Ça fait un mois que le sport organisé a cessé en zone rouge. C’est long. Pour les enfants. Pour les parents. Pour les entraîneurs. Tous se demandent : à quand le déconfinement ?

Réponse courte : pas tout de suite.

Réponse longue : ci-dessous.

La ministre responsable des Sports, Isabelle Charest, travaille sur un plan de reprise. Chaque jour, son équipe et celle de la Santé publique en discutent. Comment ça se passe ?

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre responsable des Sports, Isabelle Charest

« Ça s’en va dans la bonne direction, m’a-t-elle confié lundi après-midi. La Santé publique est consciente que les contraintes qui sont mises, ça ne peut pas durer tout le temps. Quelque part, ça va “clasher”. Il va y avoir une rébellion. Ça ne fonctionnera pas. C’est un peu ça, aussi, tous les effets négatifs d’un confinement sur la santé mentale et physique à long terme. »

Ça va « clasher » ?

Une rébellion ?

Des mots forts. Mais réalistes. Après tout, même à la tête du gouvernement, le confinement du sport fait des mécontents. Je cite le premier ministre François Legault, le 15 octobre : « Le D[Horacio] Arruda le sait, il y a une mesure que je n’aime vraiment pas, c’est [l’arrêt du] sport pour les jeunes. C’est une question d’équilibre. Il y a la Santé publique, mais il y a aussi la santé mentale et la qualité de vie pour nos jeunes. »

Le message a été entendu. Depuis quelques jours, « on commence à sentir plus d’ouverture de la Santé publique sur des aménagements », indique Isabelle Charest. Après l’Halloween, lorsque le nombre de cas a chuté, la ministre a d’ailleurs cru que les conditions gagnantes pour un déconfinement étaient réunies.

« La semaine dernière, je vous aurais dit que j’étais très, très, très confiante.

– Très, très, très confiante ?

– On voyait que ça commençait à descendre. On se disait : peut-être qu’on est en train de prendre le contrôle [sur le nombre de cas]. On s’encourage avec ça. Maintenant, ça repart. Il faut être prudents dans notre optimisme. »

En cinq jours, le nombre de cas a explosé. De 871 à 1397. Ce n’est pas le seul facteur dont la Santé publique tient compte, précise-t-elle. Mais « on voit les cas qui augmentent. C’est sûr que ça va peut-être vouloir dire qu’on met sur la glace le déconfinement ».

Pour combien de temps encore ? Les jeunes pourront-ils faire du sport d’ici Noël ?

« Je suis optimiste. Mais une optimiste réaliste. Je sais que ça dépendra de tout un chacun. »

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Bien qu’on ignore la date du déconfinement, on sait à peu près comment ça va se passer. Et ce sera différent de la reprise de mai dernier.

Souvenez-nous : les sports individuels et extérieurs avaient eu priorité sur les disciplines collectives et intérieures. Cette fois, il n’y aura pas de distinction. Ni de discrimination entre les réseaux civils, scolaires et parascolaires, me dit-on. Tous les jeunes pourront reprendre leurs activités, à la condition de respecter trois règles :

1— pas de rassemblements ;

2— pas de contacts ;

3— deux mètres de distance en tout temps.

Là-dessus, la Santé publique est inflexible. Les fédérations sportives devront s’adapter. Elles sont prêtes à le faire, précise la ministre. « Dans l’évolution des discussions avec la Santé publique, ça aide. »

Tout indique que les regroupements hors de la surface de jeu — vestiaires, gradins, lobby d’aréna — seront interdits. Dans un monde idéal, illustre la ministre Charest, « on pourrait téléporter le monde directement sur la glace, et une fois que c’est fini, les gens retourneraient chez eux ».

Deuxième règle : pas de contacts. Les sports de combat — comme la boxe et le judo — seront évidemment touchés. Le hockey ? Les mises en échec étaient déjà interdites cet automne, sauf dans la LHJMQ. Ce sera le statu quo. La ministre m’a confirmé que le Québec n’imitera pas l’Ontario, qui a proscrit les mises en échec dans le junior majeur. Pas question non plus de s’inspirer du Massachusetts et d’imposer le port du masque pour les joueurs sur la glace, me confirme une autre source. La Santé publique s’y oppose.

Enfin, les athlètes devront conserver deux mètres de distance entre eux. Un gros problème dans les sports d’équipe, comme le hockey, le volleyball et le basketball. Conséquence : au moment de la reprise, seuls les entraînements seront permis.

« Un contexte de jeu au hockey est plus problématique qu’un contexte de pratique, indique la ministre. Si tu respectes la distanciation, tu es capable de faire une pratique. Mais un match de hockey, c’est sûr qu’il y a un contact plus direct. Pour le moment, c’est plus difficile. »

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La pandémie décime le sport québécois.

Avant, on s’en doutait. Maintenant, on a des chiffres. Car les professeurs Éric Brunelle et Richard Legendre, du pôle sport HEC Montréal, ont interviewé 38 dirigeants de fédérations et d’organisations sportives du Québec. Les données sont catastrophiques :

– toutes les fédérations rapportent une baisse des inscriptions ;

– la majorité des fédérations ont perdu entre 20 % et 40 % de leurs membres ;

– 82 % des fédérations prévoient une baisse de leurs revenus.

Les répondants sont aussi très critiques envers la Santé publique et le manque de leadership du gouvernement.

« Le sport québécois a beaucoup souffert et souffre encore beaucoup de cette pandémie, souligne Richard Legendre. Cependant, il a eu l’élégance de ne pas trop le montrer. Il ne faudrait pas, comme société, se laisser tromper par cette force du mental. Depuis huit mois, le sport québécois a fait preuve d’un très, très bel esprit d’équipe en matière de responsabilité sociale. »

C’est vrai.

Isabelle Charest est d’ailleurs d’accord avec plusieurs constats de l’étude.

« Ce que cette pandémie a permis de faire, c’est de voir à quel point le milieu sportif est important dans une société. La pause obligatoire vient nous montrer que le sport est un élément majeur, qui touche plusieurs sphères de la population. Ça me donne des munitions pour faire développer des choses. Et c’est un peu la raison de mon implication en politique — faire avancer les dossiers. »