Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence. N’hésitez pas à nous envoyer votre opinion.

Simon Drouin

J’ai failli vomir après avoir tapé un texte assis à l’arrière d’une auto louvoyant sur les routes de la Corse durant une étape du Tour de France. J’ai écrit au milieu de partisans soûls dans un McDonald’s de Kitzbühel et un train bondé à Innsbruck. J’ai aussi enduré les flatulences d’un collègue sur la tribune de presse exiguë de l’aréna de Nashville pendant un match du Canadien. Mais je retiens surtout un papier rédigé à l’heure de tombée aux Jeux olympiques de Pékin. Victime d’hyperventilation, Marie-Hélène Prémont avait abandonné l’épreuve de vélo de montagne de façon prématurée. Debout en bordure de parcours, nous étions une poignée de journalistes à attendre la malheureuse cycliste. Le temps filait et j’entendais presque les presses ronronner de la Chine. Je me suis donc improvisé un bureau : une belle grosse poubelle rectangulaire, juste à côté des vadrouilles. J’ai fait mon possible pour ne pas envoyer un torchon.

Mathias Brunet

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Wayne Gretzky et ses coéquipiers célèbrent leur but marqué contre Tom Barrasso des Penguins de Pittsburg le 18 avril 1999 au Madison Square Garden. Il s’agissait du dernier match en carrière de La Merveille. 

Je n’ai jamais aimé travailler au Madison Square Garden. Les journalistes étaient installés dans les gradins, dans un coin, à l’arrière du but, à quelques rangées de la glace. Dans les belles années de Gretzky, nous étions assis à une rangée de la célèbre Janet, son épouse, mais pour travailler, il s’agissait de conditions exécrables. Pendant deux périodes sur trois, il fallait presque des jumelles pour voir le Canadien à l’œuvre en zone offensive. L’accès au vestiaire était difficile. Il fallait repasser par les gradins, et souvent par quelques gars un peu « chauds » en fin de match, retrouver le corridor derrière la salle de presse avant de prendre l’ascenseur pour enfin parvenir aux vestiaires. À l’époque, les journalistes voyageaient avec l’équipe. Le bus quittait l’aréna en direction de l’aéroport 45 minutes après le match. Il fallait se dépêcher à recueillir les commentaires, lire nos résumés de vestiaires à un collègue au bureau en espérant qu’il en fasse un texte cohérent parce qu’il n’y avait pas encore l’internet. Toujours beaucoup de stress à New York…

Miguel Bujold

En 2013, les Tiger-Cats jouaient au stade de l’Université de Guelph parce que leur nouveau stade était en construction. C’est à cet endroit qu’ils avaient accueilli les Alouettes en demi-finale de l’Est. Il avait plu toute la journée, alors un plastique, qui ressemblait drôlement à un rideau de douche, avait été installé devant la galerie de presse afin de protéger les ordinateurs. Le problème, c’est qu’on ne voyait plus ce qui se déroulait sur le terrain. J’avais donc regardé l’action sur un petit téléviseur. Il y avait un décalage de cinq secondes, alors on entendait réagir la foule avant de voir les jeux… Sean Whyte avait raté deux placements et les Als s’étaient fait éliminer, 16-13. Près de la « chambre » des Alouettes (une roulotte géante aux abords du stade), il y avait de la boue partout et on ne pouvait éviter de marcher dedans. Pluie, froid, boue, et un match en différé sur un écran de 20 pouces. Pas tout à fait un Super Bowl dans le Sud.

Philippe Cantin

Côté « installations », j’ai surtout été chanceux. Mes beaux souvenirs sont nombreux : la salle de presse du Tournoi des Maîtres, la tribune des journalistes du vieux Garden de Boston avec sa vue unique sur la patinoire, les installations de Wimbledon… Pour trouver des lieux moins appropriés au travail, je dois me creuser les méninges. Mais j’ai été étonné par le deuxième amphithéâtre de hockey aux Jeux olympiques de PyeongChang, en 2018. On parle ici d’un édifice neuf où, assis à la tribune de presse, il était impossible d’apercevoir la partie de la patinoire la plus rapprochée de notre siège, et cela sur toute la longueur de la glace. À l’époque, je me suis demandé quel cerveau avait imaginé une configuration pareille. Je me pose encore la question aujourd’hui. Ma surprise tient aussi au fait qu’aux JO, les places des médias dans les amphithéâtres sont généralement extraordinaires. Ainsi, aux Jeux de Londres, en 2012, j’ai vu la finale de tennis masculin (Andy Murray c. Roger Federer) d’un endroit dont tous les amateurs auraient rêvé. Je me pince encore pour y croire.

Richard Labbé

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le stade Ivor Wynne, à Hamilton

Mes cinq années de couverture du football canadien ont laissé des souvenirs à la fois folkloriques et mémorables. Il y a 20 ans, un voyage pour couvrir un match des Alouettes à Hamilton était toujours une bonne source de divertissement. D’abord, il y avait le stade Ivor Wynne, vétuste à souhait, avec son ascenseur qui menaçait de chuter à tout moment et sa galerie de presse de la taille d’un placard. Ensuite, il y avait le stationnement du stade, qui pouvait accueillir environ trois voitures. Je me souviens d’une fois où le responsable des communications des Tiger-Cats nous avait « trouvé » du stationnement… Mais cinq minutes plus tard, en plein match, on apprenait par l’annonceur de la galerie de presse que la voiture d’un collègue était en train d’être remorquée ! Et pour finir, en fin de match, on recevait toujours en pleine face la boucane toxique émanant des aciéries de la ville. Je présume que personne ne s’ennuie du Ivor Wynne.

