L’Impact est mort. Vive le CFM !

Ou le CFMTL.

Ou le CF Montréal.

Ou le Club de foot Montréal.

Ou les Flocons de neige.

« Pratico-pratique, comment on vous appelle ? », a demandé ma collègue Frédérique Guay au président de l’équipe, Kevin Gilmore. Question pertinente. Car dans les 45 minutes précédentes, consacrées au dévoilement de la nouvelle image de marque, les dirigeants du club passaient de l’un à l’autre. Sans afficher de préférence.

PHOTO CATHERINE PAQUETTE, FOURNIE PAR LE CLUB DE FOOT MONTRÉAL

Kevin Gilmore, président et chef de la direction du CF Montréal, lors de la présentation de la nouvelle identité du club, jeudi, en point de presse virtuel, à la Place des Arts

« Ça va venir avec le temps, a répondu M. Gilmore. Avec les partisans. Avec les médias. Comment vous allez décider de nous appeler. Le nom de base, c’est le Club de foot Montréal. Mais je vois sûrement comment on va faire référence à nous. Comme CF Montréal. CFM. CFMTL [prononcé à l’anglaise]. Ce n’est pas comme si on allait dicter comment on veut être appelés. »

Une affirmation étonnante, quand même.

Surtout après avoir enlevé aux partisans un nom d’équipe dont ils étaient fiers. Surtout après deux années d’ateliers, de travaux, de recherches et d’investissements qu’on devine considérables.

Je m’attendais à un nom fort. Original. Intrinsèquement lié à l’histoire de Montréal ou du Québec. Du moins, à mieux que Club de foot Montréal (et ses dérivés). Une appellation générique. Sans saveur. Qui m’excite autant que la marque Sans nom à l’épicerie.

Un choix difficile à comprendre.

Pourquoi foot ? Pourquoi pas soccer ? Ou même football ?

« Le soccer, c’est un nom très nord-américain, s’est justifié Kevin Gilmore. Le football, c’est un nom européen. Ici, le football, ce sont nos amis des Alouettes de Montréal. C’est le football américain. Québec, Montréal, on est une ville, un peuple différent. Ça fait 375 ans qu’on est différents. […] Veut-on se positionner comme un sport nord-américain ou européen ? On a fait nos recherches. On s’est rendu compte que dans la terminologie, le foot était très commun à Montréal. On va jouer au foot. Tu regardes le foot. Même en anglais, les anglophones parlent de footie. »

On ne veut pas être comme les autres. On ne doit pas être comme les autres. On est la seule équipe de la MLS dans une ville francophone. On doit l’assumer.

Kevin Gilmore, président et chef de la direction du club montréalais

Je le souligne, ça n’a pas toujours paru lors de la présentation de jeudi. Les explications étaient souvent données d’abord en anglais. Plusieurs partisans s’en sont plaints sur les réseaux sociaux. Les amateurs ont aussi noté l’étrange obsession des dirigeants du CFMTL pour l’expression « sacrebleu ». Dans la vidéo : « Ici, c’est sacrebleu. » Dans la présentation des nouvelles couleurs, où le bleu est baptisé « sacré bleu ». Comme si c’était un mot dont les Québécois sont fiers.

« C’est un juron familier marquant la colère, l’admiration et l’étonnement. C’est notre héritage », a expliqué le codirecteur de la création, Justin Kingsley.

Vraiment ?

Qui est la dernière personne au Québec à avoir utilisé ce juron ? Jacques Cartier, Samuel de Champlain ou Madeleine de Verchères ?

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Modifier le nom d’une entreprise n’est pas une décision prise à la va-vite. D’ailleurs, le CF Montréal a travaillé deux ans sur le projet. Ça prend vraiment de bonnes raisons. Généralement, il y a quatre cas d’espèce :

– Une fusion. Par exemple : Alcan, devenue Rio Tinto Alcan.

– Un changement de propriétaire. Comme TQS, devenue V, puis Noovo.

– Un nom toxique. Pensez aux Redskins de Washington, aux Indians de Cleveland, aux firmes mêlées à des scandales de corruption.

