Lysanne Richard a l’habitude de devoir composer avec le vent, les vagues, le reflet du soleil sur l’eau. Les oiseaux, même. Mais pas de se préoccuper de la proximité d’une passerelle. Ou de la superficie de l’étendue d’eau une vingtaine de mètres plus bas.

Dimanche matin, avec Yves Milord à ses côtés, elle a sauté des hauteurs du Centre sportif du Parc olympique. Objectif : être admise au Livre Guinness des records pour avoir réalisé le premier plongeon synchronisé en duo mixte d’une plateforme intérieure de 20 m. Un défi qu’elle avait « en tête depuis un bout de temps ».

Le tandem s’était entraîné samedi matin. Bien qu’elle plonge en haut vol depuis 20 ans, l’athlète du Saguenay admet avoir ressenti un certain stress. Jamais n’avait-elle sauté en synchro de la même plateforme qu’un autre plongeur.

« Partir sur le coin externe de la plateforme, ça fait bizarre. Naturellement, quand je m’entraîne, je pars au centre. Et mon visuel était épeurant parce que d’en haut, du coin, la passerelle a vraiment l’air près de moi », explique-t-elle.

Cette passerelle, qui permet d’accéder aux plateformes de 18 m et de 20 m, se trouve à une quinzaine de mètres du sol, donc environ cinq mètres en contrebas. Son coach Stéphane Lapointe l’avait assurée qu’elle ne courait aucun risque de la percuter.

« Mais à mon premier essai, j’ai quand même gaffé. Je n’ai pas osé ouvrir sur le côté », raconte la plongeuse.

Lysanne Richard
  • Lysanne Richard veut que soit homologué le premier plongeon synchronisé en duo mixte d’une plateforme intérieure de 20 m.

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    Lysanne Richard veut que soit homologué le premier plongeon synchronisé en duo mixte d’une plateforme intérieure de 20 m.

  • La plateforme de 20 m montréalaise a été inaugurée quelques jours à peine avant la pandémie de COVID-19.

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    La plateforme de 20 m montréalaise a été inaugurée quelques jours à peine avant la pandémie de COVID-19.

  • En 2019, l’athlète de Saguenay a pris le deuxième rang du classement mondial de la FINA.

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    En 2019, l’athlète de Saguenay a pris le deuxième rang du classement mondial de la FINA.

  • Yves Milord et Lysanne Richard en action au Centre sportif du Parc olympique

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    Yves Milord et Lysanne Richard en action au Centre sportif du Parc olympique

  • Lysanne Richard n’avait jamais sauté en synchro de la même plateforme qu’un autre plongeur.

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    Lysanne Richard n’avait jamais sauté en synchro de la même plateforme qu’un autre plongeur.

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Une fois sortie du bassin, elle a bien vu, à la vidéo, que le dégagement était suffisant. Le lendemain matin, il ne restait qu’à valider quelques détails avant de s’élancer.

Donc, à 10 h 30 et des poussières, dimanche, premier essai. Insatisfaisant. La synchronisation n’y est pas.

« Le défi était aussi de partir ensemble. Quand on a raté, c’est qu’il y avait un peu de stress de réussir la synchro. Et dans les airs, ça déconcentre, fait valoir la plongeuse. On se demande si on est synchro au lieu de rester sur ce qu’on a à faire. »

Lysanne Richard et Yves Milord remontent.

Stéphane Lapointe crie des consignes à sa protégée. De là-haut, à quelques mètres du plafond, sa réponse est à peine audible.

Cette fois, le résultat sera à la hauteur. Le plongeur n’aime pas son entrée à l’eau, mais ce n’est pas l’objet de la tentative. La synchronisation est au rendez-vous. Tout le monde est content.

Une fois que sera terminé le montage d’Optique Vidéo, spécialiste du drone, et de Zig Zag Sport, présents sur place pour capter l’évènement, on enverra le tout à qui de droit chez Guinness. La réponse se fera attendre pendant environ trois mois. N’eût été la pandémie, des responsables de l’organisation se seraient déplacés, et le délai aurait alors été nettement plus faible.

