Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence.

Qu’en pensez-vous ?

Nouveauté aujourd’hui pour cette édition de Mauvaise conduite. Les membres de l’équipe des sports vous présentent chacun son moment du Super Bowl, mais vous avez cette fois l’occasion de décider qui a apporté les meilleurs arguments. En même temps, vous pouvez nous proposer votre prédiction pour le Super Bowl. Et si vous en avez envie, vous pouvez aussi nous présenter VOTRE moment du Super Bowl. Bon match !

Donnez votre avis

Miguel Bujold

Pour moi, c’est l’interception et, surtout, l’improbable retour de 100 verges de James Harrison, le dernier jeu de la première demie du Super Bowl entre les Cardinals de l’Arizona et les Steelers de Pittsburgh, il y a 12 ans. Un jeu qui a probablement enlevé un touché aux Cards et qui en a donné un aux Steelers, qui ont remporté le Super Bowl pour la sixième fois ce soir-là. Harrison a attrapé la passe de Kurt Warner sur la ligne des buts de son équipe et sa folle course s’est terminée lorsqu’il est tombé sur celle des Cards. Si celle-ci avait été une verge plus loin, le secondeur n’aurait pas marqué ; ou bien il aurait été plaqué, ou bien il se serait évanoui ! Harrison est d’ailleurs resté étendu pendant de longues secondes au lieu de fêter son touché. Pas moins de sept joueurs des Cards se sont approchés à distance de bras de Harrison durant sa course. Il y a également eu le spectaculaire touché de la victoire de Santonio Holmes avec 43 secondes à jouer, ce qui fait de ce Super Bowl l’un des meilleurs de l’histoire. Le meilleur si vous voulez mon avis.

> Revoyez le touché de James Harrison

Mathias Brunet

PHOTO BY DOUG COLLIER, ARCHIVES AGENCE FRANCE PRESSE

John Elway savoure la victoire des Broncos de Denver contre les Packers de Green Bay lors du XXXIIe Super Bowl, en 1998.

Je déteste voir ces grands athlètes dénigrés parce qu’ils n’ont pas remporté de championnat. Deux des dix meilleurs marqueurs de l’histoire de la LNH, Marcel Dionne et Mike Gartner, n’ont jamais reçu la reconnaissance qu’ils méritaient parce qu’ils n’ont pas remporté la Coupe Stanley. Des joueurs médiocres l’ont pourtant gagnée parce qu’ils étaient au bon endroit au bon moment. Le formidable quart-arrière des Broncos de Denver John Elway a longtemps traîné cette étiquette trompeuse de « perdant ». Trois défaites au Super Bowl n’ont pas aidé, surtout pas ces deux cinglants revers contre Washington et San Francisco, en 1988 et 1990. Évidemment, de nombreux observateurs en oubliaient qu’il faut du talent à revendre et un leadership indéniable pour atteindre le Super Bowl à trois reprises, mais ça ne suffisait pas à faire taire les critiques. Je n’ai jamais eu d’affection particulière pour les Broncos de Denver, mais j’ai ressenti une émotion particulière lorsque John Elway a finalement remporté son premier championnat, huit ans après l’échec gênant aux mains des 49ers et Joe Montana, en janvier 1998, à 37 ans, une victoire de 31-24 contre Brett Favre et les champions en titre, les Packers de Green Bay. Elway n’a pas disputé un grand match, seulement 11 passes complétées en 22 tentatives, aucun touché, une interception, mais il aurait enfin sa bague ! Il a ajouté un autre titre l’année suivante, à 38 ans, et cette fois, il a cartonné, avec 336 verges par la passe et une victoire convaincante contre les Falcons d’Atlanta. Il s’est retiré après ce match. Sa légende n’allait plus jamais être remise en doute.

