Ce dimanche, Sarah Thomas deviendra la première femme à arbitrer au Super Bowl. Une situation tout à fait inspirante pour Maripier Malo, arbitre de basketball de niveau international.

« Pour les jeunes femmes, les jeunes filles qui veulent peut-être se frayer un chemin un jour, ça montre que c’est possible. De plus en plus, les barrières tombent. Les portes s’ouvrent. Elles ne sont pas grandes ouvertes. Mais les femmes sont prêtes à donner un grand coup de pied et à saisir ces chances-là », dit-elle.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Maripier Malo

À 36 ans, Maripier Malo explique avoir elle-même été inspirée dans sa jeunesse par la hockeyeuse France St-Louis, qui était son enseignante d’éducation physique au primaire. « Je la regardais aller. Elle jouait aux plus hauts niveaux, allait aux Olympiques. J’ai vu ce qu’il était possible de faire », raconte Malo, aujourd’hui arbitre internationale de basketball, enseignante d’éducation physique au Collège Jean-Eudes et responsable du programme de basketball.

De Montréal à Pitalito

Passionnée dès son jeune âge par le basketball, Maripier Malo joue avec les Nobels de Laval et à Jeunesse au Soleil avant de fréquenter le Collège Montmorency. Remarquée par des universités américaines, l’athlète qui évolue comme garde se fait offrir une bourse complète pour se joindre à l’équipe de division 1 de l’Université St. Bonaventure. Elle y joue quatre ans et termine son baccalauréat en éducation physique.

PHOTO FOURNIE PAR MARIPIER MALO

Maripier Malo

De retour au Québec en 2008, Malo joue pour Équipe Québec aux Jeux de la Francophonie à Beyrouth. Elle envisage de tenter sa chance en Europe. « Mais j’étais rendue à me placer professionnellement », dit-elle.

Abandonner sa carrière d’athlète n’est toutefois pas facile. Elle pense alors à l’arbitrage. Elle suit une première formation et commence par arbitrer des matchs scolaires, mais elle gravit rapidement les échelons.

Mon background d’athlète fait que je me différencie peut-être d’autres qui ont fait le même parcours que moi.

Maripier Malo

En 2011, Basketball Canada identifie Malo comme potentielle candidate pour arbitrer au niveau international. On l’envoie dans un camp de formation à Pitalito, en Colombie. Quatre avions et trois heures d’autobus plus tard, la seule représentante du Canada arrive à destination et rencontre ses collègues de camp. Celles-ci sont tirées à quatre épingles. Malo est plutôt vêtue d’une combinaison sportive. Et sa tenue n’est pas le seul élément qui la différencie des autres : elles ne parlent qu’espagnol et sont déjà des arbitres évoluant sur le parcours international. Elles assistent au camp simplement pour se recertifier.

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Maripier Malo

Dans ce milieu hautement performant, l’aspirante Malo parvient à se démarquer tant dans les tests physiques (le fameux test navette) et sur le terrain que dans les tests écrits. Elle se fait remarquer par les responsables qui suggèrent à Basketball Canada de la diriger rapidement vers une licence de niveau international. « Cette expérience a changé ma vie. Je n’allais pas là pour obtenir ma licence d’arbitre international. […] Ce n’est pas très commun comme parcours. Des gens ont cru à mon potentiel », dit-elle.

Malo se voit délivrer sa licence d’arbitre international. Depuis, les occasions de travailler sur la scène internationale se sont succédé. Dont les Championnats du monde féminins, en 2018, et le tournoi de qualification olympique féminin, en 2020, en France.

De l’espoir pour l’avenir

Malo est la seule arbitre femme de niveau international (FIBA) au Québec. Elle arbitre autant chez les femmes que chez les hommes. Sur le terrain, elle dit n’avoir jamais vécu d’intimidation liée au fait qu’elle est une femme.

Je sens qu’il y a beaucoup de gens qui sont passés avant moi et qui ont débroussaillé. Moi, je suis la chanceuse qui réussit à bénéficier de tout ce qui a été fait avant. Il reste encore du chemin à faire. Mais j’espère qu’on s’en va dans la bonne direction.

Maripier Malo

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Maripier Malo

Malo se réjouit de ce qu’au basketball, la présence de femmes arbitres est de plus en plus encouragée. Fin janvier, Nathalie Sago et Jenna Schroeder ont arbitré conjointement un match de la NBA, formant les deux tiers de l’équipe d’arbitres. « Elles ont super bien fait. […] Des exemples comme Sarah Thomas et comme les deux arbitres de la NBA, je pense que ce n’est que du positif », dit Maripier Malo.

La dernière fois que Maripier Malo a arbitré un match remonte au 8 mars 2020. Elle était devenue la première femme à arbitrer la finale des Championnats canadiens universitaires masculins de basketball.

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Maripier Malo

Avec 29 autres arbitres du monde entier et deux autres collègues canadiens, Malo était aussi qualifiée pour officier aux Jeux olympiques, où elle aurait pu arbitrer tant chez les hommes que chez les femmes. Mais avec la COVID-19, tout est mis sur la glace. La déception est grande. Maripier Malo s’inquiète parce qu’actuellement, il est impossible pour elle d’arbitrer et de garder la main. « Ce n’est pas le cas partout dans le monde. […] On est tous sur notre chaise en train d’attendre le go pour recommencer », dit-elle.

En attendant, Malo regardera Sarah Thomas au Super Bowl, ce dimanche. « On veut qu’elle fasse bien. On veut qu’elle réussisse. Pour que la roue continue à tourner et donne d’autres opportunités », dit-elle.

« Une reconnaissance de plus en plus grande »

Arbitre de niveau international en soccer, Marie-Soleil Beaudoin se réjouit elle aussi de voir que Sarah Thomas sera du Super Bowl. Selon elle, le milieu du sport professionnel s’ouvre de plus en plus à la présence des femmes. « Il y a une reconnaissance de plus en plus grande dans le milieu sportif que si on fait le même travail, il ne devrait pas y avoir d’impact », dit-elle. Mais pour Marie-Soleil Beaudoin, la présence d’une femme dans un match important comme le Super Bowl est « un premier pas ». « Le deuxième pas, ce sera quand on n’aura même plus besoin d’en parler ou de le souligner », dit-elle. Du côté de la FIFA, la tradition veut que les matchs d’hommes soient arbitrés par des hommes et les matchs de femmes, par des femmes. Mais les choses changent tranquillement. Marie-Soleil Beaudoin souligne, par exemple, que l’arbitre aujourd’hui retraitée Carol-Ann Chénard avait arbitré à la Coupe du monde des moins de 17 ans en 2017. Et pour la première fois, trois femmes font partie de l’escouade d’arbitre de la Coupe du monde des clubs de la FIFA qui se déroule au Qatar. « Le courant est de plus en plus fort. On le sentait déjà il y a deux ou trois ans. Mais là, du côté du soccer, il y a beaucoup plus d’opportunités. On veut que le momentum continue », dit-elle.