Joan Roch a surmonté les obstacles pour réussir son pari fou de parcourir à la course le trajet entre Percé et Montréal.

Il était un peu passé 16 h mardi quand Joan Roch a pénétré dans le parc de la Commune, à Varennes. À sa droite, le fleuve Saint-Laurent, qu’il longeait littéralement depuis Percé. À l’horizon, le mont Royal, sa destination ultime. Après deux semaines de galère, il savait qu’il avait réussi.

« Depuis, je flotte sur un nuage. Disons que c’était très émotif comme moment. »

Au téléphone depuis sa résidence de Longueuil, Joan Roch partageait son soulagement mercredi. Au petit matin, il avait franchi les 15 kilomètres le séparant du belvédère Kondiaronk du mont Royal, dernière étape symbolique de son périple de 1135 km amorcé le 4 août au cap Mont-Joli, face au rocher Percé.

À son grand bonheur, une cinquantaine de coureurs se sont joints à lui à partir du parc La Fontaine, l’accompagnant ensuite sur les gravillons du chemin Olmsted, jusqu’au sommet, où sa fiancée et ses trois enfants l’attendaient. Autre moment d’émotion pour l’ultramarathonien de 46 ans.

Malgré de très longues courses que j’ai faites dans ma vie – et j’en ai fait de vraiment longues –, c’est la première pour laquelle je pleurais à la fin.

Joan Roch

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L’ultramarathonien Joan Roch à son arrivée au parc du Mont-Royal, après avoir parcouru 1135 km entre Percé et Montréal.

L’aventure a duré cinq jours de plus que prévu. Roch s’y était lancé presque sur un coup de tête, après que la COVID-19 a forcé l’annulation de trois épreuves de plus de 300 km auxquelles il était inscrit. Percé-Montréal pour des « vacances actives » ? Pourquoi pas !

« Mal renseigné », le coureur a été surpris par la topographie accidentée de la Gaspésie, qu’il ne connaissait pas. Le vent, le soleil et la canicule ont aussi ralenti sa progression. Après deux premières journées costaudes d’une centaine de kilomètres, il a frôlé l’insolation. « J’étais porté par l’enthousiasme de la jeunesse ! »

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L’ultramarathonien Joan Roch a traversé tôt mercredi matin le pont Jacques-Cartier. Il a couru 1135 km, de Percé à Montréal.

À la fin de la quatrième journée, une mystérieuse douleur à une jambe a commencé à l’inquiéter. Le mal s’est intensifié au point où il a dû s’arrêter une journée aux urgences à Rimouski. « Au début, je confondais ça avec une blessure liée à la course à pied, ce qui aurait été une issue logique. Mais ça n’avait rien à voir. »

Les médecins lui ont plutôt diagnostiqué une cellulite, infection bactérienne de la peau qu’il a pu soigner avec des antibiotiques. « Au final, j’ai reçu le feu vert des médecins. C’était douloureux, mais je pouvais continuer de courir sans risquer de me blesser gravement. »

D’un bout à l’autre du Québec, des centaines de personnes, coureuses ou non, l’ont soutenu, nourri, logé, encouragé et conseillé. Sa fiancée, qui gérait les communications à distance, a dû refuser de nombreuses offres.

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L’ultramarathonien Joan Roch a traversé tôt mercredi matin le pont Jacques-Cartier. Il a couru 1135 km, de Percé à Montréal.

« Des gens ont transporté mon sac, qui était bien trop lourd, d’un endroit à l’autre, ce qui m’a permis de courir beaucoup plus léger. Je n’avais rien demandé à personne. Je ne sais pas s’ils ont eu pitié de moi, mais ils ont participé de manière absolument magistrale ! »

Cet appui l’a aidé à passer à travers les coups de blues. Le défi n’avait rien à voir avec les épreuves en montagne de 160 km auxquelles il s’est déjà frotté.

« Je devais repartir tous les matins, sachant ce qui m’attendait à nouveau le lendemain : courir, marcher, avancer, parfois pendant 13 à 14 heures. C’est évidemment un effort physique, mais c’est avant tout un effort mental. Je suis rentré dans le mur plusieurs fois par jour pendant deux semaines, si on veut. »

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Ses trois enfants l’attendaient au sommet. Autre moment d’émotion pour l’ultramarathonien de 46 ans.

Malgré tout, Joan Roch a pu maintenir un rythme de près de deux marathons quotidien, chaussé de simples sandales.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE DE JOAN ROCH

« 560 km derrière, 540 devant », écrit Joan Roch au milieu de sa course.

« C’est inspiré de sandales traditionnelles de course en cuir, légèrement modernisées », a expliqué celui qui a laissé tomber les chaussures depuis trois ans. « C’était parfait. C’est un pari que j’ai fait. Ce n’était pas gagné, mais je savais de toute façon qu’il n’y avait pas de recettes miracles pour courir 1100 kilomètres. »

Sur le mont Royal, il a remis à un représentant de la mairesse Valérie Plante une lettre signée par son homologue de Percé, Cathy Poirier.