Simon Drouin

IMAGE TIRÉE DU SITE DE SPORTS ILLUSTRATED

Page couverture du Sports Illustrated, le 30 janvier 1989

Mon meilleur moment, je ne l’ai pas vu, je l’ai lu. Dans le Sports Illustrated, que je feuilletais à la bibliothèque de Boucherville. Avec force photos spectaculaires, le célèbre magazine racontait la remontée orchestrée par Joe Montana en 1989 contre les Bengals de Cincinnati. Dans le caucus avant le début de la dernière série, Joe Cool avait dit à l’un de ses gardes particulièrement nerveux qu’il venait d’apercevoir John Candy dans les gradins. Je me suis abonné au Sports Illustrated et je suis devenu fan des 49ers, de Montana, Rice, Roger Craig et cie. J’ai savouré chaque minute du Super Bowl suivant, probablement le plus plate de l’histoire avec cette victoire sans appel de 55-10 sur les Broncos de Denver.

Frédérick Duchesneau

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA NFL

L’hommage de U2 aux victimes des attentats du 11 septembre 2001, lors du spectacle de la mi-temps du XXXVIe Super Bowl, en 2002

Mon moment n’en est pas un de football. J’ai été un immense fan de U2 pendant une quinzaine d’années. Peut-être LE fan. (Oui, oui, nous étions nombreux à revendiquer ce titre.) Depuis une décennie, ils font exactement ce que je redoutais à l’époque : étirer tristement la sauce. Mais en 2002, ils étaient toujours ce qui se faisait de mieux comme band live. L’année précédente, fin mai, je l’avais constaté de mes yeux, à quelques pieds de la scène du Centre Bell. Trois mois et demi plus tard, la planète entière était assommée par l’attaque terroriste contre le World Trade Center. Les anti-U2 reprochent entre autres à ces Irlandais d’être moralisateurs, voire opportunistes. Peut-être. Question de perception. Mais leur interprétation au Super Bowl XXXVI de Where the Streets Have No Name – un hymne qui prend une tout autre dimension en spectacle – avec les noms des victimes défilant sur un gigantesque « rideau » derrière eux, c’était franchement intense. Même Kurt Warner, alors quart des Rams de St. Louis, a dit l’avoir ressenti. Et, pour couronner la soirée, qui gagne le trophée Vince-Lombardi pour la première fois ? Les Patriots… Hollywoodien.

> (Re)voyez la performance de U2

François Fournier

PHOTO RUSTY KENNEDY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

XXIIIe Super Bowl : le quart-arrière des 49ers de San Francisco, Joe Montana (16), salue John Taylor (82) qui vient de capter une passe de touché en fin de match pour donner la victoire aux siens contre les Bengals de Cincinnati, le 2 janvier 1989.

J’ai découvert le football de la NFL au début des années 1980 avec Joe Montana et la dynastie des 49ers de San Francisco et je suis immédiatement devenu un « Niners Faithful ». Des cinq conquêtes du Super Bowl de l’équipe, une m’est particulièrement restée en tête. Le 2 janvier 1989, au Joe Robbie Stadium de Miami, en Floride, les 49ers affrontaient les Bengals de Cincinnati lors du XXIIIe Super Bowl. Il s’agissait du deuxième affrontement en grande finale entre les deux équipes, les Niners ayant remporté le premier duel sept ans plus tôt. À l’époque, je détestais profondément les Bengals et leur quart-arrière Boomer Esiason. Alors, lorsque les 49ers, tirant de l’arrière 16-13, ont repris le ballon à leur ligne de 8 avec seulement 3 min 10 s à faire au match, mon anxiété a atteint son paroxysme. Je ne pouvais tout simplement pas concevoir que « nous » puissions perdre ce match, surtout contre les Bengals. À genou par terre devant le téléviseur, les doigts croisés, j’ai regardé Montana effectuer une énième remontée spectaculaire dont lui seul avait le secret. Onze jeux et 92 verges plus tard, Montana rejoignait John Taylor dans la zone des buts pour redonner les devants aux Niners 20-16, après le converti. Avec seulement 34 secondes restant au match, ce pointage allait tenir et les 49ers allaient soulever le trophée Lombardi pour la troisième fois en sept ans. On l’ignorait sur le moment, mais par la suite, on a appris que dans le caucus, juste avant cette poussée victorieuse, Montana a voulu détendre ses coéquipiers qui étaient nerveux, en particulier le plaqueur Harris Barton. Il a alors simplement regardé vers les gradins en disant : « Hey, c’est pas John Candy, là ? » La tactique a fonctionné et a consacré une fois pour toutes le surnom de Montana, « Joe Cool » !

