(Calgary) Robert Dubreuil a pris un risque en reportant d’une journée son vol pour Calgary. Un délai d’une heure pour le dégivrage de l’appareil à Montréal aurait pu lui faire rater la course magique de son fils, vendredi.

Mais le directeur général de la Fédération de patinage de vitesse du Québec était « zen » en vol. Après l’atterrissage, il s’est permis d’envoyer un rare message à Laurent avant une course.

« Je ne veux pas le déranger. Je voulais juste qu’il sache que j’étais là. Je lui ai écrit : “Je serai dans les estrades. Vas-y à fond et surtout, profite de ces moments qui te font triper. C’est de la passion, c’est juste ça. Il faut que tu aimes ça.” Laurent aime patiner, mais il aime compétitionner. »

Accompagné de son ami et ancien coéquipier Benoît Lamarche, Robert Dubreuil, un fervent comme son fils, a vécu à plein ce 500 mètres mémorable.

Une heure plus tard, il a dû maîtriser ses émotions en allant à la rencontre de Laurent pour un petit cinq minutes à distance, dans un escalier de l’ovale olympique.

Surpris par le temps canon, Robert Dubreuil n’était pas particulièrement nerveux pendant l’épreuve.

Je rentre dans la course. Des fois, c’est comme si je patine avec lui. Mais quand j’ai vu 9,46 [après 100 mètres], il m’a juste fait perdre ma concentration ! J’ai crié à Benoît : “C’est son meilleur à vie !”

Robert Dubreuil, père de Laurent Dubreuil

Parfaitement positionné pour suivre le dernier virage, il espérait qu’il tienne la trajectoire malgré la force centrifuge générée. Le petit déséquilibre à la sortie ne l’a pas fait sourciller.

« Le monde dit que ce n’était pas une course parfaite, qu’il a perdu l’équilibre. Mais c’est sûr qu’il va perdre l’équilibre, la vitesse est hyper élevée ! »

Robert Dubreuil, qui a participé à deux Jeux olympiques en patinage de vitesse, a surtout admiré le calme de son fils après avoir vu trois de ses rivaux réussir des temps de 33 secondes.

« Il ne se décompose pas. Ça m’impressionne qu’il ait pu rester fluide et relax, suffisamment pour être capable de livrer. Le gars ne se laisse pas intimider. Il arrive confiant sur la ligne, il livre. Il aime la pression. 

« Que Laurent se hisse dans les meilleurs de son sport dans une année olympique, ça fait un velours. On est tellement contents pour lui. Il en a traversé, des déserts, Laurent. »

Jelonek : « Beaucoup se seraient écrasés »

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Alex Boisvert-Lacroix, Laurent Dubreuil et l’entraîneur Gregor Jelonek

L’entraîneur Gregor Jelonek, lui, a suivi la course dans la salle de musculation du Centre de glaces, à Québec, en compagnie de sa patineuse Béatrice Lamarche, fille de Benoît.

Je suis content, c’est une super belle course. Il y avait déjà plusieurs 33 au tableau. C’est de la pression. Par contre, Laurent, il sait se motiver par rapport à ça. C’est quand même impressionnant. Beaucoup se seraient écrasés. Au contraire, il s’est dit : “Je suis capable, moi aussi.”

Gregor Jelonek, entraîneur de Laurent Dubreuil

Un chrono de 33,77 secondes est un exploit « majeur », a noté le coach. « Sur le plan de sa confiance, ça va lui faire du bien aussi de retourner sur la première marche du podium. »

Jelonek ne regrettait pas d’avoir raté ce moment en raison d’un résultat positif à la COVID-19, il y a quelques semaines en Norvège. Il était surtout heureux que le préparateur physique Jonathan Pelletier Ouellet, qui vit sa première Coupe du monde, ait pu assister à l’épreuve sur place. « On est une équipe, il est important également dans la réussite de Laurent. »

Le coach estime que les réalisations de son protégé motiveront la génération qui le suit. « C’est surtout super encourageant pour les plus jeunes. Les autres Québécois se disent : “C’est un gars de chez nous.” On est toujours impressionnés par des Russes, des Américains, des Japonais, des Chinois. Là, c’est un Canadien, un Québécois en plus. C’est très inspirant pour notre jeunesse. »