Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence.

Mathias Brunet

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Tim Raines en 1985

J’ai grandi en admirant les Expos. Je ne compte plus mes visites au Stade olympique, à 14, 15 ans, alors qu’on pouvait se faufiler dans les gradins populaires avec un billet de 1 $ (les pièces n’existaient pas encore !). Mes idoles de l’époque s’appelaient évidemment Gary Carter, Andre Dawson, Charlie Lea et Tim Raines. Le retour au jeu de Raines, le 2 mai 1987, demeure mon souvenir le plus mémorable à titre de jeune partisan. Après une grève de plusieurs semaines (tout à fait justifiée), Raines avait fait un retour au jeu à New York, au Shea Stadium, après un seul entraînement au bâton, désastreux. Contre toute attente, Raines, placé au troisième rang de l’ordre des frappeurs par le gérant Buck Rogers, avait frappé quatre coups sûrs en cinq, produit quatre points grâce à un retentissant grand chelem et les Expos, moribonds depuis le début de la saison, l’avaient emporté 11-7. Sept ans plus tard, Raines n’y était malheureusement plus, mais j’avais le bonheur de couvrir ma première partie de baseball en carrière, le 26 avril 1995, la rencontre d’ouverture des Expos au Three Rivers Stadium de Pittsburgh. Les Expos venaient de perdre leurs quatre vedettes Ken Hill, Marquis Grissom, John Wetteland et Larry Walker et on ne donnait pas cher de leur peau. Montréal et Jeff Fassero allaient remporter ce fameux premier match, mais la suite n’allait pas être jolie…

Frédérick Duchesneau

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Tim Wallach en mars 1989

Considérant que l’ado boutonneux que j’étais regardait une grande proportion des matchs, je ne sais trop pourquoi c’est celui-ci qui me revient en premier. À la mi-saison 1989, ça se passait plutôt bien pour les Expos de Buck Rodgers. Avec une quinzaine de matchs au-dessus de ,500, tous les espoirs étaient permis. Les Reds de Cincinnati étaient en ville pour une longue série de quatre matchs, ce que j’adorais. Après avoir gagné les deux premiers, les Expos tiraient de l’arrière 5-1 en fin de neuvième manche, devant 28 278 fans en ce samedi après-midi 22 juillet. Contre l’as releveur gaucher John Franco, mon préféré, Rex Hudler, a ouvert le bal avec un circuit de trois points dans la gauche. Trois frappeurs plus tard, Damaso Garcia en ajoutait un autre au même endroit, de deux points cette fois, pour couronner cette remontée spectaculaire. Victoire de 6-5. À ce jour, je ne comprends toujours pas comment Rodger Brulotte a pu survivre à tous ces « Damaso, Damaso, Damasoooooooo ». Malheureusement, les mois d’août et de septembre se sont moins bien déroulés. Fiche finale, la pire de toutes : 81-81.

Richard Labbé

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Larry Parrish et Gary Carter, le 15 septembre 1981

Tout le monde parle toujours de la saison 1994, et avec raison, mais moi, la saison qui m’a marqué, c’est celle de 1981. Je me souviens d’un conflit de travail au baseball majeur qui avait menacé de tout gâcher, mais le jeu avait fini par reprendre, et cette année-là, les Expos avaient un club spectaculaire, capable de fabriquer des points avec de la vitesse pure sur les sentiers. Chaque fois que Tim Raines était au premier but, on sentait que quelque chose allait se passer ! C’était le bon temps. Les Expos ont atteint les séries, et j’avais écouté avec mon père le cinquième et décisif match de la série face aux Phillies à la radio, à bord d’une chic XX Malibu garée dans le stationnement de la base de plein air Jouvence. Il faisait froid, il y avait de la buée dans les vitres de la voiture, et mon père, en attendant les trois derniers retraits, avait inscrit à la main un gros 3-0 dans la vitre de la voiture, en espérant que ce soit la marque finale. Eh bien, ça a fini 3-0, en effet, et la Série mondiale nous attendait ! C’est après qu’il y a eu Rick Monday, mais celle-là, elle est dans le tiroir des mauvais souvenirs.

