Au début de février, des judokas de Gatineau et de Baie-Comeau se sont affrontés devant plus de 1000 personnes – sans jamais se toucher. La semaine dernière, une nageuse québécoise a été déclarée championne du US Open alors qu’elle magasinait avec sa mère… à Montréal !

Non, cette chronique n’a pas été écrite sous l’influence du LSD. Ni de champignons magiques. Ces deux histoires sont véridiques. Elles reflètent une nouvelle réalité des athlètes, un an après le début de la pandémie.

Partout dans le monde, les fédérations sportives s’adaptent. Elles trouvent des solutions pour présenter des compétitions, dans le respect des contraintes de déplacement, de rassemblement et de distanciation physique. C’est pareil ici. Du hockey au plongeon, voici un tour d’horizon des initiatives les plus originales au Québec.

HOCKEY

SAISIE D'ÉCRAN TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DES CANTONNIERS DE MAGOG

Un concours d’habiletés pour les joueurs des Cantonniers de Magog

Dans la Ligue de hockey midget AAA, les entraînements sont permis. Mais pas les parties. Sans perspective de matchs à court terme, les joueurs avaient besoin d’un nouveau défi. Gaston Therrien, analyste à RDS et gouverneur des Riverains du Collège Charles-Lemoyne, a eu un éclair de génie.

Un concours d’habiletés.

Comme au match des Étoiles de la LNH. Mais chacun dans son coin de pays. Les patineurs participent à quatre épreuves individuelles : le tir le plus puissant, les tirs les plus précis, le tour de glace le plus rapide et la plus belle feinte. Les gardiens, eux, doivent atteindre des cibles placées sur la glace et marquer dans un filet désert. Chaque performance est chronométrée, calculée, validée et filmée par les entraîneurs. Le tout dans le respect des règles sanitaires.

VOYEZ LE CONCOURS D’HABILETÉS DES CANTONNIERS DE MAGOG :

La première étape du concours – à l’intérieur de chaque club – vient tout juste de prendre fin. Ç’a été un immense succès, estime le président de la ligue, Yanick Lévesque. « Les jeunes sont super contents. Ils publient leurs performances sur les réseaux sociaux. Tout le monde a tripé ! »

La ligue souhaite maintenant réunir tous les gagnants dans un même aréna pour une finale provinciale, le printemps prochain, si les conditions sanitaires sont favorables.

JUDO

SAISIE D’ÉCRAN TIRÉE D'UNE VIDÉO

Une image de la vidéo du Challenge interclubs de judo-fit

Des combats de judo virtuels ? Oui, ça existe.

Ça s’appelle le judo-fit. C’est fortement inspiré du Crossfit. « Dans ce sport, ça fait déjà longtemps que les athlètes peuvent se qualifier pour une compétition en filmant leurs performances », explique Patrick Kearney, président de Judo Québec.

Comment ça fonctionne ?

Chaque judoka reçoit une séquence précise de mouvements à effectuer. Par exemple : cinq redressements assis et cinq burpees, suivis d’un geste technique de judo. Il a deux semaines pour s’entraîner. Le jour de la compétition, il doit réussir le plus de répétitions possible, en un court laps de temps, dans une zone d’un mètre carré. Au même moment, ailleurs au Québec, un adversaire effectue exactement la même séquence. Tout est filmé et diffusé en direct sur le web. Les juges s’assurent à distance que tous les gestes sont parfaitement exécutés, puis déclarent un gagnant.

REGARDEZ LE CHALLENGE INTERCLUBS DE JUDO-FIT

Le premier tournoi, présenté il y a un mois, a été un grand succès. « À un moment donné, raconte Patrick Kearney, plus de 1000 personnes regardaient l’évènement en direct sur l’internet. Ça ne remplace pas les combats, mais ça permet de garder les jeunes motivés. »

NATATION ARTISTIQUE

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jacqueline Simoneau, à gauche, et sa partenaire Karine Thomas, à droite, quelques mois avant les Jeux de Rio, en 2016

Jacqueline Simoneau, espoir olympique, vient tout juste d’être déclarée championne du US Open. Elle l’a appris lors d’une séance de magasinage avec sa mère… à Montréal !

Comment est-ce possible ?

« Cette année, m’explique-t-elle, les épreuves internationales sont virtuelles. Nous devons filmer nos prestations à des dates et des heures précises, dans une piscine près de chez nous. Pour le US Open, par exemple, ça s’est passé en janvier. À exactement 13 h, les organisateurs m’ont envoyé un numéro de code. Je devais l’inscrire sur un morceau de papier et le montrer à la caméra. Pour prouver que la séquence n’était pas préenregistrée. J’avais ensuite une heure pour filmer ma performance et la télécharger sur une application. »

Une opération stressante. « Il fallait avoir des plans B, C, D et E, au cas où le WiFi plante, par exemple. » Les juges notent ensuite, à distance. C’est long. Très long. D’autant qu’avant de dévoiler les résultats, les organisateurs font un montage vidéo destiné à la webdiffusion en direct. Il s’est donc écoulé près d’un mois entre la prestation de Jacqueline Simoneau et l’annonce de sa victoire. « J’étais surprise ! C’était rendu tellement loin dans ma tête. Maintenant, tout ce à quoi je pense, c’est les Jeux olympiques. »

À l’échelle locale, Natation artistique Québec organise aussi des compétitions virtuelles. Avec succès. Soixante-dix nageurs ont participé à son dernier évènement de routines et d’habiletés dans l’eau.

PLONGEON

IMAGE TIRÉE D'UNE VIDÉO DE LA PAGE FACEBOK DE PLONGEON QUÉBEC

Plongeon Québec a filmé une vingtaine de plongeurs des clubs CAMO et L’Envol.

Au plongeon, la distanciation physique ne pose pas de problème. C’est facile d’éviter les rassemblements, les accolades et les high fives.

En décembre, Plongeon Québec a donc effectué un test avec une vingtaine de plongeurs des clubs CAMO et L’Envol. Et si on filmait vos sauts pendant vos séances d’entraînement ? Puis que des juges les évaluaient, dans le confort de leur salon ? Serait-ce possible de présenter une forme de concours ?

Les premiers résultats ont montré le potentiel de la formule, mais aussi les défis qu’elle pose, explique le DG de Plongeon Québec, Marco Berthelot.

« L’éclairage, par exemple, n’est pas le même d’une piscine à une autre. Ça modifie la perception lors de l’entrée à l’eau. L’éclaboussure n’est pas la même. C’est quand même un élément majeur pour la notation. » Rien d’insurmontable. « On peaufine ! », précise M. Berthelot.

À court terme, cette banque de vidéos servira surtout à former les juges. À plus long terme, ces outils pourraient permettre à des plongeurs des régions éloignées de participer à distance à des compétitions à Montréal. « Évidemment, on va toujours encourager la compétition en personne. Mais ça peut devenir une option complémentaire, au niveau récréatif, entre autres. »

Plongeon Canada procédera par ailleurs à un test à plus grande échelle au cours des deux prochaines semaines. Si c’est un succès, l’organisme aimerait organiser une compétition internationale virtuelle au cours des prochains mois.