Après avoir perdu une dizaine de livres, Roch compte les reprendre en se gavant de viennoiseries dans les prochains jours. D’ici novembre, il rédigera son deuxième livre, qui fera évidemment la part belle à son raid entre la Gaspésie et Montréal.

Entre deux pages, il jettera peut-être un œil ébahi à son itinéraire sur son écran d’ordinateur. « C’est hallucinant, la distance que j’ai parcourue, le dessin tracé par mes deux pieds sur la carte du Québec. Quand je vois l’ampleur du trajet, je me fais quasiment peur en me disant : ce n’est pas possible. »

La fois où…*

La fois où… j’ai le mieux mangé « Le quatrième soir, à Grosses-Roches, un couple que je ne connaissais pas du tout m’a reçu dans un chalet sans électricité sur le bord de fleuve. L’eau arrivait d’une source par gravité. Ils m’ont servi un délicieux repas froid de fruits de mer. Il y avait tout un choix de plats absolument incroyable. Je me souviens que c’est le premier soir où j’ai retrouvé l’appétit – parce que la course ralentit la digestion. J’ai commencé par une petite assiette, ne sachant pas si j’allais avoir faim. Je me suis servi encore et encore… »

La fois où… j’ai le mieux dormi « Après ce repas à Grosses-Roches… J’ai dormi sur un matelas de sol, sans jamais me réveiller, ce qui n’est pas toujours le cas quand on a mal aux jambes. Je me suis levé juste avant qu’un magnifique soleil se lève sur le fleuve. »

La fois où… j’ai éclaté de rire « Vers Sainte-Flavie, ce n’était pas ma meilleure journée de course, j’avais très mal à la jambe encore à ce moment-là. Pour une raison quelconque, ça allait bien, le moral était bon. Il pleuvait et je me suis mis à chanter La Marseillaise parce que j’étais tout seul au milieu de nulle part et que ça ne dérangeait personne ! Ça faisait du bien de se défouler un peu et de changer le mal de place. »

La fois où… j’ai été le plus surpris « Passé Le Bic, sur la Route verte, on est dans une petite vallée où il faisait une chaleur à mourir. Pas un souffle de vent et le soleil plombait depuis des heures. Une voiture a surgi de nulle part. En est sorti un gars avec une grosse barbe rousse, habillé en coureur. Il m’a tendu un petit pot Mason. Il venait juste de faire un jus de pomme, gingembre et carottes. Il a marché avec moi 20 minutes et il est parti faire son entraînement de course en sentier. Je n’en reviens juste pas qu’il ait réussi à me trouver sur cette route. C’était magnifique et rafraîchissant. »

La fois où… j’ai cru devoir abandonner « Les fois où j’ai cru devoir abandonner [rires]… Quand j’ai commencé à avoir mal à la jambe et que j’ai vécu une insolation, la nuit a été très inconfortable. Mon corps était brûlant et je me couvrais de serviettes pour essayer de me rafraîchir. Ce n’était pas très efficace. J’avais des nausées. Ce n’était pas rassurant du tout. Heureusement, ça s’est dissipé le lendemain matin. »

*Inspiré d’une formule employée dans le livre de Joan Roch, Ultra-ordinaire : journal d’un coureur, 2016, Les Éditions de l’Homme, 255 pages.

  • Arrivée de Joan Roch à Montréal

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    Arrivée de Joan Roch à Montréal

  • L’ultramarathonien Joan Roch a traversé tôt mercredi matin le pont Jacques-Cartier.

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    L’ultramarathonien Joan Roch a traversé tôt mercredi matin le pont Jacques-Cartier.

  • Des coureurs ont encouragé Joan Roch à son arrivée.

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    Des coureurs ont encouragé Joan Roch à son arrivée.

  • Dans les rues de Montréal, avec des amis et des membres de la famille.

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    Dans les rues de Montréal, avec des amis et des membres de la famille.

  • L’ultramarathonien Joan Roch à son arrivée au belvédère du mont Royal

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    L’ultramarathonien Joan Roch à son arrivée au belvédère du mont Royal

  • Ses trois enfants l’attendaient au sommet. Autre moment d’émotion pour l’ultramarathonien de 46 ans.

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    Ses trois enfants l’attendaient au sommet. Autre moment d’émotion pour l’ultramarathonien de 46 ans.

  • L’ultramarathonien au parc du Mont-Royal, après avoir parcouru 1135 km entre Percé et Montréal.

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    L’ultramarathonien au parc du Mont-Royal, après avoir parcouru 1135 km entre Percé et Montréal.

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