Guillaume Lefrançois

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Cliff Floyd en 1994

Le 27 juin 1994. Les Braves débarquent à Montréal avec 1,5 match d’avance sur les Expos. En 1992, ma génération – celle qui n’a pas connu le début des années 1980 ni le Stade rempli – y a cru pour une première fois, et l’arrivée de Felipe Alou nous donnait de l’espoir. En 1993, les Expos ont chauffé les Phillies à la mi-septembre. En 1994, on y croyait pour vrai, et ce premier match d’une série de trois contre les Braves demeurera à jamais le point d’orgue du deuxième âge d’or des Expos. On était 45 000 au Stade olympique pour voir Ken Hill en route vers ce qui aurait pu être un trophée Cy-Young, pour voir Marquis Grissom s’amuser sur les sentiers, pour voir un jeune Cliff Floyd, encore plein de promesses, tutoyer Greg Maddux. Du haut du niveau 400, j’ai donc vu – surtout entendu, en fait – le circuit de trois points de Floyd en 7manche. Tout ça grâce à mon grand frère, qui m’a tout bonnement emmené à la balle ce soir-là. Merci encore, Richard !

Revoyez le match (le circuit de Cliff Floyd vient à 2:20:00)

Simon-Olivier Lorange

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Youppi !, mascotte des Expos

Bien que j’aie été un partisan actif des Expos, surtout au milieu des années 1990, je ne garde que des souvenirs éparpillés de mon amour pour nos Z’Amours. Les circuits de Henry Rodriguez, la domination de Pedro Martinez, les sauvetages d’Ugueth Urbina avant qu’il ne devienne un criminel… Je souris en repensant à cette époque où je lisais religieusement la rubrique « Le film du match » dans La Presse lorsque j’avais raté la partie la veille. Mon souvenir le plus net et le plus concret date toutefois de bien avant ça. Je devais avoir 6 ans et mon père avait obtenu des billets pour les Expos. Après six manches interminables, on commençait à regarder sérieusement vers la sortie, lorsque Youppi ! est arrivé au bout de notre rangée et s’y est engagé. Il nous arrive rarement, au cours d’une vie, de prendre conscience qu’on est sur le point de réaliser notre rêve le plus cher. J’ai pu cocher cette case ce soir-là. Une fois les « high-fives » donnés et reçus, nous avons bien sûr quitté le Stade, car la joute n’avait plus aucun intérêt.

Jean-François Tremblay

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Delino Deshields lors d’un match contre les Dodgers de Los Angeles, le 25 juillet 1992

Je pourrais raconter la fois où mon grand-père Jacques m’a fait découvrir le Stade olympique, le baseball et les Expos en une seule journée. Je pourrais raconter la fois où ma grand-mère Cécile a reçu une fausse balle en plein visage pendant qu’elle se penchait pour prendre ses Rothmans (elle a eu la moitié du visage mauve durant des semaines, mais son dentier a tenu le coup). Je pourrais vous raconter la fois où mon ami Dave et moi avons fait un concours de mangeurs de hot-dogs durant la journée hot-dogs à 1 $ (j’ai arrêté à sept, faute d’argent plus que d’appétit…). Je pourrais vous raconter la fois où le préposé à la billetterie nous a conseillé d’acheter un billet à 5 $ puis d’aller où on voulait en deuxième manche (j’étais collé sur le troisième coussin… pour 5 $). Je pourrais vous parler de la voix de Jacques Doucet qui m’endort (en secret de ma mère, qui ignorait que j’écoutais les matchs sur mon Walkman au lieu de dormir). Je pourrais revoir mon grand-père, en plein souper de famille, crier après sa radio de cuisine parce que Delino avait raté son vol de but. Au fond, c’était tout ça, les Expos.