> Voyez un court reportage sur la poussée victorieuse des 49ers (en anglais)

Richard Labbé

PHOTO SUSAN RAGAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le porteur de ballon étoile des Cowboys de Dallas, Emmitt Smith (22), à l’œuvre lors du XXVIIIe Super Bowl

Pour un fidèle des Cowboys de Dallas, trop jeune pour avoir pleinement savouré les deux conquêtes du Super Bowl des années 1970, les années 1980 ont été une très longue traversée du désert. Les Cowboys des années 1980, ceux du quart Danny White, étaient des champions dans l’art de passer proche, et je ne sais plus combien de matchs se sont terminés de manière très cruelle. Alors quand 1992 est arrivée, avec le trio de Troy Aikman, Emmitt Smith et Michael Irvin, je me doutais bien que les jours de gloire allaient (enfin) revenir, et puis ce fut en plein ça, avec trois victoires au Super Bowl en quatre ans, dont le premier, une rince de 52-17 face aux pauvres Bills de Buffalo, que j’avais célébré pendant au moins sept semaines. Plus tard, j’ai eu l’énorme privilège de pouvoir assister à 11 éditions du Super Bowl pour La Presse, et je me souviens surtout du premier, qui s’était conclu avec un receveur des Titans du Tennessee qui essayait de s’étirer le bras jusque dans la zone des buts, sans succès. Je me souviens aussi des buffets d’après-match avec quelques joyeux collègues, entre autres Philippe Rezzonico et François Foisy, qui, comme moi, y allaient souvent à deux mains dans le buffet, sans jamais penser à la distanciation physique. C’était une autre époque.

Guillaume Lefrançois

PHOTO JOHN DAVID MERCER, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

David Tyree capte une passe d’Eli Manning, le ballon appuyé sur son casque, dans les dernières minutes du XLIIe Super Bowl en 2008, permettant aux Giants de New York de voguer vers la victoire contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

Premièrement, depuis plusieurs années, j’ai un peu moins de moments du Super Bowl parce que l’excellente ligue EMF, la meilleure ligue de bière au monde, tient ses matchs les dimanches à 22 h. J’ai beau adorer le football, j’aime (j’aimais ?) encore plus essayer de bloquer les tirs de Richard Labbé, un véritable poison autour du filet. Quoique Richard est toujours mystérieusement absent le soir du Super Bowl. Enfin. Ça fait drôle à dire en tant que partisan des Patriots, mais mon moment le plus mémorable demeurera toujours l’attrapé de David Tyree avec le casque, au Super Bowl XLII. Comment Jarvis Green, la main au collet d’Eli Manning, a-t-il pu le laisser aller ? Comment le très anonyme David Tyree, qui a amassé 650 verges de gain DANS TOUTE SA CARRIÈRE, a-t-il pu gagner son duel contre Rodney Harrison, un demi défensif aguerri qui en avait vu d’autres ? Et surtout, comment se fait-il que ce soit la dernière passe que Tyree ait captée dans sa carrière ? Avec le recul, je me console en me disant que Tom Brady a gagné trois autres Super Bowl ; tant mieux pour Tyree s’il a eu a sa bague avant que ce soit terminé !

