Chaque semaine, les journalistes des sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Participez vous aussi à notre Mauvaise conduite de la semaine. Creusez dans vos souvenirs d'amateurs de sports et envoyez-nous vos suggestions.

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Mathias Brunet

Adolf Hitler avait acquis déjà une emprise totale sur l’Allemagne en août 1936 au moment d’accueillir les Jeux olympiques à Berlin. Sous les yeux du dictateur, et devant les centaines de drapeaux à la croix gammée, symbole de la supposée suprématie aryenne, un athlète afro-américain, Jesse Owens, a humilié l’Allemagne nazie en remportant quatre médailles d’or, les plus prestigieuses, aux 100 et 200 m, au saut en longueur et au 400 m relais. J’aurais aimé voir cet homme, seul, interdit même de fréquenter les mêmes lieux que les Blancs dans son propre pays, faire la leçon à un empire qui s’apprêtait à tenter la conquête du monde. Owens venait de mettre un caillou dans l’engrenage, puisque le chef de la propagande nazie, Joseph Goebbels, voyait dans ces Jeux l’occasion de démontrer au monde entier la suprématie aryenne. Un seul homme en chaussures de course ne pouvait évidemment pas freiner les chars d’assaut, et la suite a été monstrueuse, mais si j’avais pu être un petit oiseau capable de voyager dans le temps, j’aurais aimé être dans l’Olympiastadion pour voir la mine déconfite et frustrée du Führer. Quel évènement dans l’Histoire a pu transcender davantage le sport ?

Miguel Bujold

PHOTO AL BELLO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le toucher de James Harrison au Super Bowl XLV

Assurément le 43Super Bowl. Celui que les Steelers de Pittsburgh ont gagné contre les Cardinals de l’Arizona, 27-23, le 1er février 2009 au Raymond James Stadium, à Tampa. C’est mon collègue Richard Labbé qui a eu la chance de couvrir cette finale épique, et connaissant son profond attachement pour les Steelers, je ne doute pas un seul instant qu’il a passé une soirée inoubliable… Ce match a été marqué par les jeux spectaculaires gravés à jamais dans le grand livre de la NFL : l’improbable touché de 100 verges de James Harrison pour finir la première demie et le superbe attrapé de Santonio Holmes dans le coin de la zone des buts qui s’est avéré le touché de la victoire avec 35 secondes à jouer. C’est de cette façon-là que les Steelers ont repris leur place au sommet de la hiérarchie de la NFL en devenant les premiers à gagner le Super Bowl six fois. Dallas et San Francisco avaient cinq titres et en ont encore cinq 13 ans plus tard. Les Patriots de la Nouvelle-Angleterre ont rejoint les Steelers il y a trois ans en gagnant leur sixième. Considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire, ce Super Bowl est celui que j’ai le plus aimé. Bruce Springsteen and The E Street Band donnait le spectacle de la mi-temps, un autre plus.

Katherine Harvey-Pinard

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Sydney Crosby et l’équipe canadienne, en 2010

Vancouver, 2010. Je suis certaine que ces deux simples informations vous ramènent en tête toute une série d’images, à vous aussi. L’équipe canadienne affrontait ses grands ennemis, les Américains, en finale du tournoi de hockey des Jeux olympiques. À la maison. Devant des gradins remplis de rouge et de blanc. Que j’aurais aimé être sur place ! J’aurais aimé d’abord vivre la douche froide causée par le but égalisateur des Américains avec 24 secondes à écouler au temps réglementaire, pour ensuite ressentir l’euphorie d’un des buts les plus marquants de l’histoire olympique canadienne, inscrit par le meilleur joueur au monde : Sidney Crosby. Le golden goal ! C’est le genre de matchs qui met le spectateur dans un état second. Les émotions s’entrechoquent. Vous comprenez ce que je veux dire. J’avais 15 ans à l’époque… Je regarde de nouveau les images de ce match au moment où j’écris ces lignes et j’ai encore des frissons.

Richard Labbé

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Victoire de l’équipe américaine de hockey sur l’équipe soviétique, aux Jeux olympiques de Lake Placid, en 1980

Le Miracle de Lake Placid ! À mon humble avis, il n’y a jamais eu, et il n’y aura plus jamais, de plus grande surprise sportive que le triomphe des Américains sur les joueurs soviétiques aux Jeux de Lake Placid en 1980. À l’époque, le club de hockey soviétique était le plus puissant au monde – un an avant, il avait rincé les étoiles de la LNH 6-0 en plein MSG à New York –, et il allait assurément obtenir une médaille d’or facile au tournoi olympique de Lake Placid. Mais non, et l’équipe qui a causé la surprise ne comptait aucun joueur de la LNH, mais seulement des joueurs issus du hockey universitaire américain ! Donc, en gros, des étudiants qui ont battu des professionnels. Je me souviens encore à quel point la surprise était totale en compagnie de mon père, quand on regardait les dernières secondes de ce match épique sur la télé d’un magasin aux Galeries d’Anjou. Encore à ce jour, quand j’entends Al Michaels hurler « Do you believe in miracles ? », j’en ai des frissons.

