Si tout se déroule selon les règles, Laurence Vincent Lapointe connaîtra mercredi le sort que lui réserve la Fédération internationale de canoë (FIC).

Suspendue provisoirement depuis le 13 août, la multiple championne mondiale plaide son innocence au sujet d’un test positif au ligandrol, une substance interdite par le Code mondial antidopage.

En compagnie de son avocat Adam Klevinas, la canoéiste de 27 ans a fait valoir ses arguments lors d’une audience devant le comité antidopage de la FIC le 9 décembre à Lausanne. Selon les règlements de la fédération internationale, le comité doit rendre une décision écrite dans les 30 jours suivant cette audience, ce qui mène à mercredi. Cette décision écrite doit inclure toutes les raisons la soutenant, qu’une sanction soit imposée ou pas.

« C’est ce qui est écrit dans les règles, a convenu MKlevinas mardi après-midi. À date, on n’a pas eu de nouvelles. On ne sait pas si ça va être rendu demain [mercredi]. Ils peuvent demander une prolongation s’ils le veulent. Il y a eu les Fêtes entre-temps. Je ne sais pas s’ils ont eu le temps de motiver leur décision. Écrire ça, ça prend du temps. »

L’avocat montréalais s’attend à recevoir la faveur du comité de trois arbitres devant lequel il a plaidé le mois dernier en Suisse.

S’il ne conteste pas la violation des règles antidopage (les échantillons A et B prélevés le 29 juillet à Montréal contenaient bel et bien du ligandrol), il soutient que sa cliente n’a pas consommé cette substance de façon intentionnelle. Si une telle preuve est faite, la période de suspension maximale à laquelle s’expose un athlète fautif passe de quatre à deux ans.

MKlevinas vise plutôt une élimination complète de la période de suspension en vertu d’une absence de faute ou de négligence de Vincent Lapointe, se référant à l’article 10.4 du Code.

Cet article s’applique « dans des circonstances exceptionnelles, par exemple si un sportif peut prouver que malgré toutes les précautions prises, il a été victime d’un sabotage de la part d’un concurrent », peut-on lire dans une version commentée du Code publiée par l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 2015.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Laurence Vincent Lapointe et son avocat Adam Klevinas

Dans le même commentaire, il est précisé que l’article 10.4 ne s’appliquerait pas dans le cas d’un « contrôle positif découlant d’une erreur d’étiquetage ou d’une contamination de compléments alimentaires ou de vitamines […] ».

Cette hypothèse avait été évoquée par le clan de la canoéiste lors d’une conférence de presse à Montréal le 20 août. La concentration peu élevée de ligandrol dans l’urine de l’athlète rendait plausible la possibilité d’une contamination de compléments, avait fait valoir MKlevinas.

Cette piste avait gagné du terrain quand des instituts nationaux de sport, dont l’INS Québec à Montréal, avaient recommandé à leurs athlètes de se tenir loin de quatre compléments alimentaires ou vitamines consommés par Vincent Lapointe avant son test positif. Or, des analyses de ces produits demandées par le Centre canadien du sport Atlantique, où la Québécoise s’approvisionnait par l’entremise du centre national de Canoë Kayak Canada (CKC) à Halifax, n’avaient rien révélé, a-t-on appris en septembre.

Me Klevinas avait alors précisé que le laboratoire choisi pour procéder à ces tests n’était pas agréé par l’AMA. Il a fait mener ses propres examens par un laboratoire agréé, sans en dévoiler les résultats jusqu’ici.

Appel

Si la décision est transmise aux parties concernées mercredi, il est à peu près certain qu’elle ne sera pas rendue publique avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. L’athlète ou le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, entre autres, disposeraient alors de 21 jours pour faire appel de la décision après la réception des documents complets. L’AMA pourrait en faire autant après expiration de ce premier délai.

En théorie, un premier appel se ferait auprès d’une cour d’arbitrage de la FIC, sauf si c’est l’AMA qui s’en prévaut. MKlevinas juge cette possibilité peu plausible et s’attend à ce que le Tribunal arbitral du sport (TAS), plus haute instance internationale, soit directement saisi du dossier.

« Avec la preuve déposée et les arguments [qu’on a fait valoir], si la décision n’est pas favorable à Laurence, c’est assez probable qu’on irait en appel, a affirmé Me Klevinas. Notre cas est assez solide au niveau factuel, scientifique et des arguments juridiques avancés. Il faut que je voie la décision […] mais je pense qu’on a de bons arguments et les preuves [qui les accompagnent]. »

On ne peut pas demander quelque chose qu’on ne mérite pas.

Me Adam Klevinas, avocat de Laurence Vincent Lapointe

Exclue des derniers Championnats du monde en Hongrie, Laurence Vincent Lapointe n’a pas réagi publiquement depuis la conférence de presse du 20 août. Elle ne s’exprimera qu’après l’annonce de la décision par la FIC. Elle bénéficie de l’appui de sa fédération nationale et de l’organisme privé B2Dix, qui voit en elle « un cas particulier ».

Douze fois médaillée d’or aux Championnats du monde depuis 2010, l’athlète de Trois-Rivières espère toujours participer aux Jeux olympiques de Tokyo, où le canoë féminin fera ses débuts l’été prochain. Interdite de toute activité de l’équipe nationale ou d’un club affilié, elle s’entraînait seule chez elle, aux dernières nouvelles.

Une jurisprudence favorable ?

Sans vouloir se prononcer spécifiquement sur le dossier de Laurence Vincent Lapointe, dont elle a elle-même confirmé le test positif au ligandrol à son laboratoire de l’INRS-Institut Armand Frappier, la Dre Christiane Ayotte constate un « amollissement » des autorités par rapport à cette famille de substances interdites (les modulateurs sélectifs des récepteurs aux androgènes ou SARM). « Je vois une certaine indulgence, a déploré la directrice du laboratoire mardi. Je n’arrive pas à mettre exactement le doigt dessus, mais c’est vu comme un problème mineur comparé aux anabolisants, alors que ce n’est pas le cas. » Passible d’une suspension de quatre ans, un test positif au ligandrol (LGD-4033) tourne généralement plutôt autour de « 9 à 15 mois », évalue-t-elle. « Je pense que c’est ça qui va s’appliquer [à Vincent Lapointe] ». « Le problème des suppléments contaminés, ça date de la fin des années 90, a ajouté la Dre Ayotte. Je pense qu’on tient pour acquis que tout est contaminé partout, tout le temps. Ça demande des efforts monstrueux et déraisonnables de la part des athlètes pour trouver des suppléments qui ne le sont pas. » Dans les circonstances, elle ne comprend pas pourquoi ils ne s’abstiennent pas : « C’est un choix, ce n’est pas un médicament non plus. »