> Voyez l’attrapée de David Tyree

Michel Marois

IMAGE TIRÉE DES ARCHIVES DE LA PRESSE

Reportage de Robert Duguay sur le XXVIIIe Super Bowl publié le 29 janvier 1994

J’ai beau avoir joué au football quand j’étais jeune, j’ai de la difficulté à « endurer » tout un match à la télé. Même le Super Bowl ! Par contre, j’ai toujours pris un grand plaisir à lire les reportages de mes collègues. Nous avons eu la chance, à La Presse, d’avoir de remarquables journalistes de football, Miguel Bujold perpétuant aujourd’hui une tradition d’excellence bien établie. Mes meilleurs souvenirs du Super Bowl sont ainsi liés à mon travail au bureau, dans les années 1990, quand j’étais le premier lecteur des textes de Robert Duguay. Grand connaisseur de football – parlez-en à Jacques Dussault ou aux autres entraîneurs qui l’ont connu –, il était sans égal pour parler du jeu, mais il pouvait aussi se montrer plus cynique envers le « spectacle » qu’était devenue la NFL. Quand il est décédé en 1999, son grand ami Pierre Foglia lui a rendu hommage dans un texte qui explique bien qui il était. C’est beaucoup grâce à Robert que je suis devenu journaliste et, même si je n’ai jamais eu la prétention d’imiter son style, son travail m’a toujours inspiré. Chaque année, au Super Bowl, je pense à ces fins de soirée quand il envoyait ses textes à la dernière minute en s’excusant : « Si c’est pas bon, passez-le pas. » On les a toujours passés, évidemment.

> (Re)lisez la chronique de Pierre Flogia

Alexandre Pratt

PHOTO JOHN GAPS III, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Dernier jeu du XXXIVe Super Bowl, le 30 janvier 2000 : Kevin Dyson (87) tente en vain de rejoindre la zone des buts. Victoire des Rams de St. Louis 23-16.

Celui de l’an 2000. À défaut d’être à Atlanta, j’avais effectué une tournée des partys organisés par des lecteurs de La Presse. L’avant-match au Medley, le premier quart dans Rosemont, le deuxième à Brossard, le troisième à Saint-Hubert et le quatrième, dans la salle de rédaction de La Presse, où j’ai vu la poussée finale des Titans du Tennessee être bloquée à une verge des buts. Un match complètement fou, remporté par les Rams de St. Louis, 23-16. Maintenant, il fallait résumer tout ça en 800 mots – et surtout, l’écrire en 20 minutes pour respecter l’heure de tombée. Sûrement le texte le moins léché de ma carrière, mais la soirée, elle, fut mémorable.

Jean-François Tremblay

PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Prince lors du spectacle de la mi-temps en 2007

Comprenez-moi bien, j’aime le Super Bowl autant que n’importe quel autre fan de sport. Chaque Super Bowl en temps de pré-pandémie était prétexte à un sympathique rassemblement qui m’approchait toujours un peu plus de la pilule pour gérer mon taux de cholestérol. J’y ai découvert des bières, des saveurs de sauces BBQ, j’ai parfois même porté attention au match entre deux discussions. J’ai vu des attrapés spectaculaires, j’ai vu Tom Brady gagner encore et encore, mais mon moment du Super Bowl, c’est… Prince. Désolé pour les milliers de joueurs qui se sont désâmés sur le terrain. Le spectacle de la mi-temps avec Prince en 2007 était déjà quelque chose, mais quand le solo de Purple Rain est arrivé… La pluie de Miami, le grand drap blanc, l’ombre de Prince à la guitare, le solo de 45 secondes suivi de cette note aiguë qu’aucun autre chanteur ne peut atteindre. Le plus grand spectacle de la mi-temps de l’histoire pour accompagner le premier triomphe de Peyton Manning, l’un des plus grands quarts de l’histoire. J’en parle et j’ai encore des frissons.

Voyez un court reportage sur la performance de Prince (en anglais)