Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence. La question de cette semaine est inspirée de la suggestion d’un lecteur, Richard Laurin.

Miguel Bujold

C’était après un entraînement des Alouettes au stade Hébert à Saint-Léonard, en août 2016. Je faisais une entrevue avec Jim Popp, un « one on one » comme on dit dans le métier. L’enregistreur était sorti, alors il n’y avait pas d’ambiguïté… Popp était l’entraîneur-chef et le DG du club à cette époque et c’était une saison difficile. Rien en comparaison de ce qui allait suivre en 2017 et en 2018, mais difficile quand même. La question était tellement anodine que je ne me souviens plus tout à fait des détails, à l’exception qu’elle portait sur la saison suivante. La réponse du bon Jim m’a jeté sur le derrière : « Je ne serai plus ici l’an prochain ! » Popp parlait du poste d’entraîneur-chef, mais savait que ses jours comme DG étaient également comptés. Ce n’était pas le scoop du siècle, mais nos lecteurs ont appris que le règne de plus de deux décennies de Popp chez les Alouettes tirait à sa fin. Il a été remplacé comme entraîneur par Jacques Chapdelaine deux semaines plus tard, puis a été remercié comme DG au terme de la saison. Ce qui allait nous donner l’ère Kavis Reed, qui a été un peu plus courte.

Mathias Brunet

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Thierry Henry, entraîneur en chef de l’Impact de Montréal

C’est arrivé récemment, lors d’une entrevue avec Wilfred Nancy, entraîneur adjoint de l’Impact. Il me glisse en début d’interview avoir déjà croisé Thierry Henry sur les terrains de foot en France vers l’âge de 16, 17 ans. Ça semble anodin. Il n’en dit pas plus. L’interview est terminée. Je lui demande, de façon presque machinale, s’il a joué souvent ainsi, adolescent, contre la légende du foot devenue entraîneur en chef de l’Impact. Thierry Henry n’est pas n’importe qui, après tout. Wilfred Nancy me répond que lors d’un match, où il agissait comme défenseur central, Thierry Henry, à l’aube d’une grande carrière, voulait faire un jeu truqué sur un coup franc en donnant ses instructions en créole. Nancy, d’origine antillaise comme Thierry Henry, a tout pigé et prévenu ses coéquipiers de se préparer, au grand étonnement de Thierry Henry. Ils se sont parlé après le match. Une amitié est née. Ils se sont retrouvés une vingtaine d’années plus tard. Ce ne fut pas un scoop, mais une jolie façon de commencer mon texte. Les dernières questions sont souvent les meilleures…

Simon Drouin

IMAGE ARCHIVES LA PRESSE

Une de La Presse du 13 juin 2012, sur laquelle était annoncé l’accident du plongeur Alexandre Despatie, à un mois et demi des Jeux olympiques de Londres.

Le 12 juin 2012, à un mois et demi des Jeux olympiques de Londres, je préparais une rétrospective photographique de la carrière d’Alexandre Despatie. Au téléphone, sa mère, Christiane, racontait l’histoire derrière son premier maillot, acheté quand il avait 3 mois et sur lequel, par pur hasard, il était inscrit « dive ». La conversation s’est arrêtée net. Elle venait d’apprendre que son fils avait subi un accident sérieux en Espagne. Par son ton consterné, j’ai senti que l’heure était grave. On comprendra par la suite que le double médaillé olympique s’était littéralement scalpé en heurtant le tremplin lors d’un triple saut périlleux à l’entraînement. À une époque où les réseaux sociaux commençaient à prendre de l’expansion, mon patron Jean-François Bégin craignait que l’information ne soit rapportée ailleurs. On avait finalement convenu d’attendre la publication du journal le lendemain. Ce fut probablement mon dernier scoop « papier » en page A1 de La Presse. Et pour l’obtenir, je n’ai même pas eu à poser une question, fût-elle anodine.

Frédérick Duchesneau

PHOTO JEANNOT LÉVESQUE, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Mêlée générale du 22 mars 2008 entre les Remparts de Québec et les Saguenéens de Chicoutimi. Devant le filet de Québec, Jonathan Roy avait traversé la patinoire pour s’en prendre au gardien de Chicoutimi, Bobby Nadeau.

Vous vous souvenez sans doute de la mêlée générale du 22 mars 2008 entre les Remparts de Patrick Roy et les Saguenéens de Richard Martel. Devant le filet de Québec, Jonathan Roy, fils de Patrick, avait traversé la patinoire pour s’en prendre au gardien de Chicoutimi, Bobby Nadeau. Ce dernier n’a jamais voulu engager le combat, ce qui n’avait pas empêché Roy de le rouer de coups. J’étais à l’époque journaliste à La Voix de l’Est et le père de Patrick Roy habitait sur notre territoire. Simplement appelé à commenter la suspension de sept matchs de son petit-fils, Michel Roy avait eu cette réponse : « Je n’ai pas à me prononcer sur le nombre de matchs. Mais ce que je souhaiterais, c’est que la Ligue prenne des mesures pour bannir les batailles. Entre 16 et 20 ans, ils ne devraient pas se battre à coups de poing, ils devraient apprendre le hockey. » Tiens, tiens… Surprenante était sa réponse puisque cette opinion n’était alors pas très répandue. Mais, plus surprenant encore, on en est encore là, 12 ans plus tard, à parler de ce même sujet. À la différence que cette fois-ci, c’était une question à 20 millions de dollars…