Guillaume Lefrançois

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Le boxeur Hermann Ngoudjo en décembre 2007

Décembre 2007. Hermann Ngoudjo se prépare à affronter Paulie Malignaggi pour le titre IBF des super-légers. On arrive à la « conférence de presse » au fond du défunt Archie Gym, en face de l’Interpool, deux hauts lieux de la culture des cégépiens d’Ahuntsic de l’époque. Le point de presse est en fait une conférence téléphonique, sans images. Ngoudjo se penche donc au-dessus du téléphone en mode mains libres en insultant le pauvre Malignaggi. « Quand on t’écoute parler, c’est comme un disque qui saute ! » Au fond de la pièce, l’entraîneur de Ngoudjo, Howard Grant, mange son quart de poulet cuisse en tentant de se faire discret. Avec les journalistes, les caméramans, Ngoudjo, Grant, Yvon Michel et Dieu sait qui d’autre, dans une salle grande comme une chambre à coucher, on comprenait assez vite la définition d’un environnement bancal. Pour un journaliste qui sortait de la salle de rédaction environ une fois par mois, c’était une expérience mémorable.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO JOCELYN RIENDEAU, ARCHIVES LA TRIBUNE

Jacques Villeneuve, un habitué du Grand Prix de Valcourt, ici en 2010 

Le Grand Prix Ski-Doo de Valcourt est un évènement sportif dont on discute peu dans les estaminets de Rosemont, mais qui est hautement prisé des amateurs de motoneige nord-américains. C’est aussi une manifestation rendue possible par une organisation rodée au quart de tour qui traite aux petits oignons les journalistes qui la couvrent. La galerie de presse ? Chauffée à bloc. La connexion internet ? Cristalline. En région et en 2008, ce n’était pas rien. Question facile, toutefois : par un froid de 30 degrés sous zéro, qu’arrive-t-il à l’encre des stylos apportés par un journaliste bobo qui a oublié son enregistreuse à la maison ? Voilà, ça gèle. Et un pilote de motoneige qui vient de gagner une course, ça jase. Beaucoup. Même si son interlocuteur ne sent plus ses extrémités depuis longtemps et ne pose plus de questions, occupé à mémoriser les grandes lignes de ce qu’on lui raconte, faute de pouvoir prendre des notes. Un autre beau moment de journalisme.

Pascal Milano

PHOTO ENRIGUE MARTINEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’Impact célèbre un but marqué contre l’Alajuelense en demi-finale de la Ligue des champions de la CONCACAF, au Costa Rica, le 7 avril 2015.

On parle souvent d’« arbitrage CONCACAF » pour désigner des décisions douteuses. On peut tout aussi bien parler de « tribune de presse CONCACAF ». À Alajuela (Costa Rica), lors de la Ligue des champions 2015, les journalistes étaient placés dans un petit abri de style baseball entre un but et un poteau de corner. Résultat, il était difficile de bien suivre l’action dans le camp opposé. Pire, on ne voyait que le flanc droit du terrain. Par exemple, nous n’avons pas vu le but d’Andrés Romero. Ce n’est qu’en le voyant jubiler, devant nous, que nous avons compris. Résumons : une vue tronquée, peu de télévisions, de rares prises électriques pour brancher l’ordinateur et… un sérieux mal de tête. Avec le temps, par contre, ce sont les souvenirs d’une ambiance passionnée et d’un match à rebondissements qui demeurent. C’est aussi ça, l’effet CONCACAF.

Alexandre Pratt

C’était en septembre 1999, à Cooperstown, dans l’État de New York. Je couvrais une réunion du baseball majeur. Il faisait un temps de chien. Une pluie torrentielle, alimentée par la queue de l’ouragan Floyd. De l’eau s’infiltrait sous la porte de ma chambre de motel. L’électricité partait et revenait. L’heure de tombée approchait. Je devais envoyer mon texte. Sauf que c’était avant le réseau sans fil. Je devais brancher mon ordinateur dans une prise de fax. Ce qu’il n’y avait pas dans ma chambre. La réception du motel était vide. Comme je n’avais pas d’auto, j’ai dû retourner au village, pluie battante, pour trouver un télécopieur dans l’autre hôtel – beaucoup plus chic. J’ai branché mon câble et composé à peu près 34 chiffres à partir de mon ordinateur : le numéro d’AT&T, suivi du numéro de ma carte d’appel, puis du numéro du pupitre des sports de La Presse. Ce qui ne fonctionnait jamais du premier coup. Il fallait tendre l’oreille et calculer le délai entre chaque étape. Pour chaque seconde d’attente, il fallait ajouter une virgule. Une technologie dont je ne m’ennuie pas une virgule… euh, une seconde !