« On a réussi notre synchro, l’exploit qu’on voulait faire, on l’a réussi, affirme Lysanne Richard. Maintenant, est-ce que ça sera accepté dans le livre ? On va le savoir plus tard. »

Partie remise pour l’autre saut

Au début du week-end, le tandem comptait enregistrer un deuxième défi de la même hauteur : un plongeon dit en javelin. Dos à dos au départ de la plateforme, Yves exécutant ensuite un saut périlleux avant, elle, un périlleux arrière.

« Dans cette trajectoire-là, je vais loin parce qu’Yves me lance dans les airs », explique la plongeuse.

Ils l’ont essayé du 10 m samedi. Mais au vu du résultat, on a craint que Lysanne soit propulsée « dangereusement près du bord [du bassin] et de ses petites plateformes ».

« On a dormi là-dessus et on a recalculé ce matin [dimanche] parce qu’on souhaitait vraiment le faire », lance l’athlète de 39 ans.

Après la prise de mesures, on a envisagé un angle de départ différent. Mais, dans ce scénario, on risquait plutôt une collision sous l’eau entre les deux plongeurs.

Ce sera donc partie remise, en milieu naturel, en Beauce. Où elle plongera par ailleurs dans un lac glacé prochainement.

Ce que voulait d’abord Lysanne Richard lors du week-end, c’était de « célébrer cette plateforme ». C’était la première raison d’être du tournage. Puis, ils se sont demandé comment rendre celui-ci « encore plus cool ». La quête de records Guinness est devenue la cerise sur le gâteau.

La plateforme de 20 m montréalaise – où s’entraînent actuellement deux plongeuses, en plus de la Québécoise – a été inaugurée quelques jours à peine avant la pandémie. Des camps devaient s’y tenir ; ils ont évidemment été annulés.

Seule la Russie compte aussi une plateforme de 20 m intérieure, et son accès est beaucoup plus difficile. Il n’aurait pas été possible d’y exécuter un plongeon en synchro.

Le Centre sportif sert entre autres à « faire ce qu’on ne peut pas faire ailleurs », dit Alain Larochelle, vice-président, développement commercial, au Parc olympique.

« Ce sont des endroits comme celui-ci qui vont permettre d’amener le haut vol aux Jeux olympiques. Parce qu’un des défis du sport, c’est qu’il n’y a pas d’endroit pour pratiquer », relève Lysanne Richard.

De la Place Laurier à l’hélico

En 2019, la Saguenéenne a pris le deuxième rang du classement mondial de la FINA et le troisième du circuit Red Bull Cliff Diving.

Le calendrier de cette année n’est pas encore divulgué. Elle y sera. Mais…

J’ai des projets qui m’emballent plus que les compétitions en ce moment. C’est sûr que j’y retourne, mais ce ne sera plus autant mon focus principal.

Lysanne Richard

Ce qui la branche présentement ? Le travail d’équipe, l’exploration de projets inédits au Québec, la création, un besoin sans doute issu de ses années dans le monde du cirque. La pandémie – et l’absence de compétition qu’elle a engendrée – lui a d’ailleurs donné le temps de mettre en branle plusieurs de ces idées.

Yves Milord en fait souvent partie. Il pratique le plongeon de haut vol depuis 1981. « L’année de ma naissance ! », lance Lysanne Richard.

Les deux se sont croisés pour la première fois à la Place Laurier de Sainte-Foy, alors que la plongeuse, âgée de 12 ans, était en sports-études.

Un entraîneur du programme, aussi visionnaire qu’original, avait fait plonger ses élèves d’un étage à l’autre du centre commercial pour amasser des fonds !

Yves Milord – qui possède Milord Entertainment – avait été engagé pour monter sa piscine extérieure de plongeon avec tour à l’intérieur de la Place Laurier.

Depuis, ils ont fait connaissance et participé à des spectacles ensemble.

Parmi les nombreux projets de Lysanne Richard, il y a celui de plonger à partir d’un hélicoptère. Yves Milord l’ayant déjà fait, il pourra la conseiller.

« Quand il juge que ce n’est pas sécuritaire, il va me le dire. Je suis tellement willing que peut-être que je m’en rendrais compte un peu plus tard ! », admet la plongeuse.

Son ami et son coach lui servent de références. Bien entourée, elle ne courra aucun risque inutile.

« On est téméraires, mais prudents », dit Yves Milord.