– Une nouvelle orientation. Gaz Métro, devenue Énergir, pour mieux refléter la diversification de ses activités. AbitibiBowater, rebaptisée Produits forestiers Résolu, pour marquer « la résolution d’être une organisation durable et rentable ».

Le changement du Club de foot Montréal s’inscrit dans cette dernière tendance. L’organisation veut mieux représenter la diversité de Montréal. Elle souhaite être un porte-étendard de valeurs d’ouverture, comme l’interculturalisme. Un objectif louable. Était-ce pour autant nécessaire d’abandonner le nom Impact ? Les arguments ne m’ont pas convaincu.

Le CFMTL s’est aussi doté d’un nouveau logo.

Un flocon. Fortement inspiré de l’iconographie montréalaise des années 1960 et 1970. Ça tranche avec les autres logos d’équipes en Amérique du Nord. On aime ou on déteste.

PHOTO FOURNIE PAR LE CLUB DE FOOT MONTRÉAL

Nouveau logo du CF Montréal

Je le trouve plutôt réussi. Ça rappelle Expo 67, Terre des Hommes, le métro de Montréal, les Jeux de 1976. Des flèches convergent vers le centre, comme un mouvement de foule. Une belle idée. Autre flash intéressant : le contour bleu, pour rappeler que Montréal est une île entourée d’eau. Subtil et efficace.

Des partisans, eux, l’ont moins aimé. Il faut savoir qu’en anglais, un flocon est un snowflake. Un terme péjoratif pour désigner une personne sensible, qui s’offusque trop facilement. Genre : un joueur de soccer qui simule une blessure. On imagine déjà les tifos des ultras du Toronto FC, lors de la prochaine visite du CF Montréal.

Justin Kingsley est allé au bâton pour apaiser les critiques.

Nous sommes comme les flocons dans une tempête. Pour certaines personnes, un snowflake, c’est une insulte. Allez-y. Insultez-nous. Sous-estimez-nous. Sous-estimez notre équipe. Notre coach. Je vous invite à le faire. Si vous croyez qu’un flocon, c’est fragile, c’est correct. […] Mais quand nous nous unissons, nous sommes imbattables.

Justin Kingsley, codirecteur de la création du CF Montréal

Une étoile dans son cahier pour le joli dégagement en touche, alors que l’équipe était empêtrée dans le fond de sa zone.

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On pourrait débattre toute la semaine du nom générique. Du slogan. Des couleurs. Des valeurs d’un flocon. On pourrait repeindre tous les murs de la ville en noir-gris-bleu que ça ne masquerait pas la plus grosse lacune de cette équipe.

Sa compétitivité.

Le CF Montréal génère moins de revenus que ses concurrents en MLS. Et beaucoup, beaucoup, beaucoup moins d’argent que les clubs des grands championnats européens. Il ne peut pas verser des salaires ou des frais de transfert de 10 millions ou plus pour acquérir des joueurs de qualité. Depuis quatre ans, il se promène entre le septième et le neuvième rang de son association.

Son directeur sportif, Olivier Renard, fait de petits miracles avec le budget dont il dispose. Sous sa gouverne, le CFM présente un nouveau visage. Celui d’un club jeune, formateur et vendeur. Un fournisseur de talent pour les clubs plus riches. Le rêve ? Trouver une pépite d’or et la revendre à fort prix. Comme les Whitecaps de Vancouver l’ont fait avec l’international canadien Alphonso Davies, cédé au Bayern Munich pour 22 millions US.

C’est une stratégie d’entreprise qui se défend. Surtout lorsque les finances sont serrées. Pour obtenir du succès, le club doit exposer ses espoirs – des adolescents ou de jeunes adultes payés moins cher que des vétérans. Il doit leur donner du temps de jeu. Malheureusement, comme ces jeunes n’ont pas encore atteint leur plein potentiel, leurs performances sont souvent inégales. Les rares clubs qui optent pour cette stratégie et qui gagnent entourent leurs jeunes pousses de vétérans au zénith de leur carrière.

Tu peux donc avoir le meilleur nom d’équipe, le plus beau logo, le slogan le plus rassembleur, tu peux crier « sacrebleu ! » sur tous les toits de la ville, à la fin, ce qui permettra aux Flocons de remplir le stade Saputo, ce sont des victoires.