Dans la NCAA, Cole Caufield domine la compétition. Non, mieux que ça.

Il l’écrase.

Ses statistiques cette saison sont vertigineuses. 30 buts en 31 matchs. C’est exceptionnel. C’est quand la dernière fois qu’un joueur de moins de 20 ans a réussi autant de buts par partie dans le circuit universitaire ? Attendez… Je recule… Ce ne sera pas long… Patientez… Une petite minute s’il vous plaît… Ah, voilà ! La dernière fois, c’était Joe Nieuwendyk.

En 1986.

Cole Caufield n’était pas né.

Pas surprenant que les partisans du Canadien l’acclament. Le réclament. Soient prêts à lui confier les clés de la ville, de leur maison, de leur auto ainsi que leurs trois premiers enfants. Caufield semble être la solution tout indiquée pour relancer Nick Suzuki, Jesperi Kotkaniemi, Phillip Danault, la première vague en supériorité numérique et les espoirs de gagner la Coupe Stanley.

Et ça, c’est juste pour ce printemps.

Ouf.

Comment vous dire ça ? Ce n’est pas, comme… trop ?

Trop d’espoirs. Trop d’attentes. Trop de certitudes. Trop vite.

Cole Caufield deviendra probablement un bon marqueur dans la Ligue nationale. Peut-être même le meilleur de sa génération chez le Canadien. Mais à court terme, d’ici la fin de la saison, il lui sera difficile de combler les attentes démesurées des amateurs.

La NCAA n’est pas la LNH. Ni même la Ligue américaine. C’est un circuit avec de grandes disparités entre les trios, les équipes, les conférences. Un exemple ? L’Université du Wisconsin – celle de Caufield – a réussi presque trois fois plus de buts que Michigan State. Des écarts qu’on ne constate pas dans la LNH. C’est pourquoi il est si difficile de prédire la production d’un joueur universitaire qui s’apprête à faire le saut chez les pros.

Le DG du Canadien, Marc Bergevin, a effleuré le sujet, il y a quelques jours, lorsqu’on lui a demandé si Caufield était mûr pour jouer dans la LNH. « C’est impossible à dire tant qu’on ne le voit pas avec d’autres joueurs de la LNH. Mais avec l’amélioration de son jeu sans la rondelle, il peut nous aider, et non pas nous faire mal. »

Cela dit, c’est quand même possible d’avoir une petite idée de l’impact que pourrait avoir Cole Caufield s’il se joignait au Tricolore d’ici la fin de la saison.

Comment ?

En analysant la production des hockeyeurs repêchés la même année que lui, en 2019. Des joueurs que Cole Caufield a côtoyés ou affrontés sur la scène internationale, comme Jack Hughes, Trevor Zegras et Dylan Cozens.

Premier constat : vous risquez d’être déçu. C’est la pire cohorte de l’histoire récente pour la saison R + 1 (une année après le repêchage). Tous les joueurs ensemble n’ont réussi que 24 buts cet hiver1. C’est vraiment très peu. Pour vous donner une idée, au même âge, Andrei Svechnikov en a inscrit autant à lui seul…

Vous allez me répondre que nous sommes dans une saison écourtée. Que les recrutés de 2019 ont disputé moins de parties que ceux des cohortes précédentes. Et vous savez quoi ? Vous avez tout à fait raison. Alors on va oublier les totaux. On va plutôt se concentrer sur les moyennes.

Ça donne quoi ?

C’est tout aussi mauvais.

Traduction : depuis 10 ans, les repêchés de 2019 sont ceux qui ont eu le moins d’impact à leur saison R + 1. Même l’infâme cohorte de 2012, menée par Nail Yakupov et Alex Galchenyuk, produisait davantage. Le pire, c’est en supériorité numérique. Savez-vous combien de buts les 2019 ont inscrits en surnombre ?

Quinze ?

Baissez.

Dix ?

Baissez encore.

Cinq ?

Même pas.

Seulement trois.

Soit autant que Brendan Gallagher.

Pourtant, la cohorte 2019 ne manque pas de joueurs surdoués. Souvenez-vous du dernier Championnat mondial junior. Trevor Zegras (Ducks) et Dylan Cozens (Sabres) y ont fait des ravages. Le premier y a inscrit 18 points. Le deuxième, 16. Les deux étaient nettement de meilleurs joueurs que Cole Caufield (5 points).

Or, leur transition vers la LNH est ardue. Même si Zegras et Cozens évoluent sur les deux premiers trios et en supériorité numérique, on voit rarement leurs noms dans les sommaires. Zegras n’a qu’un seul but en 14 matchs. Cozens ? Seulement 6 points en 23 rencontres. Le prodige Byron Byram, meilleur défenseur du Canada au Championnat mondial junior, est toujours en quête de son premier but après 19 parties.

C’est pourquoi j’invite à la prudence avec Cole Caufield. Oui, ses statistiques dans la NCAA sont encourageantes. Oui, son potentiel à moyen terme est excitant. Mais dans l’immédiat, la marche entre la NCAA et la LNH est haute. C’est déjà difficile de jouer dans la Ligue nationale à 20 ans. Ce l’est encore plus de débarquer dans une nouvelle équipe, dans un nouveau pays, sans repères, à la fin d’une saison.

Un conseil ?

Ajustez vos attentes en conséquence.

1. Toutes les statistiques sont en date de vendredi.