Richard Labbé

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Alexandre Parenteau (deuxième à partir de la droite), en novembre 2014, non loin de l’ex-entraîneur du Canadien Michel Therrien

Pour un journaliste, Pierre-Alexandre Parenteau était un cadeau du ciel. Une bouffée d’air très frais. Franc, original, l’attaquant québécois était de cette rare race de joueurs qui se présentent sans filtre et qui aiment dire tout ce qu’ils pensent, absolument tout. Ainsi, par un après-midi de 1er juillet, Parenteau décida d’aller poursuivre sa carrière chez les Maple Leafs de Toronto. Je l’ai joint sur son portable, et au lieu de me sortir une série de clichés pour expliquer sa décision de quitter le Canadien, il avait plutôt offert cette perle de franchise : « Ça fait toujours du bien de jouer pour un coach qui te veut. » La flèche, empoisonnée au possible, visait bien sûr son ex-entraîneur Michel Therrien, et c’est aussi la première chose que le réseau TSN avait retenue au moment de commenter cette embauche en ondes, quelques minutes plus tard. Cette citation était encore plus savoureuse qu’une autre, offerte quelques mois auparavant avant la venue de l’Avalanche du Colorado, quand Parenteau m’avait tout bonnement rappelé que ce n’était pas Patrick Roy qui avait inventé le hockey.

Guillaume Lefrançois

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Ben Cahoon, des Alouettes de Montréal, en octobre 2010

L’anecdote de Miguel nous rappelle à quel point il faut être prêt à tout avec un verbomoteur comme Jim Popp. Comme dans ce cas-ci. En janvier 2011, les Alouettes venaient de gagner la Coupe Grey pour la deuxième année de suite. Ben Cahoon avait ralenti, mais il était toujours là et au défilé, il s’était dit capable de jouer encore un an ou deux. N’empêche qu’on se demandait s’il allait accrocher ses crampons. Par un beau vendredi soir, on décide donc d’appeler Popp pour aller aux sources, avec des attentes modérées. Le DG n’allait certainement pas « scooper » le joueur le plus respecté de son vestiaire en annonçant à sa place sa retraite, non ? On paraphrase la réponse de Popp : « Ben a vraiment tout accompli. Notre porte sera toujours ouverte s’il veut continuer, mais il en a tellement fait dans sa carrière. Je ne sais pas ce qu’il a à gagner à jouer une autre saison. » Quelques jours plus tard, Cahoon convoquait les médias pour annoncer sa retraite.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

En mars 2019, la jeune Athena Gervais, 14 ans, a été retrouvée sans vie dans un ruisseau derrière une école de Laval. Une discussion informelle avec un de ses amis mène à une confession saisissante : avec Athena, ils ont volé des boissons alcoolisées FCKD UP au dépanneur du coin et en ont « calé » quelques heures avant sa mort.

Je m’écarte un peu du sport… et de la bonne humeur. En mars 2019, on m’envoie faire le suivi sur une triste histoire : le retour en classe après que la jeune Athena Gervais, 14 ans, a été retrouvée sans vie dans un ruisseau derrière une école de Laval. Une discussion informelle avec un de ses amis mène à une confession saisissante : avec Athena, ils ont volé des boissons alcoolisées FCKD UP au dépanneur du coin et en ont « calé » quelques heures avant sa mort. La nouvelle a eu l’effet d’une bombe. Le soir même, la chaîne Couche-Tard a annoncé qu’elle retirait ce produit de ses rayons. Le surlendemain, son fabricant en a cessé la production, et au cours des jours suivants, Québec a interdit la vente de boissons sucrées à forte teneur en alcool dans les dépanneurs. L’affaire a aussi eu des échos à Ottawa.

Alexandre Pratt

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Édition des Sports de La Presse du 9 octobre 1999

Automne 1999. Jeffrey Loria est sur le point d’acheter les Expos. Mais il fuit les médias. Aucune photo. Aucune déclaration publique. Rien. Depuis des mois. Dans un vieux bottin téléphonique de la ville de New York, je trouve un J LORIA. Est-ce lui ? Aucune idée. J’appelle. Un homme répond. « Bonjour. Êtes-vous Jeffrey Loria, le marchand d’art qui veut acheter les Expos ? » Silence. Loooooong silence. Je m’apprête à raccrocher lorsque l’homme se manifeste. « Oui. C’est moi. Que voulez-vous savoir ? — Est-ce vrai que vous allez acheter les Expos ? — Vous savez, mon rêve, ce serait de posséder une équipe de baseball composée de grands maîtres. Comme Vladimir Guerrero. Je suis un amateur d’art qui ne se satisfait que de chefs-d’œuvre. » Wouah. Dans la bouche d’un homme de peu de mots, c’était toute une citation ! Elle nous a d’ailleurs inspiré cette mise en page, signée par la graphiste Christine Larose, l’une des préférées de ma carrière.