordé dans le détail cet épisode de sa vie, « qui a été très difficile ». C’est un sujet délicat. En particulier pour une boxeuse.

« Parce qu’il y a toujours aussi le côté jugement : ‟Voyons, tu as vécu ça et tu veux encore boxer ?” Et, pour moi, c’est fatigant parce que je sais que la santé reste ma priorité. Si je n’avais pas eu l’accord du DTinjust, non, je ne serais pas retournée dans le ring, assure-t-elle. Je sais qu’on le fait en pleine connaissance de cause et avec toutes les précautions nécessaires. »

Par ailleurs, elle soutient avoir beaucoup appris de cette épreuve qui l’a changée – pour le mieux – et a fait d’elle une meilleure athlète.

Il faut connaître le contexte. Lors de cet entraînement de 2014, son coach a demandé aux gars qui s’entraînaient avec elle d’ouvrir la machine. Pour la tester. Après l’évènement, elle lui en a d’abord voulu. Ensuite, elle s’en est voulu à elle-même d’avoir persisté, par témérité et orgueil, après avoir été ébranlée.

« Ça a été un signal d’alarme. À cette époque, j’étais comme Superman dans ma tête. J’ai encore cette confiance, mais avant de faire quelque chose, je me pose les bonnes questions et je n’hésite pas à faire un pas en arrière ou de côté si j’ai besoin de le faire », confie-t-elle.

Marie-Eve Dicaire dit avoir accepté de témoigner pour « livrer un message d’espoir ».

Je suis quand même devenue boxeuse professionnelle et championne du monde après ça.

Marie-Eve Dicaire

« Apporter du réconfort à celles et ceux qui ont subi une commotion cérébrale » est d’ailleurs l’objectif avoué des auteurs, lit-on au dos de l’ouvrage.

Les autres personnalités interviewées sont Martin Bédard, Alexandre Despatie, Simon Gagné, Heidi Hollinger, Joé Juneau, Élyse Marquis, Isabelle Richer, Marianne St-Gelais et Sébastien Toutant.

Les coauteurs sont Veronik Sicard, Ph. D., et William Archambault, M. Sc., en collaboration avec le DDave Ellemberg, neuropsychologue.

À la fin des chapitres se trouvent ainsi des encadrés nommés « L’angle scientifique », qui répondent à quelques questions sur chacun des cas. Une excellente idée.

PHOTO FOURNIE PAR FLAMMARION QUÉBEC

Commotions cérébrales – Dix personnalités témoignent, des scientifiques expliquent

Commotions cérébrales – Dix personnalités témoignent, des scientifiques expliquent
Diane Sauvé, Veronik Sicard et William Archambault, avec la collaboration du DDave Ellemberg, neuropsychologue
Flammarion Québec
238 pages

Remonter en selle

PHOTO CARLOS OSORIO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Claressa Shields et Marie-Eve Dicaire le 5 mars dernier

On a appris la semaine dernière que Marie-Eve Dicaire (17-1) serait de retour dans le ring le 18 juin, trois mois seulement après sa défaite sans équivoque contre l’Américaine Claressa Shields. Une nouvelle qui a à la fois surpris et ravi la Québécoise, pressée de tourner la page sur son revers. « C’est un peu comme un accident de cheval. Je suis tombée, il faut remonter tout de suite. » Elle affrontera la super-mi-moyenne suédoise Patricia Berghult (14-0, 3 K.-O.) pour le titre du WBC. Ce duel sera présenté en demi-finale du premier combat de championnat du monde de la nouvelle catégorie des super-lourds-légers du WBC, entre le protégé de GYM Óscar Rivas (27-1, 19 K.-O.) et l’Américain Bryant Jennings (24-4, 14 K.-O.). Par ailleurs, le promoteur Yvon Michel projette de ramener Kim Clavel – tout juste sortie de Big Brother Célébrités – dans l’arène le 20 août, au stade IGA. « Toutes les démarches administratives requises sont en marche », nous a-t-il fait savoir par message texte. Finalement, toujours chez GYM, Wilfred Seyi prendra part en juillet à ses deuxièmes Jeux olympiques, à Tokyo.