David Yu a un emploi de rêve. Il dirige une équipe d’analystes chez Sportlogiq, une PME montréalaise spécialisée dans les statistiques sportives.

Concrètement, il répond aux besoins des équipes.

Lesquelles ? Pas mal toutes. Sportlogiq est partenaire de 30 des 31 formations de la LNH. « Notre logiciel procure aux clubs des données très pertinentes. Mais des fois, une équipe ou un entraîneur veut voir les choses différemment. Alors on lui prépare des rapports spécifiques. »

Oubliez les +/- ou le pourcentage d’efficacité en supériorité numérique. On parle ici de statistiques très, très avancées. Un exemple : Sportlogiq est capable de sortir les lignes de passe les plus souvent utilisées pour chaque équipe de la LNH. Non seulement ça, mais aussi le type de passe, les cibles préférées de chaque joueur, etc. Et ensuite, de fournir des extraits vidéo pour toutes les passes tentées par Shea Weber ou Patrice Bergeron en zone neutre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

David Yu dirige une équipe d’analystes chez Sportlogiq, PME montréalaise spécialisée dans les statistiques sportives.

« J’espère que tu aimes ça, le hockey ?

– Oui ! J’ai grandi à Winnipeg dans les années 90. Les Jets étaient le seul spectacle en ville. J’étais un grand fan. Quand ils ont quitté la ville [pour Phoenix], en 1996, ça m’a dégoûté. J’ai cessé d’écouter les matchs. Mais depuis leur retour, je suis redevenu un gros amateur de hockey. »

Une journée normale, David pense au hockey matin, midi et soir. Mais depuis deux semaines, la LNH est en pause. Sportlogiq poursuit ses activités – la firme aide notamment les équipes avec le repêchage. Mais disons que les soirées de David sont pas mal moins occupées.

« J’ai définitivement plus de temps libre. Alors je me suis demandé comment je pouvais contribuer à la lutte contre la COVID-19. Ce n’est pas évident. »

Je pensais entre autres à mes parents, restés à Winnipeg. Je me sentais impuissant. Je ne peux rien faire pour les aider à partir de Montréal.

David Yu

« Il y a beaucoup de gens comme moi qui vivent loin de ceux qu’ils aiment. Heureusement, mon frère est là-bas. Mais je me suis dit : qu’est-ce que je ferais si ce n’était pas le cas ? »

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Le 16 mars, David Yu est sorti de la ville. Il est allé prendre un grand bol d’air frais au mont Mégantic, dans les Cantons-de-l’Est. L’occasion de penser à la pandémie, à la crise, à son rôle dans tout ça.

« C’est là que mon idée s’est cristallisée. »

Quelle idée ? Créer un site web pour mettre en contact des bénévoles et des gens ayant des besoins.

« Ma partenaire et moi vivons dans un édifice comprenant une douzaine de condos. Nous avons envoyé un courriel à tout le monde, disant : “Si vous avez besoin d’aide, nous sommes là.” Tous les gens de moins de 60 ans nous ont écrit : “Génial, on veut aider aussi.” Mais personne de plus de 60 ans n’a répondu. J’ai tout de suite réalisé qu’une partie du problème résidait là. Les gens souhaitent garder leur indépendance. »

« Ensuite, il y a plein de groupes qui se sont formés sur les réseaux sociaux. Sauf qu’encore là, ce n’est pas tout le monde qui s’abonne à un groupe sur Facebook. »

Pendant deux semaines, il a donc mis ses talents de programmeur à profit et créé de toutes pièces Volunteer Atlas. Un site web simple, gratuit et efficace.

> Consultez le site Volunteer Atlas

Si vous désirez être bénévole, vous répondez à quelques questions de base.

Nom. Ville. Services proposés. Journées disponibles. Langues parlées. Une courte description de vous. Puis vous indiquez dans quel secteur vous pouvez aider.

Si vous êtes une personne qui a besoin d’un coup de pouce, vous allez simplement sur le site, vous trouvez votre quartier et vous envoyez un courriel aux bénévoles.

C’est tout.

« Le cœur du problème, c’est d’être capable de livrer quelque chose – une épicerie, par exemple – d’un point A à un point B. Des compagnies comme Amazon et Uber ont parfois de la difficulté à y parvenir rapidement. C’est pour ça qu’elles chargent cher. »

Mon désir avec Volunteer Atlas, c’est d’aller au-delà d’une livraison unique. C’est de créer une véritable relation à long terme entre un bénévole et une personne dans le besoin.

David Yu

« Un jour, on va atteindre le sommet de la courbe [de contagion]. Les besoins d’assistance vont diminuer. Mais plusieurs experts pensent que l’épidémie reviendra l’hiver prochain. Nous devons être prêts. Si le réseau d’entraide existe déjà, ça nous permettra d’affronter la crise plus facilement. C’est ça, l’idée derrière le projet. »

Depuis la mise en ligne du site, lundi, David a recruté une trentaine de bénévoles. Principalement à Montréal et à Toronto.

Une contribution intéressante à l’élan de solidarité. Parce que des belles passes sur la palette comme celle-là, on en aura besoin pour passer au travers de cette crise.