Guillaume Lefrançois

PHOTO FOURNIE PAR LA WWE

John Cena et Carlos Colón Jr., en 2006

Le 8 janvier 2006. La bande de copains se retrouve au resto-bar Au coin du métro, établissement de prédilection pour regarder des sports de combat. John Cena est champion de la WWE depuis neuf mois, mais le public cible de son personnage n’est manifestement pas les adultes dans le milieu de la vingtaine, car notre groupe ne peut plus l’endurer. Au terme d’une série de coups de théâtre dont on vous épargne les détails, l’excellent Edge remporte le titre des mains de Cena. S’en est suivie une célébration mémorable dans la brasserie, qui m’a valu d’être porté en triomphe pour une raison que j’ignore encore (on était probablement juste très contents que Cena finisse par perdre). Le principal regret de ne pas y avoir assisté : le spectacle avait lieu à Albany, en pleines vacances de Noël. Le bonheur était à trois heures de route, et je m’en veux encore de ne pas y être allé. Mettons ça sur le compte du budget serré d’un étudiant de l’UQAM. Le resto-bar Au coin du métro fermera d’ici quelques semaines, une conséquence à retardement de la pandémie. Les amateurs de boxe, de lutte et de soccer s’ennuieront de cet établissement à côté du métro Henri-Bourassa. Cette soirée de 2006 est un des nombreux beaux moments que nous y avons passés. Merci encore à Costa Anagnostopoulos pour l’accueil.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO JEAN GOUPIL, ARCHIVES LA PRESSE

Le premier match de la Série du siècle entre le Canada et l’URSS au Forum de Montréal, le 2 septembre 1972

Comme tout le monde, j’ai un faible pour les champions improbables. Et comme tout le monde, je n’aime pas les « mauvais gagnants » qui estiment que la victoire leur est promise. Je paierais donc cher mon voyage dans le temps pour être assis au Forum de Montréal, le 2 septembre 1972, jour où l’équipe de l’URSS a provoqué la stupeur d’un océan à l’autre en servant une correction de 7-3 à la formation canadienne. Même si les représentants de l’unifolié ont ultimement remporté la Série du siècle, ce match a permis à bien du monde de réaliser que le Canada n’était pas propriétaire du hockey. Cinquante ans plus tard, et à plus forte raison à quelques semaines des Jeux olympiques de Pékin, le rappel demeure pleinement d’actualité.

Alexandre Pratt

IMAGE TIRÉE DE WIKIPEDIA COMMONS

La partie du 23 septembre 1908, entre les Cubs de Chicago et les Giants de New York. Les deux clubs luttent alors pour le championnat de la Ligue nationale. Fin de neuvième manche, deux retraits. C’est 1-1. Les Giants ont un coureur au troisième but et un autre au premier but. Al Bridwell frappe un simple. Le coureur du troisième but marque. Les Giants gagnent ! Des milliers de partisans envahissent le terrain pour célébrer la victoire. C’est la fête. Sauf que l’autre coureur, Fred Merkle, est rentré au vestiaire sans toucher le deuxième but. Dans la cohue, les joueurs des Cubs cherchent la balle. La retrouvent. Touchent au deuxième coussin. Merkle est retiré, déclare l’arbitre. Le point est annulé. L’égalité persiste. Mais je vous rappelle que sur le terrain, il y a des milliers de spectateurs. Impossible de reprendre l’action. Match nul, 1-1. Cette erreur prive les Giants d’une précieuse victoire ; les deux clubs terminent la saison à égalité. Les Cubs remporteront le match supplémentaire, puis la Série mondiale.

Jean-François Téotonio

PHOTO PAUL ELLIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Sergio Agüero

« Je le jure, vous ne verrez plus jamais rien de tel ! Alors regardez, et abreuvez-vous-en ! » Ainsi s’exclamait le commentateur anglais Martin Tyler, à ce moment fatidique du 13 mai 2012, après l’un des buts les plus dramatiques de l’histoire du soccer mondial. C’était le dernier match de la saison. Manchester City menait la Premier League par la différence de buts, à égalité aux points avec Manchester United. Les Citizens affrontaient Queens Park Rangers (QPR) à domicile. Le même résultat que United suffisait à City. QPR mène 2-1. United a les devants 1-0 face à Sunderland. Les partisans de City ont le visage crispé. À la 92e, Edin Džeko marque pour City. C’est 2-2. À la 94e, on nous montre en mortaise que United l’a emporté 1-0. La rumeur se propage à l’Etihad. Quelques secondes plus tard, Mario Balotelli passe le ballon à Sergio Agüero dans la surface de réparation. « Agüerooooooooooooooo ! », s’écrie Tyler. C’est 3-2. Un chaos de joie et d’euphorie s’ensuit. Martin Tyler nous fait alors sa promesse. Qui tient toujours, d’ailleurs.

Jean-François Tremblay

PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les Penguins ont remporté la Coupe Stanley en 2009.

Je suis partisan des Penguins depuis les belles années de Mario Lemieux. Mon affection pour la perle de la Pennsylvanie a survécu aux années Crosby, Letang et Fleury. Je n’ai été que plus heureux encore de découvrir que les trois joueurs sont aussi de chics types dans la vraie vie. Tout ça pour dire que j’étais sur le bout de mon siège vers la fin du septième match de la finale de la Coupe Stanley de 2009 entre les Penguins et les Red Wings. Je crois bien avoir revu en vidéo des dizaines de fois l’arrêt fabuleux de Marc-André Fleury sur Nicklas Lidstrom dans les dernières secondes du match qui scellait la victoire des hommes en jaune. Mais rien n’aurait pu battre le fait de vivre le moment en vrai. J’aurai au moins eu l’occasion de voir en personne un septième match de finale de la Coupe Stanley, entre les Bruins et les Blues, avant de retirer ma dactylo.